L’émotion est mauvaise conseillère

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«Rien de mieux que d’émouvoir la plèbe quand tu es à court d’idées...»





À défaut d’avoir des idées, nos politiciens ont, depuis quelque temps, des émotions.


Pas une journée sans qu’ils nous offrent le spectacle ô combien attendrissant de leur compassion, de leur apitoiement et de leur pitié.


De vraies Mère Teresa !


La tête froide


En février dernier, j’ai écrit une chronique sur Paul Bloom, un psychologue canadien qui enseigne à l’université Yale.


Auteur d’un livre intitulé Contre l’empathie, cet intellectuel croit que les politiciens devraient apprendre à refréner leurs élans émotifs. Selon lui, l’empathie, loin d’être une vertu lorsqu’on est en politique, est au contraire une très mauvaise conseillère.


« On se porterait mieux si on pouvait se débarrasser de l’empathie, a-t-il déjà confié au Devoir. L’empathie conduit à des jugements partiaux, elle pousse à prendre de mauvaises décisions, elle peut même nous entraîner dans des formes de cruauté. »


Au lieu de laisser libre cours à leurs émotions, comme ils le font trop souvent, les politiciens devraient plutôt garder la tête froide.


On ne les élit pas pour qu’ils pleurent devant les caméras ou qu’ils donnent des câlins. On les élit pour qu’ils prennent des décisions éclairées — et informées — dans l’intérêt de leurs concitoyens.


Bref, un peu moins de passion, un peu plus de raison.


Faire un show


Regardez Denis Coderre.


En allant rendre visite aux migrants réfugiés au Stade olympique, le maire de Montréal a voulu montrer qu’il avait de l’empathie.


Mais il a aussi dit aux immigrants du monde entier : « Si jamais vous traversez illégalement la frontière, à Montréal, on va vous accueillir chaleureusement ! Come on down ! »


Est-ce vraiment le message que nous voulons lancer aux gens qui songent à immigrer ici ? Pas besoin de faire une demande en bonne et due forme, vous n’avez qu’à prendre un avion pour les États-Unis et, une fois rendus, à traverser la frontière ?


L’immigration est un sujet complexe qui doit être abordé le plus « froidement » possible. C’est comme si on maniait de la nitroglycérine. Il faut y aller avec tact et délicatesse, sinon on risque de mettre le feu aux poudres.


Accueillir les déshérités ? Bien sûr. Après tout, nous sommes privilégiés. Mais pas n’importe qui et pas n’importe comment.


Il y a des règles, des lois, un processus, des étapes.


Utiliser les réfugiés pour faire un show, comme le maire de Montréal l’a fait (« Regardez comme je suis ouvert, regardez comme j’ai le cœur sur la main »), est non seulement démagogique, c’est irresponsable.


On ne parle pas ici d’une course d’autos électriques.


Se faire photographier aux côtés des lolos de Kate Upton (qu’on a loués au prix fort) est une chose. Mais utiliser une situation aussi complexe que la crise des migrants pour se faire du capital politique est en dessous de tout.


À court d’idées


Pas étonnant qu’autant de comédiens se lancent en politique.


On ne demande plus à nos élus de nous éclairer, mais de nous émouvoir, de nous faire « vibrer », de communiquer au reste du monde à quel point nous sommes sensibles, humains.


Justin Kumbaya a compris la recette et il l’applique avec génie. Et de plus en plus de politiciens l’imitent.


Rien de mieux que d’émouvoir la plèbe quand tu es à court d’idées...




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