Les yeux de la nation québécoise sont actuellement tournés vers les malversations municipales. L’affaire Laval en est le cas-type. Le « cas » Laval est comme une blessure purulente sur le bras d’une grande ville, blessure que le peuple examine sans cesse en se désolant, en se mortifiant. Mais, comme pour toute blessure, le médecin doit aller voir au-delà des gales et aller chercher le virus là où il se trouve.
Le virus, c’est la décision, prise par un gouvernement libéral – très libéral – celui de Jean Lesage et de son ministre Pierre Laporte (affaires municipales) de fusionner les 14 municipalités sises dans l’île Jésus, c’est-à-dire à Laval. C’était en I965, j’avais trente ans; j’étais alors assez adulte pour m’en souvenir aujourd'hui… et m’en désoler !
Le gouvernement, pour agir ainsi, s’était reposé sur l’avis d’un juge, Armand Sylvestre, qui avait recommandé, l’année précédente, de fusionner toute cette marmaille municipale. Cela «coûterait moins cher d’administration», économie d’échelle oblige !, et les fonctionnaires y verraient plus clair.
Et c’est ainsi que, d’un coup sec, sans consultation de la population, on a fait disparaître les conseils municipaux, les liens traditionnels séculaires, les institutions, sans parler des paysages, et qu’on en est arrivé à confier tout cette belle administration à un seul personnage - devenu le potentat que l’on sait - dont le salaire est équivalent à celui d’un premier ministre! Foin de l’économie!
D’abord, il faut dire que le gouvernement était mal avisé de choisir un avocat – un juge en l’instance – pour déterminer l’avenir de l’île ayant appartenu jadis aux Jésuites. L’affaire Laval était un problème d’aménagement urbain, un problème d’affectation des sols. Ce n’était pas un problème de droit, pas plus que d’économie proprement dite.
Les avocats ne sont pas formés pour protéger les paysages, c’est le moins qu’on puisse dire! Il aurait fallu faire étudier l’avenir de l’île par un ministère de l’aménagement de l’architecture et de l’urbanisme ou l’équivalent; par un ministère de la Ville, peut-être, comme il y en a dans les pays évolués… Il n’y en avait pas!
Et René Lévesque n'était pas encore au pouvoir, lui qui avait proposé, dans son premier programme («La solution»)… rien moins que la municipalisation des sols urbains. OUI LA MUNICIPALISATION DES SOLS URBAINS! Textuellement il avait proposé, en 1970, «la nationalisation progressive du sol en périmètre urbain». Pour lui le sol urbain était «un bien commun» (page 66). C’est ce que votre serviteur pense aussi, mais les promoteurs immobiliers ont été plus forts que lui et moi!
Ce sont les spéculateurs du sol qui ont gagné. Le gouvernement, en fusionnant, ouvrait la porte à cette surenchère qui mettait les belles terres agricoles « sur le marché libre ». L’aménagement urbain se ferait en fonction des intérêts particuliers de promoteurs, souvent incultes, et ce qui devait arriver arriva : Laval est une caricature de la banlieue américaine où rien n’est beau s’il n’est pas conçu pour favoriser la libre circulation des automobiles. Laval est un désastre de l’aménagement urbain… et agricole.
Il aurait fallu – le bon sens l'exigeait – conserver quatre ou cinq pôles villageois existants, ceux de Sainte-Rose, de Sainte-Dorothée et de Duvernay, notamment, les développer dans un périmètre et protéger les sols agricoles autour. Les villages seraient ainsi devenus de petites villes ayant chacune leur identité. Et les maraîchers auraient ainsi pu continuer à nous donner à manger! Aujourd’hui la municipalité de Laval, n’a pas d’âme; où que l'on soit, on est « nulle part ».
La prolifération incontrôlée des banlieues comme Laval, il faut le dire, s’est faite avec la complicité du gouvernement fédéral, lui qui a toujours garanti les prêts aux acheteurs, même ceux qui s’installaient sur nos plus belles terres. Si le Québec avait eu les ressources pleines et entières en ce domaine, se serait-il payé un ministère de l’aménagement, se serait-il davantage senti responsable de son patrimoine terrien et urbain ? Moi je pense que oui.
Quoi qu’il en soit, la décision du gouvernement Lesage de fusionner Laval de la manière que l’on sait est à la base de notre fameux problème de « collusion »; ce gouvernement a invité tout le monde à la SPÉCULATION SUR LES SOLS. Il n’a pas invité les citoyens à enrichir leur âme collective en se solidarisant, en devenant « communautaires » d’esprit. Il leur a montré qu’il faut s’intéresser à ce qui est «payant», soit les autoroutes démesurées, les centres commerciaux monstrueux, et le génie du béton armé.
Le pouvoir du maire démissionnaire – qui a duré très longtemps - n’est qu’une conséquence de l’indifférence des autorités souveraines en la matière, soit le gouvernement du Québec, directement, et le gouvernement fédéral, indirectement. Le pouvoir du maire de Laval, c’est un pouvoir par défaut et par négligence. Un pouvoir qui a « imposé » trois stations de métro dans un désert urbain!
Si vous me demandez mon avis, moi qui vis à Montréal, ce n’est pas une commission d’enquête sur la malversation qu’il nous faut; c’est, d’urgence, une commission d’enquête sur l’aménagement, sur l’architecture et sur l’urbanisme. Et c’est ainsi, par après, que nous pourrons espérer, en protégeant nos sols et nos paysages, devenir une communauté exemplaire pour le reste du monde.
Au pays de la spéculation foncière!
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5 commentaires
Alain Maronani Répondre
1 juin 2013Ceci se nomme le capitalisme...un mot manquant dans votre intervention....le hasard ?
Les premiers coupables sont les acheteurs de ces paradis urbains, payés en trente années, 2 garages, entrées lavées a grande eau, asphalte partout, centres commerciaux, du plastic partout, pélerinage dominical chez IKEA,toujours plus de ponts, etc....
Si la CMHC n'avait pas de facon irresponsable soutenu la construction je me demande bien ce que serait devenu nos charmants ouvriers syndiqués et leur syndicats ?
Essayez donc de vous faire élire avec ce genre de programmes...juste pour voir....
Terrebonne vous connaissez ? Ce n'est pas Laval...le même massacre....
La laideur urbaine, le saccage, les partis politiques, les maires et leurs affidés, tous obsédés par le sacro-saint développement...TOUS responsables, ce sont les facilitateurs mais nous sommes conjointement responsables de tout ceci...
Archives de Vigile Répondre
29 mai 2013Je ne peux qu'être en accord avec vous. Il aurait effectivement fallu conserver,entre autres, Sainte-Rose, Sainte-Dorothée et Duvernay. Il nous reste cependant maintenant à protéger et à développer ce qu'il en reste...
Denis Chartier
Candidat à la fonction de conseiller municipal
pour le Parti au Service du Citoyen,
district de Sainte-Rose
Archives de Vigile Répondre
26 mai 2013Bonjour Jean-Pierre, heureux de te retrouver.
La solution des pôles aurait dû être choisie, je crois même me souvenir qu'il avait été question de deux villes, est et ouest.
Archives de Vigile Répondre
25 mai 2013Je ne peux être plus en accord avec mon ami Jean Pierre. Heureux de le lire sur Vigile. C'est un brin de fraîcheur.
Archives de Vigile Répondre
25 mai 2013Enfin quelqu'un qui regarde dans l'autre sens de l'entonnoir...
Futile?
Ça dépend comment ton cerveau est construit...
Et... quelle finesse...
D'ailleurs...
J'ajouterais qu'entre la fierté d'être, et la capacité de contrôler...
Se trouve la mesure des hommes.
Je ressent un non-dit... une foi... vaste... une... hésitation...
Je n'en dirai pas plus, ce n'est peut-être qu'une impression.