(Photo Reuters)
La proposition du gouvernement du Québec suggérant une modification au préambule de la Charte québécoise de manière à affirmer le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes à titre de valeur fondamentale de notre société nous semble davantage répondre à une volonté populaire des Québécois d'assurer le respect de cette valeur fondamentale plutôt qu'à la nécessité de combler un vide juridique.
Purement sur le plan juridique, cette égalité nous apparaît déjà protégée par divers instruments législatifs, tant sur le plan national qu'international.
En effet, la Charte canadienne des droits et libertés («Charte canadienne») trouve d'une part application au Québec. Il est vrai que cette dernière se limite aux rapports entre les individus et l'État, quoique celle-ci a tout de même un rôle à jouer pour une portion des cas où la question du respect de cette égalité se pose. De plus, depuis maintenant plus de 25 ans, le Canada a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes consacrant le principe d'égalité entre les sexes. Bien que cette convention internationale ne s'applique pas directement devant nos tribunaux nationaux, il n'en reste pas moins qu'elle peut être utilisée dans le cadre de l'interprétation de la Charte québécoise.
Il est vrai que la Charte québécoise, contrairement à la Charte canadienne, couvre une plus grande juridiction puisque, tel que décrit plus haut, celle-ci s'applique tout autant aux relations entres les institutions publiques et les individus, qu'aux relations privées entre individus. Cependant, la Charte québécoise interdit déjà la discrimination fondée sur le sexe. L'amendement proposé, bien que ce ne soit pas l'intention recherchée, entraînera indubitablement une certaine hiérarchisation des droits fondamentaux protégés par la Charte québécoise.
Il faut toutefois souligner qu'en matière de droits de la personne, une certaine proportion de la population milite en faveur d'une hiérarchisation des droits fondamentaux. Or, est-ce la tangente qui devrait être prise par le gouvernement, tous partis confondus?
Effet pervers
Un tel amendement, a priori louable, pourrait en effet générer un effet pervers. En effet, dans un tel contexte, lorsque certaines situations d'affrontement entre des droits fondamentaux, telle l'égalité entre les sexes et la religion, se présenteront, l'égalité des femmes devra nécessairement l'emporter dans le cadre du travail d'interprétation des tribunaux.
Il est à noter que cette situation a récemment été débattue par le Tribunal des droits de la personne dans sa décision Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Hôpital Général Juif. Dans cette cause, la Commission, au nom de deux plaignantes, alléguait que l'Entente sur la sexualisation des postes de préposés aux bénéficiaires conclue entre l'Hôpital et le Syndicat portait atteinte au droit des plaignantes de bénéficier de conditions de travail exemptes de discrimination fondée sur le sexe, alors que l'Hôpital alléguait le droit des bénéficiaires de recevoir des soins intimes par un préposé du même sexe.
Ainsi, dans ce dossier s'affrontaient divers droits protégés par la Charte québécoise, entre autres, les droits à l'intégrité de la personne, à la vie privée, à la sauvegarde de la dignité, à la liberté de religion et le droit à des conditions de travail exemptes de discrimination. Or, vu les circonstances de ce dossier, le tribunal a réaffirmé le courant jurisprudentiel établissant le principe d'égalité des droits fondamentaux et la possibilité pour les tribunaux de pouvoir faire usage de leur discrétion judiciaire de manière à apprécier les faits en fonction des circonstances de chacune des causes.
Par ailleurs, nous sommes d'avis que le Préambule identifie déjà le principe de l'égalité hommes-femmes en tant que valeur fondamentale de notre société, tel que reproduit ci-après: «Considérant que tous les êtres humains sont égaux...». Les êtres humains sont ainsi égaux, peu importe leur origine ou leur sexe. Tel est le principe sous-jacent ayant été édicté par le législateur en 1975 et ayant été retenu par les tribunaux dans leur appréciation factuelle de chacun des cas où la question a dû être débattue. D'ailleurs, les accommodements jugés raisonnables ayant été accordés le sont toujours sur une base individuelle.
Ainsi, les récentes propositions de modifications législatives à la Charte québécoise nous semblent davantage motivées par les soubresauts de la commission Bouchard-Taylor et le débat public qui l'entoure que par une réelle lacune juridique. Un des principes fondamentaux qui doivent guider le législateur est celui de l'applicabilité des lois et nous soumettons que les récentes propositions formulées par les trois partis représentés à l'Assemblée nationale sont superflues, inutiles, et comportent même un risque de ne pas atteindre l'objectif visé en créant indirectement une hiérarchisation des droits protégés.
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Mathieu Piché-Messier
L'auteur est président de l'Association du Jeune Barreau de Montréal, qui représente près de 4500 avocats (es) de 10 ans et moins de pratique de la région de Montréal.
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L'égalité est déjà protégée
Par Mathieu Piché-Messier
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