Julie Snyder a annoncé lundi qu’elle était forcée d’abandonner les activités de production télévisuelle de son entreprise, Productions J, en raison de sa situation conjugale. L’animatrice et productrice a martelé qu’elle devait délaisser « sa passion » parce qu’elle n’en a plus le choix.
« La cigogne repart avec le bébé », a-t-elle illustré, faisant un parallèle avec l’emblème de son entreprise qui apparaît à la fin de chaque générique d’émission. Elle a fait cette annonce en conférence de presse, à Montréal, aux bureaux des Productions J, alors qu’elle était accompagnée notamment du cinéaste Roger Frappier et de la jeune militante féministe Léa Clermont-Dion.
Très émue, Mme Snyder expliqué qu’elle était contrainte de quitter la direction de son entreprise parce qu’elle se retrouve privée d’une aide à laquelle les autres producteurs indépendants québécois avaient droit. Cette part représente environ 15 à 20 % des budgets télévisuels, selon Pierre Lampron, ancien président de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), qui était aussi présent aux côtés de la productrice.
« C’est super dur. C’est mon bébé. C’est vraiment comme si tu donnais ton bébé à quelqu’un d’autre. J’ai sacrifié mes jours, mes nuits, toute mon énergie, mes vies sentimentales, qui étaient n’importe quoi », a-t-elle affirmé en sanglotant.
Dans le dernier budget, le gouvernement québécois a décidé de modifier les critères d’admissibilité aux crédits d’impôt aux producteurs indépendants, qui sont maintenant alloués aux entreprises qui ne sont pas liées étroitement à un diffuseur.
Ainsi, par ce changement, Productions J se retrouve dans l’impossibilité de recevoir cette subvention parce que son contenu est diffusé en grande partie sur le réseau TVA, appartenant à Québecor, une entreprise contrôlée majoritairement par son conjoint, le chef péquiste Pierre Karl Péladeau.
C’est le gouvernement péquiste de Pauline Marois, en 2014, qui avait assoupli les critères d’admissibilité pour ces entreprises.
Les détails sur l’avenir de l’entreprise demeurent encore nébuleux.
Dans un communiqué, Julie Snyder a déclaré qu’elle ne quittait pas Productions J. Pourtant, elle a martelé en conférence de presse qu’elle devait « abandonner » ses productions télévisuelles et qu’elle ne pouvait plus être la « patronne ».
Elle a indiqué qu’elle « évaluerait différents scénarios » et qu’elle voulait d’abord s’assurer qu’elle cède les rênes de l’entreprise « entre bonnes mains », tout en conservant les emplois. D’ailleurs, elle a révélé que « quelques personnes » avaient déjà été licenciées dans les dernières semaines.
Elle n’a pas voulu donner plus de précisions sur le sort de certaines émissions populaires, dont La Voix, qui pourraient peut-être se retrouver en danger. « J’ai espoir que cette question-là ne soit pas une question qu’on doive se poser », a-t-elle lancé après un long silence.
« Il est trop tôt pour aborder tous les détails », a-t-elle souligné à plusieurs reprises.
Dans un bref communiqué, la direction de TVA s’est dite « confiante » que la programmation soit respectée, bien qu’elle « regrette » la nouvelle annoncée aujourd’hui. Mme Snyder continuera toutefois d’assurer l’animation de l’émission Le Banquier, qui n’est pas produite par son entreprise, a-t-elle précisé.
La conjointe de M. Péladeau s’est livrée à une charge virulente contre le gouvernement Couillard, qui, dit-elle, « présume de sa situation de dépendance avec son conjoint ».
« J’ai commencé ma carrière bien avant ma relation avec mon conjoint », a-t-elle rappelé, lors de son allocution d’ouverture, qui était précédée par la présentation d’une vidéo promotionnelle sur les réalisations de l’entreprise.
Le gouvernement a toujours répété qu’il avait pris cette décision par souci d’équité pour tous les acteurs du milieu. Julie Snyder était d’ailleurs flanquée de l’avocate en droit de la famille Sylvie Schirm, qui a qualifié la décision du gouvernement « d’exécrable ».
Lorsque la nouvelle s’était éventée dans les médias, Mme Snyder avait menacé de poursuivre le gouvernement pour cette mesure « discriminatoire ». Questionnée à savoir pourquoi elle n’était pas passée de la parole aux actes, elle a tout simplement indiqué « qu’elle n’en était pas là ».
« C’est trop pour moi », a-t-elle ajouté.
Questionné sur l’annonce alors qu’il visitait une entreprise à Montréal, le premier ministre Philippe Couillard a réitéré que son gouvernement avait voulu agir pour « qu’aucune entreprise ne bénéficie d’une situation particulière par rapport aux autres ».
« Je trouve ça très triste comme commentaires. Je vais lui laisser », a-t-il tranché.
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