Le Bloc québécois a un nouveau chef, Daniel Paillé, un homme qui a le mérite d'être clair. Sous sa gouverne, le Bloc n'aura qu'une raison d'être: la promotion de la souveraineté. Un vote pour le Bloc sera, à ses yeux, un vote pour la souveraineté, a-t-il confirmé hier en conférence de presse. Une réponse logique après le discours qu'il venait de faire à ses militants.
Il ne les a pas conviés à se lancer dans la défense des intérêts du Québec, mais dans une grande «corvée» pour vendre les mérites de la souveraineté aux Québécois qui ne se reconnaissent pas dans le gouvernement conservateur de Stephen Harper.
Tout en rebâtissant sa machine, le Bloc prendra les airs de mouvement de mobilisation qu'il a déjà été. «La raison fondamentale de l'existence du Bloc est la souveraineté», a-t-il dit sans détour. Et il veut que son parti s'emploie à expliquer aux Québécois, exemples concrets à l'appui, à quoi ressemblerait un Québec souverain. La souveraineté est le but ultime, mais le but à court terme de cette stratégie est aussi de reprendre pied aux Communes.
Le pari est audacieux, car ce parti s'est maintenu dans la faveur populaire, élection après élection, en comptant entre autres sur les appuis de ces Québécois qui, sans être souverainistes, ne trouvaient pas leur compte avec les autres partis. Et ce pari n'est pas sans risque, car il dépend de quelques variables sur lesquelles M. Paillé n'a pas le contrôle: la capacité ou non du NPD de consolider sa position au Québec et de gagner ses galons aux Communes, une victoire du Parti québécois lors des prochaines élections provinciales, la démonstration sans équivoque auprès des fédéralistes que le gouvernement Harper est le reflet fidèle de ce qu'est le Canada d'aujourd'hui et qu'appartenir à ce pays est une cause perdue.
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M. Paillé va se démener pour réunir ces conditions gagnantes. Il s'en prend déjà volontiers aux compromis que les députés néodémocrates du Québec doivent, affirme-t-il, faire au contact de leurs collègues du reste du pays. L'argument n'est pas dénué de tout fondement. Il y a des dossiers où le NPD n'a pas été à la hauteur. Mais cette critique, faite sans nuances et sans relâche, peut tourner à la caricature et rebuter les gens. Et il reste presque quatre ans avant le prochain scrutin fédéral, autant de temps pour reconstruire le Bloc, mais tout autant pour que le NPD fasse ses preuves. Il est trop tôt pour juger sans appel de sa performance, d'autant plus que l'on ignore qui sera le prochain chef.
Une autre performance qui, elle, sera déterminante pour l'avenir du Bloc — et à beaucoup plus court terme — sera celle du PQ. Ancien ministre péquiste, Daniel Paillé n'a jamais fait de secret que, sous son règne, le Bloc serait aux côtés du PQ lors des prochaines élections provinciales. Rien ne lui garantit que tous ses membres le suivront — pour ce qu'il en reste, mais il n'a pas le choix. Sans le PQ au pouvoir, ce sont les espoirs de référendum qui s'envolent en fumée.
En sortirait affaibli aussi le plus solide et le plus ancien des arguments en faveur de l'élection d'un fort contingent de députés bloquistes, à savoir la nécessité d'avoir des souverainistes à Ottawa pour veiller au grain advenant un référendum favorable à la souveraineté. Mais pour faire valoir ce point, encore faut-il que la probabilité d'un référendum soit minimalement plausible.
Il est clair que la ferveur n'y est pas pour l'instant, ce que M. Paillé veut aussi corriger en démontrant que le gouvernement de Stephen Harper est en train de transformer les valeurs canadiennes en valeurs réformistes auxquelles les Québécois ne s'identifient pas. M. Paillé affirme lui-même que ces valeurs conservatrices «n'ont rien à voir avec les valeurs canadiennes des dernières décennies», mais il les amalgame sans complexe dans tout le reste de son exposé. Il pense que bien des fédéralistes sont rebutés par les politiques de ce gouvernement conservateur duquel, dit-il, il n'y a plus rien à attendre pour le Québec.
Le hic est que ce genre de discours était déjà celui du Bloc durant la dernière campagne et il a plutôt eu pour effet de pousser les citoyens à se tourner vers le NPD qui ne se contentait pas de promettre de tenir les conservateurs en joue, mais de les remplacer. C'est vrai qu'il y avait aussi Jack Layton et son ton positif. Et il est tout aussi vrai que, depuis le 2 mai, le gouvernement Harper n'a cessé d'offrir des munitions à ses détracteurs les plus féroces. Ce serait faire erreur cependant de penser que gouvernement Harper et Canada sont synonymes.
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Et reprendre les choses là où on les avait laissées depuis l'élection a de quoi surprendre. Le Bloc a subi une dégelée le 2 mai, après une campagne où Gilles Duceppe avait attaqué sans relâche les conservateurs et perdu du terrain après avoir dit aux militants péquistes en congrès que tout devenait possible après une victoire bloquiste suivie d'une victoire péquiste. Aujourd'hui, le BQ n'a plus que quatre députés. Son effectif a baissé. Seulement 38,7 % des membres restants se sont prévalus de leur droit de vote, même si l'avenir du parti est en jeu.
On reste avec l'impression que les leçons de la dernière campagne n'ont pas été retenues. Daniel Paillé était vu comme le candidat de la continuité. Il l'a en quelque sorte confirmé.
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