L’écran de fumée des sondages

Chronique de Louis Lapointe


Je me suis amusé à aller consulter les sondages effectués dans les
semaines qui ont précédé le déclenchement des élections d’avril 2003 afin
de les comparer aux sondages qui favorisent présentement les Libéraux. Dans
un sondage CROP réalisé dans la semaine du 13 au 24 février 2003, la
répartition du vote avantageait sérieusement le PQ de Bernard Landry :
PQ-39 ; PLQ-31 ; ADQ-29 (indécis-15% avant répartition). Le PQ avait alors
effectué une remontée de 12 points aux dépens de l’ADQ. On connaît la suite
de l’histoire, le PLQ a remporté l'élection du 14 avril 2003 avec 46 % des
voix, contre 33 % au PQ et 18 % à l’ADQ.
Le dernier sondage CROP effectué dans la semaine du 15 au 26 mai 2008
révèle que la situation dans laquelle se retrouve le PLQ aujourd’hui est
comparable à celle dans laquelle se trouvait le PQ en février 2003. Sondage
CROP, mai 2008 : PLQ-41% ; PQ-32% ; ADQ- 14% (indécis-14%). Comme le PQ en
2003, le PLQ effectue actuellement une remontée au dépens de l’ADQ. Et
comme en 2003, les intentions de vote des Québécois sont extrêmement
volatiles et le gouvernement de Jean Charest a l’usure de deux mandats.
Malgré une avance importante avant le début de la campagne de 2003, les
intentions de vote en faveur du PQ et de l’ADQ se sont effondrées au fur et
à mesure que l’échéance du scrutin approchait, et ce, malgré la plus grande
popularité de Bernard Landry comme chef de parti. Dans la semaine du 11
mars 2003, Bernard Landry menait avec 34%, Jean Charest suivait avec 27%,
devant Mario Dumont qui ne récoltait que 23% de la faveur populaire.
Le dernier sondage CROP indique une faible remontée du PQ de l’ordre de 3%
depuis le précédent sondage CROP et l’appui à la souveraineté a augmenté de
5 points en un mois, s’établissant maintenant à 41%. Difficile de dire où
s’arrêtera la remontée du PQ, mais les événements des derniers jours et
l’été chaud que nous promettent les fêtes du 400e anniversaire de Québec
risquent plus de nuire au PLQ qu’au PQ. Les difficultés du gouvernement
Harper pourraient même annoncer des problèmes analogues pour le
gouvernement de Jean Charest qui n’est pas non plus à l’abri de gaffes,
bien au contraire, un passé pas si lointain nous l’a prouvé. L’affaire
Bernier/Couillard a déjà commencé à mêler les cartes à Québec et le
ministre Jacques Dupuis, un des piliers du gouvernement Jean Charest,
pourrait bien devoir s’expliquer compte tenu du mode d’attribution des
contrats en matière de sécurité qui n’a rien à envier au présumé
laisser-aller fédéral.
À cela s’ajoutent la saga du CHUM, une possible déroute de l’autoroute 30,
le risque d’explosion populaire contre le projet Rabaska, l’érosion de loi
101, la montée vertigineuse du prix de l’essence qui gâchera les vacances
de plusieurs Québécois, les risques de récession de l’économie québécoise,
l’intellectualisme binaire des signataires du rapport Bouchard/Taylor qui
ravive le débat identitaire québécois et l’attentisme du gouvernement de
Jean Charest qui n’apporte aucune solution à toutes ces situations. En un
mot, le bilan des 5 années de gouvernance de Jean Charest n’a rien de très
convaincant et pourrait bien se retourner contre lui s’il décidait de
déclencher des élections d’ici l’automne prochain.
Louis Lapointe

Brossard

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juin 2008

    Bonjour m.Lapointe
    Je crois plutôt qu'on est en train d'assister à un alignement de planètes qui fassent réélire le P.L.Q. Ce n'est pas un souhait,évidemment.
    Les sondages peuvent révéler des tendances lourdes,mais ils sont quand même dans la petite histoire politique,par opposition à la grande histoire nationale.Quelques points de pourcentage ne comptent pas beaucoup en sondage quand l'élection n'est pas à l'horizon.La marche d'une nation ne se mesure pas à toutes les semaines.Il peut y avoir des avancées importantes,lors des élections,et, il peut arriver aussi, que les élections marquent plutôt une pose .
    Quant à moi,qui ai voté la première fois pour le R.I.N.,je n'ai jamais vu de parti plus capitulard que celui du P.L.Q. actuel.Il n'en a pas toujours été ainsi de ce parti.
    Ce qui me désole,par contre,c'est de voir le P.Q.,en face, batailler, mais en se privant de tout radicalisme.L'idée de la souverainneté ou, plus,l'idée d'indépendance, sont des idées fondamentalement radicales qui ne peuvent s'accompagner que d'un discours énergique.Me semble-t-il,du moins.
    J'ai écrit sur Vigile que les indépendantistes n'avaient plus qu'une patrie,et c'est le Parti Indépendantiste.Cela n'est même pas partisan.Rien à voir avec la brigade légère,non plus que le baroud d'honneur.Ni le grand soir,ni rien.
    S'il fallait que le P.Q. soit battu à la prochaine élection,battu par un parti capitulard,cela en dirait long sur la capacité de notre nation à sortir du corset qui la retient.Surtout,cela livrerait totalement la nation aux manoeuvres capitulardes du P.L.Q.Sans défense autre que les partis P.I. et Q.S. qui,tout légitime qu'ils soient, n'auraient pas encore acquis toute la force politique nécessaire pour résister à un coup de force constitutionnel.
    Nous n'en sommes pas là,évidemment.Mais je crois, bien humblement, que nous devrions remarquer qu'au delà des sondages,dans le grand train de l'histoire de notre nation,Pierre Bourgault,Pierre Vallières,D'Allemagne,sont dans le même wagon que René Lévesque,Robert Bourassa,Jacques Parizeau même Claude Ryan.Même s'ils ne sont pas assis aux mêmes banquettes.Mais que Jean Charest,lui,est dans un tout autre wagon,celui de Pierre Trudeau.