En ayant de meilleurs cours d’anglais, les étudiants francophones et allophones fréquenteraient à coup sûr et en plus grand nombre le cégep français. Il fallait y penser : c’est par l’anglais que nous attirerons les étudiants vers nos écoles françaises. Plus ils seront bilingues, plus ils seront attirés par le cégep français. C’est le pari de madame Marois.
Il est dommage que madame Marois ait été ridiculisée parce qu’elle avait de la difficulté à s’exprimer en langue anglaise. Elle n’a pas à en avoir honte. Combien de premiers- ministres des autres provinces peuvent s’exprimer en français? Au Québec, la relation que nous avons avec le bilinguisme est malsaine : nous sommes fiers de notre langue, mais plusieurs d’entre nous sont encore plus fiers d’être bilingues, et pendant que le français est menacé au Québec, nous faisons la promotion du bilinguisme. Tel est le message que nous envoyons aux immigrants.
L’histoire récente du Québec devrait pourtant nous apprendre certaines choses. Déjà en 1961, voici ce que disait du bilinguisme, l’un des fondateurs du R.I.N. (le Rassemblement pour l’Indépendance Nationale) monsieur Marcel Chaput. « Peut-on imaginer situation plus absurde que celle dans laquelle vous avez été, comme moi. Six, huit, dix, douze ans d’école française quand cette langue que l’on dit si belle, ne sert même pas à nourrir son homme. Tant d’années pour apprendre une langue quand, une fois sorti de l’école, c’est l’anglais qu’il faut. Alors les parents demandent plus d’anglais. Ils ont raison les parents, et ce n’est pas moi qui les en blâmerai, car ils sont d’une logique impeccable. Ils voient clair les parents. Et les enfants aussi. Ils se rendent bien compte que sans anglais, on risque de ne pas faire son chemin au Canada; que sans anglais, on risque d’aller grossir le nombre des chômeurs du Québec.
Mais où nous mènent ces demandes répétées? Demain plus qu’aujourd’hui et après-demain plus que demain. Et ainsi de suite. Plus nos enfants seront bilingues, plus ils emploieront l’anglais; plus ils emploieront l’anglais, moins le français leur sera utile; et moins le français leur sera utile, plus ils emploieront l’anglais. Paradoxe de la vie canadienne-française : plus nous devenons bilingues, moins il est nécessaire d’être bilingues. C’est une voie qui ne peut nous mener qu’à l’anglicisation. Nous avons d’ailleurs parcouru une bonne partie du chemin. Il nous serait beaucoup plus profitable de ne savoir que l’anglais. Alors, anglicisons-nous et n’en parlons plus.
…
Je n’ai pas appris l’anglais par curiosité intellectuelle, je l’ai appris parce que c’était la langue du plus fort, parce que j’en avais besoin pour gagner ma vie. Si un homme qui sait deux langues en vaut deux, un homme qui est obligé de parler la langue de l’Autre pour manger ne vaut que la moitié d’un homme. Et le malheur du peuple canadien-français, c’est de prendre ses chaînes du bilinguisme pour une décoration de haute supériorité. Comme le garçonnet qui a peur dans l’obscurité siffle pour se donner du cran, le Canadien-Français brimé se gonfle de son bilinguisme pour oublier son complexe d’infériorité. » (1)
Si on veut que davantage d’étudiants fréquentent le cégep français, il faut faire du français la langue du travail au Québec. Il faut que le français devienne la langue du prestige et de la réussite au Québec, ce qu’elle n’est pas actuellement. Le langage de l’argent et de la réussite sociale est celui que les gens comprennent le plus rapidement. Charles Castonguay, mathématicien et analyste averti, a démontré dans une récente étude que l’anglais était encore aujourd’hui la langue synonyme de réussite au Québec et particulièrement à Montréal. Un allophone qui choisit l’anglais gagne quelque 6000$ de plus qu’un allophone qui choisit de passer au français. Les immigrants savent reconnaître la langue qui remplit le frigo, et au Québec, c’est l’anglais.
Le jour où les Québécois décideront de faire du français la langue incontournable du prestige et de la réussite, les immigrants la choisiront comme langue parlée à la maison et tous les francophones la parleront avec fierté et l’écriront correctement. Et ce jour viendra avec la souveraineté du Québec. C’est ça qu’il faut proposer aux Québécois, madame Marois.
(1) Chaput, Marcel, Pourquoi je suis séparatiste, 1961
Claude Bachand
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
19 février 2008Un bon exemple de ce que mentionne Zach Gebello, c'est la tentative actuelle d'intégrer l'hôpital de Lasalle au réseau du CUSM... C'est l'assimilation rampante.
J'écoutais l'insignifiante Christiane Charrette chez Homier Roy tantôt qui pestait parce que ça agace certains, de ce que des artistes québécois en nombre croissant se mettent à l'anglais...
Mais pour en revenir à votre propos, je pense qu'en attendant l'indépendance ( que j'appelle de tous mes voeux) rien n'empêche l'État du québec d'afirmer haut et fort le prestige de sa langue officielle par un ensemble de petits gestes signifiants.
Comme par exemple, et entre autres, cesser de commencer par me dire quand j'appelle au gouvernement du Québec for english press.....
Comme modifier la Charte de la langue française et obliger sous peine de sanction économique que tous les commerce au Québec soient en mesure de servir la clientèle en français.
Exiger sous peine de sanctions sévères que toustes les entreprises de 25 salariés et plus déposent et mettent en action dans un délai précis un plan de francisation.
Exiger... que l'on cesse d'exiger l'anglais dans des emplois qui ne le justifient pas.
Proclamer que seul le texte français sert d'interprétation de toutes les lois adoptées par l'Assemblée Nationale.
Exiger que tous les jugements de cour rendus au QUébec soient rédigés en français pour tous les justiciables.
Exiger que dans leur représentation publique les représenmtants du gouvernement du Québec s'expriment officiellement en français etc.
Bref, faire en sorte que le françaiss caractérise véritablement la société québécoise pour tous les québécois, incluant les anglophones.
Et si on se souvenait qu'André Laurendeau, ce que rappelait Christian Rioux en fin de semaine dans Le Devoir, avait bien précisé que le bilinguisme canadien n'avait de sens véritable qu'en présence de deux unilinguisme.
Et si on avait des chefs de gouvernement qui sont capables de mettre leur culotte devant la dégradation de notre tissus social, au lieu d'être seulement capables de les baisser devant Gesca et son père...
Archives de Vigile Répondre
18 février 2008Dans le premier paragraphe de ma lettre, je rappelle l'idée de madame Marois qui prétend que plus nos jeunes seront bilingues, plus ils fréquenteront les cégeps francophones. Ce n'est pas mon idée évidemment, je pense exactement le contraire: cette idée n'a aucun sens.
Claude Bachand
Archives de Vigile Répondre
18 février 2008"Il fallait y penser : c’est par l’anglais que nous attirerons les étudiants vers nos écoles françaises. Plus ils seront bilingues, plus ils seront attirés par le cégep français."(C. Bachand)
Il faut penser plus loin.
Ce ne sont pas nos écoles françaises qui sont les courroies du réseau économique de Montréal. Ce sont les institutions anglophones qui sont intégrées à celui-ci.
C'est au contraire une "invasion" du réseau scolaire anglophone, par les francophones, qui serait le plus efficace car il franciserait le réseau d'affaires anglophone. Une "bombe" francophone, quoi.
De meilleurs cours d'anglais dans le réseau pauvre francophone n'attirera pas plus les allos et anglos. Le réseau d'affaires anglophone continuera de puiser ses professionnels dans son réseau anglophone.
La méthode Marois ne fera qu'assimiler les francophones.