« Honte. » C’est le premier mot qui m’est venu à l’esprit lorsque j’apprenais hier matin, en lisant le Devoir, que le gouvernement allait (encore !) couper dans la francisation des nouveaux arrivants.
Vous êtes surpris ? Pas moi. C’est presque une habitude que de couper en francisation. Que ce soit dans celle des adultes qu’on encourage du bout des lèvres, ou encore celle des plus jeunes, comme nous le constatons ces jours-ci.
Investir dans la francisation des immigrants au Québec semble depuis plusieurs années une dépense superflue. La francisation semble faire partie du « gras » dans lequel notre gouvernement n’hésite pas à couper. Intégrer nos immigrants ? Visiblement, c’est trop dispendieux et peu rentable.
En gros, ce que le Parti libéral nous dit, c’est qu’il se contrefout de la francisation des immigrants, et ce, depuis de nombreuses années.
Lorsque j’ai commencé à enseigner en classe d’accueil en 2008, j’ai dû ouvrir une classe avec un budget d’environ 150 $. Une classe qui était auparavant vide. Pas de dictionnaires, pas de livres, pas de jeux de langue, pas d’affiches, aucun matériel audiovisuel. Rien.
Garnir une classe de langue seconde avec 150 $ relève du miracle. Une bonne partie de mes premières paies ont servi à acheter du matériel de classe, des disques de chansons, du matériel pédagogique, alouette. De plus, les enfants à besoin particulier dans ma classe n’avaient pas le droit aux services d’orthopédagogie, par exemple, puisque j’étais déjà considérée comme un « service particulier » alors que ne pas parler une langue n’est pas un handicap. Les lacunes de la majorité des enfants sont linguistiques, mais on considère les classes d’accueil comme des classes spéciales. Comme si les spécialistes de langue seconde étaient aussi des spécialistes d’adaptation scolaire.
On semble aussi penser que les enseignants réguliers sont formés pour enseigner à toutes les clientèles particulières, mais ce n’est pas le cas. On encourage la diversité et la différenciation pédagogique partout dans nos universités, mais la réalité, c’est que les budgets sur le terrain sont insuffisants pour enseigner adéquatement aux élèves qui en ont le plus besoin, dont les enfants allophones qui doivent apprendre notre langue de scolarisation.
Mais bon, ce ne sont que des enfants immigrants, si on se fie aux décisions budgétaires les concernant, ils ne sont pas importants et leur avenir ne nous importe guère.
La composition de ma première classe ? Des enfants de six à douze ans. Oui, oui ! Des enfants de niveau première année jusqu’à la sixième année. J’étais Émilie Bordeleau sur l’ile de Montréal, dans les années 2000. De plus, certains des enfants ne parlaient pas du tout français, mais d’autres qui maitrisaient la langue assez bien, en gros, c’était une classe « poubelle » ou déversoir, comme le sont souvent considérées les classes d’accueil.
Malgré qu’au Québec, on traite l’éducation comme une poubelle, et pas seulement les classes d’accueil.
Pourtant, les enfants immigrants ont énormément besoin de soutien. La classe d’accueil est fondamentale pour leur développement linguistique et leur intégration dans le système scolaire québécois. Non seulement pour être initié à la langue française, mais aussi au fonctionnement de nos écoles, à nos codes de vie, à notre structure scolaire, mais aussi, et c’est d’une importance capitale, à notre culture, soit une éducation culturelle, mais aussi interculturelle afin de favoriser le vivre ensemble.
La classe d’accueil coute plus cher qu’une classe régulière ; en effet, son ratio est d’un enseignant pour un maximum de 17 enfants. Évidemment, il y a moins d’enfants que dans les classes normales, mais il ne faut pas oublier que ces classes sont destinées à l’apprentissage d’une langue seconde et que le bon apprentissage d’une langue seconde aidera ces enfants tout au long de leur parcours scolaire.
Intégrer de force des enfants qui n’ont pas de compétences langagières en français dans des classes régulières et leur offrir deux heures de francisation par semaine avec une enseignante de soutien linguistique, comme on le fait dans plusieurs régions du Québec est insuffisant. J’ai l’impression qu’on utilise ces enfants comme cobayes, vérifiant s’ils apprendront assez bien par immersion pour réussir leur année scolaire et leur scolarité future. Mais les échecs à long terme ou les lacunes futures liées à la maitrise de la langue française ne pèsent pas lourd dans la balance libérale lorsque vient le temps d’amputer les budgets.
Investir dans la réussite scolaire et la langue française au Québec ne semble visiblement pas un projet porteur qui fait partie des vraies affaires.
Honte aux libéraux.
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