Après avoir annoncé qu’il annonçait une hausse massive de l’immigration cette semaine, en la faisant passer de 50 000 à 60 000, Philippe Couillard a accusé François Legault qui s’en inquiétait de souffler sur les braises de l’intolérance. À demi-mots, on a compris qu'il accusait François Legault de flirter avec l’extrême-droite et de favoriser l’émergence d’une mouvance xénophobe semblable à celles présentes aux États-Unis et en Europe. Du haut de sa superbe, Philippe Couillard accorde à François Legault le privilège de l’ignorance : peut-être François Legault le fait-il involontairement?
Évidemment, c’est odieux. C’est une méthode d’exécution idéologique classique, mais encore de temps en temps efficace, qui consiste à diaboliser son adversaire, à lui coller une étiquette infamante, à l’associer à la part maudite de la politique contemporaine. Celui qui lance cette accusation se pose ensuite comme un gardien vertueux de la démocratie contre les enragés ou les irresponsables qui la menacent. En mettant en garde contre le diable, Philippe Couillard témoigne de sa propre vertu. Il se hisse au sommet de notre société et prétend décerner des certificats de respectabilité.
Mais en plus d’être odieuse, la déclaration de Philippe Couillard est surtout très bête et témoigne d’une inculture politique surprenante de la part d’un homme qui aime se présenter comme un savant admirable au service de la collectivité. L’extrême-droite n’est pas une notion qu’on jette au visage des gens avec légèreté. Elle a une histoire. Plus souvent qu’autrement, elle sert à décrier qu’à décrire. Mais une chose est certaine, elle sert à inscrire celui à qui on l’accole dans la grande histoire de l’intolérance ethnique en l'associant à la folie meurtrière du dernier siècle.
Soyons sérieux: doit-on comprendre que selon Philippe Couillard, il suffit de ne pas souhaiter une augmentation massive de l’immigration pour souffler sur les braises de l'intolérance? Il y aurait donc deux alternatives en matière d’immigration : soit on est favorable à la logique du toujours plus, qui consiste à toujours augmenter les seuils comme s’il s’agissait d’une nécessité vitale pour la prospérité québécoise, et alors, on est démocrate, ouvert et généreux, soit on questionne cette hausse et alors, on passe du côté obscur de la démocratie. Soit on augmente les seuils d'immigration à 60 000, soit on questionne cette mesure et on flirte avec la xénophobie. C’est insensé.
À moins qu’il suffise, selon Philippe Couillard, de ne pas croire que l’immigration a seulement des vertus pour se complaire dans un ressac anti-immigration caractéristique de l'extrême-droite? Suffit-il de rappeler que l’intégration des immigrants n’est pas toujours une réussite pour exciter les passions négatives d’un peuple qu’on ne cesse de suspecter de xénophobie, comme si laissé à lui-même, et délivré des contraintes imposées par un gouvernement libéral supérieurement éclairé et moralement irréprochable, il se laisserait aller au repli identitaire?
Suffit-il d’ajouter qu’une nation n’est pas qu’une association d’individus désincarnés mais une histoire et une culture pour se faire coller la sale étiquette? Suffit-il de rappeler qu’une mauvaise politique d’immigration peut fragiliser la culture québécoise et contribuer à l’anglicisation de Montréal pour passer du côté du mal? On pourrait facilement jouer le jeu des accusations mesquines, en ce cas. Devrions-nous questionner l’attachement de Philippe Couillard à l’identité québécoise? Plus prosaïquement, on peut lui reprocher d'instrumentaliser la politique d'immigration pour gonfler la base électorale du Parti libéral.
On touche alors l’essentiel: peut-être Philippe Couillard a-t-il simplement dévoilé le fond de sa pensée. Peut-être que pour lui, toute préoccupation minimalement nationaliste est déjà suspecte et contradictoire avec l’esprit démocratique. Mais ça, nous le savions déjà. Peut-être que pour lui, un démocrate du XXIe siècle doit nécessairement être multiculturaliste et favorable à l’immigration massive? De ce point de vue, il représente bien la conversion achevée du PLQ au trudeauisme. Il faut pourtant rappeler les faits : une nation n’est pas une réalité superficielle sans profondeur historique et elle est en droit de persévérer dans son être.
Mais une chose est certaine, c’est que le premier ministre du Québec a pollué cette semaine la démocratie québécoise en y déversant des accusations injurieuses et insensées.
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