Nous vivons beaucoup de désenchantement en politique. Les citoyens, alimentés par les médias, cherchent en vain réponse à nombre de questions qu'ils se posent au sujet des allégations de corruption, de collusion et de malfaçons dans la gestion des affaires de l'État. Le pouvoir politique est-il véritablement au service de l'État ou est-il devenu un pouvoir discrétionnaire gouvernant selon son intérêt propre ou celui de groupes particuliers?
L'évènement de la Commission Bastarache ne changera rien à cet état d'esprit; bien au contraire, elle risque de l'accentuer. Cette commission a fait déjà beaucoup de bruits sur les intrigues et influences présumées entourant la nomination de juges, mais lorsque ses travaux seront terminés, serons-nous plus près des réponses que les citoyens recherchent? Subsistera-t-il toujours un doute autour de la mise sur pied de cette commission, à l'effet qu'elle pourrait bien faire partie d'une stratégie familière aux conseillers en «gestions de crise» dont le travail en période de tourmente consiste à gérer les perceptions en occultant ou en cherchant à faire oublier tout le reste? Dans ce contexte, on promet beaucoup, mais une fois la crise passée, il ne reste parfois que bien peu à contempler pour ceux qui espéraient des gestes concrets
Les citoyens sont en droit de se poser la question suivante : la nomination de juges des cours ou tribunaux relevant de l'autorité du Québec a-t-elle moins d'importance que le choix du Vérificateur général, du Protecteur du citoyen, du Directeur général des élections ou du Commissaire au lobbyisme? Si on croyait, comme il se doit, en l'absolue nécessité de rendre étanche le lien entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, il y a belle lurette qu'on aurait pu instituer une procédure de sélection et de nomination des juges à l'abri de toute influence indue puisque les voies à suivre sont déjà tracées! L'espérance, déjà faiblarde, que le ministre de la justice, devient comme par magie «intangible» et sans lien aucun avec son parti ou le conseil des ministres, n'a pas été renforcée avec l'affaire Bellemarre. Il faut exiger du ministre de la justice qu'il soit d'abord l'initiateur et le gardien vigilant d'une procédure rigoureuse de sélection et de nomination des juges. Lorsqu'il s'agit de l'administration de la justice, de l'indépendance du pouvoir judiciaire et de ceux qui l'exercent, les prérogatives d'un parti, fut-il majoritaire au parlement, ne tiennent plus.
Aussi, il est temps d'aller un cran plus loin dans ce processus. Une fois cette procédure de sélection rendue à son terme, il faut maintenant, dans une procédure à concevoir et à mettre sur pied, faire voter les députés de l'Assemblée nationale sur la nomination des juges de la Cour du Québec; un juge à cette cour ne pourra être nommé s'il n'obtient les deux tiers des voix. Ce qui vaut pour les officiers actuels nommés par le parlement (Vérificateur général, Protecteur du citoyen, Directeur général des élections, Commissaire au lobbyisme) devrait valoir tout autant pour nos juges les plus éminents qui, eux, sont nommés non pas pour un mandat de cinq ou dix ans, mais bien jusqu'à leur retraite. L'affaire Bellemare a fait sortir la pâte dentifrice du tube, et on ne pourra l'y réinsérer. Il faudra des gestes comme celui que nous proposons pour recréer l'indispensable confiance des citoyens dans leurs institutions.
***
Normand Chatigny, Jean-Noël Tremblay, Denys Larose et Michel Héroux
Les auteurs, tous intéressés aux politiques et affaires publiques, habitent Québec et sa région
L'affaire Bellemare: voir plus loin!
il faut maintenant, dans une procédure à concevoir et à mettre sur pied, faire voter les députés de l'Assemblée nationale sur la nomination des juges de la Cour du Québec; un juge à cette cour ne pourra être nommé s'il n'obtient les deux tiers des voix.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé