samedi 7 et dimanche 8 décembre 2002
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Chronique - Il ne serait pas très difficile de me convaincre qu'un conflit de personnalités avec la nouvelle directrice de cabinet du premier ministre Landry, Brigitte Pelletier, se soit superposé à un différend de nature politique pour provoquer le renvoi de la politologue-conseillère, Josée Legault. Quand les positions sont aussi diamétralement opposées, il devient parfois très difficile de faire la part des choses.
Chacun a les défauts de ses qualités. La foi souverainiste de Mme Legault est à ce point intense qu'elle peut certainement devenir intraitable, voire insupportable dans le feu d'une discussion. S'il y a quelqu'un à qui l'expression «pure et dure» convient parfaitement, même si elle la récuse, c'est bien elle. Je me souviens d'un face-à-face télévisé avec le sociologue Pierre Drouilly, il y a quelques années. À la place de M. Drouilly, j'aurais sans doute éprouvé une furieuse envie de lui tordre le cou. Quand il a retenu ses services, M. Landry ne pouvait pas ignorer à qui il avait affaire.
Peu importe la véritable raison de son congédiement, il est parfaitement normal pour un chef de cabinet de choisir les gens avec lesquels il veut travailler et d'écarter ceux avec lesquels un minimum d'entente lui paraît impossible. Le congédiement d'un conseiller politique n'a donc rien d'exceptionnel.
Ce qui étonne dans le cas de Josée Legault, c'est l'acharnement que le bureau du premier ministre a mis à la noircir. Non seulement elle aurait un caractère exécrable, mais elle serait également paresseuse, brouillonne, incompétente et j'en passe. Si c'est le cas, on se demande bien pourquoi il a fallu tant de temps à s'en rendre compte. Si elle ne l'avait cité la première, on aurait tout de suite pensé au proverbe du chien qu'on accuse de la rage parce qu'on veut le noyer.
Je n'ai aucun souvenir d'un chef de cabinet qui émet un communiqué pour argumenter sur les motifs d'un renvoi, qu'ils soient fondés ou non. Ce genre d'exécution se fait normalement d'un seul coup de hache, après quoi on ne revient plus sur le sujet.
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Mme Legault s'est dite surprise de se voir signifier son congé au lendemain d'un conseil national où M. Landry a fait de gros efforts pour convaincre les militants péquistes de sa nouvelle détermination à promouvoir la souveraineté. Sans blague, elle ne s'imaginait tout de même pas qu'on allait la mettre à la porte la veille du conseil national !
D'ailleurs, il semble un peu étrange qu'elle n'ait pas vu venir le coup. Il y a pourtant des signaux qui sont clairs. Quand on lui a offert la présidence de la Commission de toponymie, elle aurait bien dû se douter que sa présence au bureau du premier ministre n'était plus désirée très ardemment.
À moins d'être vraiment inconsciente, il est difficile de croire qu'elle ait sérieusement pensé que M. Landry puisse la nommer au conseil des ministres sans même qu'elle soit élue à l'Assemblée nationale. Ou encore à la présidence du futur Conseil de la souveraineté. Mme Legault est sans doute une militante d'une ardeur hors du commun, mais elle a aussi la réputation d'être totalement incontrôlable. Même dans un moment d'égarement, M. Landry n'aurait pas pris un tel risque.
Au printemps dernier, elle laissait entendre qu'elle pourrait quitter d'elle-même le bureau du premier ministre, afin de se consacrer à temps plein à son élection dans le comté de Mercier, où elle avait fait une première tentative d'arracher l'investiture péquiste à Robert Perreault, en 1998. Être élue députée était le rêve de sa vie, disait-elle.
Pourtant, elle n'a pas fait beaucoup d'efforts en ce sens au cours des derniers mois.
En vertu des règlements du PQ, il n'est plus possible de recruter de nouveaux membres qui seront autorisés à voter lors de l'assemblée d'investiture du 9 février. La lutte se fera donc entre Pierre Tadros et Daniel Turp.
Plusieurs au PQ seront soulagés de savoir que Mme Legault ne sera pas sur les rangs. Le comté de Crémazie, où Manon Blanchet ne sollicitera pas un renouvellement de mandat, serait disponible, dit-on, mais personne ne parierait sur les chances du PQ. La principale intéressée a elle-même qualifié une éventuelle candidature de «peu probable».
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On a peut-être exécuté Josée Legault, mais il y a des cadavres qui peuvent devenir très embarrassants. Il suffit de penser à Yves Michaud, dont l'affaire n'est toujours pas réglée et dont les partisans ne désarment pas. Coïncidence, c'est Mme Legault qui avait été chargée de trouver un accommodement avec lui. Ce n'est tout de même pas sa faute si M. Landry n'en finit plus de reporter les modifications au règlement de l'Assemblée nationale qui permettraient d'en finir enfin avec ce triste épisode.
Mme Legault ne rentrera sûrement pas dans ses terres. Elle va plutôt joindre sa voix à celles de l'ex-ministre de la Justice, Paul Bégin, qui l'a déjà élevée au rang de «conscience du PQ», et de tous ceux qui estiment que M. Landry a en pratique tourné le dos à la souveraineté.
On peut compter sur elle pour mettre de l'ambiance à l'approche du congrès d'orientation de mars prochain.
C'est peut-être après les prochaines élections, quand s'amorcera le vrai débat sur l'avenir du PQ, que Josée Legault donnera sa pleine mesure. «J'espère que ceux qui prendront la relève seront là pour la souveraineté et non pas pour leur carrière», a-t-elle lancé mercredi. On peut compter sur elle pour y veiller.
mdavid@ledevoir.com
départ de Josée Legault
L'exécution
Quand Bernard Landry a retenu les services de Josée Legault, il ne pouvait pas ignorer à qui il avait affaire
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