L’offensive de l’Europe a fait long feu, un gouvernement antisystème – que la plupart des médias se plaisent à qualifier de « populiste » – a finalement pu être formé: l’Italie se fera par elle-même.
Ne sachant trop comment définir cet objet politique inconvenant (qu’on ne connaît pas à Sciences Po) les chroniqueurs qui chroniquent ont, par un de ces consensus peu scientifique dont ils ont le secret, provisoirement stabilisé leurs hésitations en désignant comme « populiste » ce gouvernement d’union nationale qui vient de prêter serment vendredi en Italie. C’est que Sergio Mattarella, le président de la République, et Carlo Cottarelli, président du Conseil durant 48h, redoutaient la grande manifestation de protestation promise par Luigi Di Maio à Rome samedi dernier, jour de fête nationale… Le petit coup de force juridique de Sergio Mattarella a été vite balayé par la perspective d’une manifestation populaire.
On leur a dit que c’était impossible, alors ils l’ont fait
On note que ce gouvernement sera bien dirigé par Giuseppe Conte que la presse se plaît à souligner qu’il est un « inconnu » du grand public transalpin ; et que (ironie des vainqueurs) le contesté ancien ministre et patron des patrons italiens, Paolo Savona sera… ministre des Affaires européennes ; tant qu’il en reste… Il y a quatre mois, ces chroniqueurs nous disaient que ces mouvements extrêmes ne prendraient pas le pouvoir, puis il y a trois mois qu’ils ne pourraient pas s’allier tant leurs programmes étaient différents. L’ « extrême droite nationaliste du nord » (sic), s’est pourtant vite entendue avec le « mouvement populiste anti-système » (sic) du sud : en quelques jours ils ont établi un premier programme commun de gouvernement, puis un autre ; trouvé un président du Conseil, établi une liste de ministres… Ébahissement collectif des oracles à deux lires qui, désormais, désignent sous le nom de « gouvernement populiste » le phénomène.
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Mais personne ne semble avoir eu l’honnêteté de lire le programme de gouvernement du deuxième pays manufacturier d’Europe (avant la France…), puissance exportatrice avec, en 2017, « le record historique de 448 milliards d’euros d’exportations, soit une hausse de plus de 7 % sur un an », selon Les Echos. L’Italie est même en tête des pays européens pour les relocalisations industrielles: entre 2014 et 2017, l’Italie devance notamment la France (23) avec 32 entreprises rapatriés. Un léger protectionnisme du marché européen suffirait pour accentuer le mouvement. Ou même une TVA sociale et des baisses d’impôt (à la Schröder). L’Italie était seulement malade de ses politiciens qui ont laissé l’extravagante et irresponsable incompétence de Bruxelles ravager leur société. Une dette qui atteint 130% du PIB. En 2016, 4,6 millions d’Italiens vivaient dans la « pauvreté absolue ».
« L’Italia farà da sè »
Dans ce programme de sursaut populaire, anti soumission, on a déjà pointé: le rapatriement rapide des immigrés illégalement présents sur le territoire national ; le changement d’attitude à l’égard de l’islam (dont l’Italie a tant souffert du VIIe au XVIe siècle) et la lutte contre le terrorisme ; l’affirmation de la défense de l’intérêt national italien dans l’Union européenne (« difesa dell’interesse nazionale come primo punto del governo »), et la détermination à revoir les principaux traités européens, outre les règles de la monnaie unique, du budget de la dette (« rivedere i principali Trattati europei, non solo quelle che regolano la moneta unica ») ; action en faveur du système éducatif; meilleure autonomie des régions ; lutte contre la corruption y compris dans le système judiciaire et policier ; rétablissement des droits des retraités (« abolizione della Legge Fornero »); la mesure phare du M5S du revenu citoyen de 800 €, lié à la recherche de travail ; plan de réduction de simplification de la pression fiscale ; moralisation de la vie publique (« conflitto di interessi per chi intende fare politica e candidarsi alle elezioni. Il sistema dovrebbe prendere spunto dal modello in vigore negli USA”). Enfin, tout en réaffirmant le maintien dans l’OTAN, la coalition annonce purement et simplement l’abolition unilatérale des sanctions économiques contre la Russie et l’ « ouverture d’un dialogue direct avec Moscou et le président Poutine pour dépasser les récentes tensions entre l’Occident et la Russie ».
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C’est là, à l’évidence, assez dire que ce gouvernement d’union nationale sera plus attentif aux souffrances des Italiens qu’à des règles bruxelloises entraînant chaque jour des conséquences de plus en plus nocives. Le système bruxellois, après le Brexit et l’hostilité croissante en Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Autriche, Espagne, Pays-Bas y survivra-t-il en l’état ? C’est bien improbable.
Heureux Italiens qui auront encore plus de raisons d’être des Français de bonne humeur…