Vous vous souvenez de ce film-manifeste, Le temps des bouffons, tourné en territoire ennemi par Pierre Falardeau, dans des conditions plus ou moins clandestines? On y voyait les maîtres du monde, ces gens sans scrupules qui n’ont jamais eu honte de leur vie, les Roger Landry et compagnie, en bonne compagnie: juges, hommes d’affaires, politiciens, banquiers, journalistes à la solde et autres big boss se regarder le nombril en s’autocélébrant.
Quel est le rapport avec Julie Couillard? C’est qu’on reproche à cette femme d’avoir livré dans son livre, Mon histoire, de larges pans de sa vie privée avec le ministre des Affaires étrangères du Canada, Maxime Bernier. Pourtant, ces agissements qu’elle nous permet de découvrir, un peu comme le faisait à sa manière le film de Pierre Falardeau, en disent long sur le style et la façon d’agir du ministre. Ainsi ces mots qu’il chuchote à l’oreille de sa bien-aimée pendant une épluchette de blé d'Inde, en Beauce. Julie Couillard nous dit que ces mots n’étaient guère flatteurs à l’égard de ce bon petit peuple qui avait pourtant élu Maxime Bernier. A-t-on besoin de savoir les mots exacts, comme se sont acharnés à le lui demander plusieurs journalistes? Il me suffit de savoir que cela a existé et a été dit, des propos méprisants, selon elle, dont on peut facilement deviner la teneur. Pas besoin d’un dessin pour comprendre.
Votre vie privée ne m’intéresse pas, mais la vie d’un ministre nous concerne tous. Il ne s’agit pas d’entrer dans la chambre à coucher des gens, comme semblent vouloir l’affirmer certains journalistes pour tenter de discréditer une fois de plus Julie Couillard. Non! Depuis le fameux bill Omnibus, adopté à la Chambre des communes en 1969, cela est chose du passé, Dieu merci. Mais savoir qu’un ministre a du mépris pour ceux qui l’élisent, moi, ça m’intéresse. Savoir qu’un ministre peut oublier des documents ultra-secrets chez sa copine, puis qu’il lui demande de s’en débarrasser en les jetant aux ordures le jour où les éboueurs doivent passer, moi, ça m’intéresse. Savoir qu’un ministre demande à sa copine de mentir à propos desdits documents oubliés chez elle, moi, ça m’intéresse.
Ce n’est pas pour rien que Robert Bourassa, vers la fin de son mandat, avait demandé à ses ministres et députés de se tenir loin des lieux publics de divertissement de la ville de Québec, les bars branchés, entre autres, car il savait fort bien que les journalistes n’attendaient qu’un faux pas de leur part pour le rendre public. Même si certains médias s’en sont fait une véritable spécialité, il ne s’agit pas de savoir qui couche avec qui (d'ailleurs, plusieurs députés du Parti québécois n’ont jamais caché leur orientation sexuelle et ont souvent transformé le Vieux Québec en aire publique de carnaval). Il s’agit d’autre chose, de comportements qu’on souhaite conséquents: combien de fois a-t-on vu, à l’Assemblée nationale ou au Parlement canadien, ceux qui prônaient avec la plus grande virulence la vertu pure et dure se livrer, en dehors de ces lieux, à des pratiques tout à fait contraires à ce qu’ils exigeaient de leurs commettants? En d’autres mots: «Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais... » Ça, ça nous intéresse.
Je trouve que Julie Couillard a énormément de courage en s’exposant ainsi publiquement, sans armure, sans masque et sans grande expérience des médias, pour faire connaître une partie de la vérité. Le temps des bouffons est loin d’être terminé et on les recrute aussi loin que dans la Beauce.
Pour visionner le film Le temps de bouffons
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