En plus de commettre une grave erreur politique le 30 octobre 1995, Jacques Parizeau s’est trompé en attribuant la défaite référendaire aux votes ethniques, soutient son ex-conseiller Jean-François Lisée.
«On a été battus, au fond par quoi? Par l’argent et des votes ethniques, essentiellement», avait déclaré le premier ministre du Québec dans son discours où il encaissait la défaite, semant la consternation tant chez les troupes souverainistes que fédéralistes.
Le camp du Oui ne pouvait pas miser sur le vote des immigrants pour gagner son référendum, et Jacques Parizeau le savait, raconte M. Lisée. «L’année précédente, “Monsieur” avait d’ailleurs affirmé qu’il n’avait pas besoin du vote non francophone», soutient Jean-François Lisée dans son livre, Octobre 1995 — Tous les espoirs, tous les chagrins, qui sortira en librairie le 28 octobre aux éditions Québec Amérique.
«Dans aucun scénario, le succès du Oui ne pouvait reposer sur une part significative de votes des communautés culturelles», ajoute-t-il. À son avis, le camp du Oui ne pouvait compter que sur environ 5 % du vote non francophone. «L’attachement des immigrants récents pour le pays qui les a adoptés, leur recherche de stabilité [...] rend leur adhésion à la souveraineté, l’exception», écrit l’auteur.
«L’emballement bureaucratique» à Immigration Canada a permis d’augmenter le nombre de nouveaux citoyens de 23 800 en 1993, à 40 500 en 1994 et à 43 850 en 1995.
«Non-sens»
Jean-François Lisée estime que, parmi ceux qui ont voté, 30 617 des 35 595 nouveaux immigrants québécois ont voté Non, 56 % de la marge de victoire du Non.
«Vouloir faire porter sur la minorité le poids de la décision de la majorité [...] est à la fois un non-sens et une grave injustice», soutient le député de Rosemont.
À son avis, la «phrase tragique» de M. Parizeau «tire son origine d’un mélange de déception et de colère qu’il faut trouver plus loin, bien cachées au fond de son égo [...].
«S’il souhaitait blâmer des électeurs pour les votes manquants, il aurait dû s’en prendre aux Beaucerons, qui n’étaient pas majoritairement en faveur du Oui, ou aux gens de Québec qui ne l’étaient pas suffisamment.»
D’accord pour l’argent
Jean-François Lisée qualifie de «demi-bêtise» la déclaration de son ex-patron parce qu’il lui donne raison au sujet de son allusion à l’argent. Option Canada a injecté 4,8 millions de dollars dans la caisse du camp du Non, soutient M. Lisée. Le plafond de dépenses pour chacun des deux camps était de 5 millions.
Retarder le droit de vote des immigrants
Un gouvernement souverainiste pourrait imposer aux immigrants québécois un délai de 12 mois avant de leur concéder le droit de vote à une élection ou un référendum, suggère Jean-François Lisée.
«Le droit de voter d’un citoyen n’est pas absolu. Dans toutes les provinces, y compris au Québec, il ne suffit pas d’être citoyen majeur pour avoir le droit de vote», écrit le député péquiste de Rosemont dans son livre à paraître: Octobre 1995 — Tous les espoirs, tous les chagrins, aux éditions Québec Amérique.
Selon les règles actuelles, un immigrant a le droit de vote dès le premier jour où il obtient sa citoyenneté canadienne. Un citoyen canadien qui immigre au Québec doit y être domicilié depuis six mois pour avoir le droit de vote. Avant 1989, la règle était de 12 mois, signale Jean-François Lisée.
L’émission de certificats de citoyenneté canadienne a bondi de «400 %» en 1995, une manœuvre motivée par l’intention politique du gouvernement fédéral de grossir le nombre d’opposants à l’indépendance du Québec, accuse Jean-François Lisée. «C’est condamnable», soutient-il en entrevue.
Proposition
Pour empêcher que cela ne se reproduise, le député de Rosemont propose de légiférer afin «d’établir que, pour voter à des élections ou à un référendum québécois, il faut avoir acquis la citoyenneté canadienne depuis au moins 12 mois». Une telle mesure pourrait ainsi dissuader Ottawa d’accélérer l’émission des certificats de citoyenneté, croit M. Lisée.
Nul doute qu’une telle disposition serait contestée en cour, convient le député de Rosemont. «Cela permettrait de faire la démonstration de la nature partisane de la pratique fédérale [...] Il serait probablement facile d’établir par exemple que des personnes ont obtenu la citoyenneté dans la précipitation sans satisfaire aux exigences de la loi fédérale», écrit-il.
Si la Cour suprême devait invalider la loi, Québec pourrait invoquer la clause dérogatoire de la Constitution canadienne, suggère M. Lisée.
Extrait du livre
« J'y viens à la tragédie du discours référendaire. Tragédie pour lui et pour nous. Devant le micro du camp du OUI, le 30 octobre 1995, ce n'est pas le banquier qui parle, ni le cartésien, ni le stratège, ni le gamin, ni le méfiant. C'est l'égo fêlé de Jacques Parizeau. Il lui fallait un OUI pour valider tous les sacrifices, toutes les insultes, les jugements portés, l'effacement. Il lui fallait un OUI personnellement autant que politiquement. “Des votes ethniques” ne sont que des victimes collatérales dans l'immense déception personnelle du géant Jacques Parizeau.»
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