Jusqu'à ce jour, les partis politiques avaient laissé aux juges le soin d'interpréter les deux Chartes des droits, la québécoise et la canadienne, au regard de l'application des articles traitant de liberté religieuse. Au cours de la fin de semaine, tant Mario Dumont qu'André Boisclair ont laissé croire qu'une fois élus premier ministre, ils interviendraient pour clarifier les limites du concept d'accommodement raisonnable. Bien leur en fasse, mais soit dit entre nous, une telle intervention est fort peu probable!
Mario Dumont étant chef d'une formation minoritaire, il y a peu de chances qu'il soit appelé un jour à faire autre chose que «de dire tout haut que ce que tout le monde pense tout bas», pour reprendre l'expression populaire. Quant à M. Boisclair, c'est le projet même de souveraineté du Québec qui servira de frein à toute velléité d'intervention sur une question aussi délicate pour le Parti québécois que la révision de la Charte des droits et libertés. À l'heure actuelle, aucun parti politique au pays ne propose officiellement de modifier l'une ou l'autre Charte en matière de droits fondamentaux. C'est pourquoi on peut être étonné d'entendre M. Boisclair dire qu'il faudrait «dépoussiérer» la charte québécoise adoptée par l'Assemblée nationale. De quelle «poussière» parle-t-il?
L'accommodement raisonnable est une notion qui s'applique cas par cas puisqu'elle touche l'exercice de droits individuels. Il ne s'agit pas de forcer qui que ce soit à se conformer à un comportement donné, mais, au contraire, de permettre à un individu d'exercer un droit fondamental sans avoir à subir de contraintes abusives de la part des institutions. Les cas de pratique religieuse sont ceux qui ont le plus retenu l'attention dernièrement, mais les deux Chartes protègent aussi les droits de tous les individus susceptibles d'être l'objet de discrimination à cause de la couleur de leur peau, de leur langue, de leur âge ou de leur condition physique.
Ce n'est pas pour respecter la Charte que le YMCA du Parc a accepté de changer ses fenêtres à la demande d'un groupe de juifs hassidiques, et ce n'est pas non plus à cause de la charte que l'infirmière d'un CLSC a laissé passer un autre membre de cette communauté à quelques minutes du début du sabbat, il y a quelques jours, à Laval. De tels «accommodements» sont certainement excessifs s'ils sont analysés à la lumière de la loi, mais il faut se méfier de ces jugements sommaires: toutes les chicanes de clôture ont leur petite histoire qui ne se retrouve pas toujours dans les médias. Si nous sommes souvent conciliants avec nos voisins, cela a rarement à voir avec l'exercice d'un droit fondamental. Les Québécois sont-ils devenus à ce point conciliants qu'ils sont prêts à tout et n'importe quoi pour satisfaire leurs nouveaux voisins? On nous permettra d'en douter: le balancier peut revenir et, alors, gare à ceux qui auront abusé de la patience du bon gars!
Cela dit, la présence parmi nous d'un nombre croissant d'individus qui pratiquent une religion traditionaliste devient un réel problème pour les autorités publiques aux prises avec des demandes de toutes sortes, parfois excessives. Or, s'il est une chose claire, c'est que l'exercice d'une religion ne peut pas inclure des obligations qui vont à l'encontre d'autres droits reconnus par la charte, comme celui des femmes à l'égalité et celui des enfants à l'intégrité physique et mentale. Pourtant, très peu d'enquêtes ou d'actions sont entreprises par les autorités politiques et policières pour s'assurer que ce droit est respecté dans certaines communautés où il est reconnu que la religion accorde aux hommes un pouvoir sur la femme.
De même, il serait déraisonnable, voire intolérable que, dans une société ouverte comme la nôtre, une enseignante invoque sa religion pour cacher son visage au regard des élèves derrière un niqab ou une burqa. Si c'est de cela et d'autres pratiques discriminatoires que MM. Boisclair et Dumont veulent parler, ils sont les bienvenus.
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