Lors de divers événements qui mettent à l’œuvre notre démocratie, des gens comme moi rappellent à quel point celle-ci est précieuse. Précieuse et fragile... En 2017, un tel discours passe généralement pour ennuyeux ou pire, pour quétaine.
La démocratie, nous la tenons pour acquise. La démocratie, nous nous en moquons. Une partie importante de la population ne va pas voter, et même une portion des citoyens se font une fierté de ne rien connaître et de ne rien suivre du débat politique. Ils présentent leur ignorance comme une forme de lucidité envers un système qui « ne donnerait rien ».
Les images vues dimanche dernier en Espagne devraient nous ouvrir les yeux. Les Catalans devaient affronter la police espagnole pour aller voter. Des gens pacifiques sont allés poser le geste de base de la démocratie, faire ce petit X si crucial sur un bulletin, et ils sont revenus le visage ensanglanté.
Images choquantes
Bien sûr le gouvernement espagnol justifiait son recours à la force par un article de la Constitution qui déclare le pays indivisible. Or le droit démocratique des peuples de décider démocratiquement de leur avenir est internationalement reconnu. C’est clairement la voie retenue par les Catalans. Pas un soulèvement militaire, pas une désobéissance civile, un référendum, c’est-à-dire un exercice d’expression démocratique permettant d’extraire le vœu de la majorité.
Toutes les tactiques incluant le recours à la violence ont été utilisées par les autorités espagnoles pour contrer l’exercice démocratique. Des bulletins de vote ont été saisis. Des boîtes de scrutin ont été volées... par la police ! Les entrées de certains lieux de votation ont été rendues inaccessibles par des forces antiémeutes.
Rappel pour nous
Si tous ces gestes regrettables constituent une honte pour l’Espagne, elles constituent aussi pour nous un vibrant rappel du caractère réellement fragile de la démocratie. Ceux qui insistent sur l’importance d’en prendre soin sont loin d’être des radoteux ringards. Ils ont raison.
Tout recours à la violence perturbant un jour de vote doit être jugé comme très grave. D’abord parce que tout citoyen ne devrait pas connaître la peur dans l’exercice d’un de ses droits fondamentaux. Mais surtout parce que le recours à la force est la négation même du principe démocratique.
Une société démocratique se définit comme une société qui règle les différences de vision par des débats, des discussions puis des votes plutôt que par les armes et la loi du plus fort. Les deux ne se mélangent pas. L’exercice démocratique doit être libre et serein.
Tous les dirigeants de pays démocratiques vantent ces beaux principes sur toutes les tribunes. C’est le cas des deux jeunes leaders modernes et inspirants que sont censés être Emmanuel Macron et Justin Trudeau. Comment expliquer leur silence devant l’autoritarisme espagnol et le déni de démocratie qui en découle ? Gênant.
L’Espagne n’est pas une République de banane. C’est un pays évolué, raffiné, mais qui a dérapé. Prouvant que la démocratie, comme dirait Luc de la Rochelière, est si fragile.