Le Canada a maintenant un chef politique portant un signe religieux, un signe dit ostentatoire pour reprendre le vocabulaire de la défunte Charte des valeurs. Jagmeet Singh, un communicateur exceptionnel, a rapidement gagné la confiance des membres du NPD. Avec son turban et son kirpan, ce pratiquant de la religion sikh compte démontrer qu’il a plus en commun avec les Québécois que ce qu’on pourrait penser.
Il ne semble pas vouloir ménager les efforts pour démontrer sa bonne volonté envers le Québec. Il a nommé Guy Caron, seul Québécois dans la course à la direction du NPD, comme chef parlementaire. Il multiplie les déclarations sur le respect des droits linguistiques du Québec et utilise allègrement l’expression « nation québécoise ».
Plonger
Il a l’intention de plonger immédiatement dans l’élection complémentaire en cours dans la circonscription de Lac-Saint-Jean. En tout respect et sans caricaturer, je suis forcé de dire que sa présence risque au départ de susciter plus de curiosité que d’adhésion au Lac. Néanmoins, il a raison de casser la glace dès maintenant s’il souhaite éventuellement faire partie du décor politique au Québec.
Parmi ses gestes symboliques en faveur du Québec, il a opéré une pirouette idéologique en 24 heures. Lui qui s’était opposé à toute limitation des signes religieux durant sa campagne vient de reconnaître le droit de l’Assemblée nationale de légiférer en la matière. Il a ainsi évité des démissions dans son caucus québécois.
Face à ce candidat issu des minorités et arborant des signes religieux, la gauche québécoise a souhaité voir la population montrer une ouverture d’esprit. C’est aussi mon premier réflexe. Prendre le temps d’écouter, donner la chance au coureur.
Deux poids, deux mesures ?
Je ne peux quand même pas m’empêcher de me demander si la réaction serait la même parmi nos bien-pensants si un chef de parti portait à son cou une grosse croix de bois. Situations identiques. Un chef sikh porte les symboles de sa religion. Un chef chrétien porterait simplement lui aussi un symbole de sa religion.
J’ai l’impression que nos bien-pensants changeraient d’opinion. On dirait alors qu’il faut le craindre. Qu’il faut éviter de mêler religion et politique. Que la droite religieuse exerce un contrôle inquiétant et obscur sur sa pensée politique. Les mêmes gens inviteraient les électeurs à la méfiance plutôt qu’à l’ouverture.
Et si un chrétien aux vues étroites se faisait le porte-parole des objections de sa communauté religieuse vis-à-vis le cours d’éducation sexuelle. Il me semble que le jugement serait impitoyable. En Ontario c’est pourtant ce qu’a fait monsieur Singh, qui s’explique aujourd’hui en disant avoir dénoncé le manque d’information et non le cours lui-même.
Tout cela me ramène à ce que Martine Ouellet du Bloc québécois a décrit comme une gauche religieuse. Une idéologie qui préconise le multiculturalisme et l’ouverture à toutes les religions sauf une seule, celle qui a été fondatrice de notre pays. Une contradiction très grosse.
Néanmoins, j’écouterai ce que Jagmeet Singh propose.