la résignation tranquille

Hélas, les temps ont bien changé

Il est temps de faire confiance aux Québécois et d’arrêter de les prendre pour des valises

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?

Délires électoralistes et bonbons à saveur de constitution
Après les échecs de Meech et Charlottetown, un bouillonnement
indépendantiste sans précédent caractérisait la société québécoise.
Certains rêvaient même que le premier ministre libéral d’alors, Robert
Bourassa, déclenche lui-même un référendum sur la souveraineté du Québec.
Il ne l’a pas fait. Mais, une chose certaine, il a compris l’ampleur du
fossé entre les demandes traditionnelles du Québec et ce qu’Ottawa et le
reste du Canada étaient prêts à offrir. À cette époque, comme jamais
auparavant… et jamais après, les politiciens québécois formaient un bloc
homogène et revendicateur des dus du Québec auprès d’Ottawa. Solidarité,
leadership et pugnacité étaient alors le leitmotiv des citoyens et de leurs
élus. Hélas, les temps ont bien changé.
Le premier ministre actuel, Jean Charest, n’occupe plus cette position de
force face à Ottawa. Le gouvernement fédéral considère autant le
gouvernement Charest qu’une moquette sur laquelle on s’essuie les pieds
dans un vestibule d’entrée. Jamais le Québec n’aura été aussi à-plat-ventre
devant le fédéral. Pire encore, quand il se trouve un élu pour dénoncer une
position du fédéral, il se fait châtier bien rapidement. Le cas le plus
récent est celui du maire de Québec, Régis Labeaume, qui a affirmé qu’il
n’avait pas besoin du fédéral pour réaliser son projet d’amphithéâtre. Or,
l’attaché politique du député libéral de Vanier a traité M Labeaume de «
petit perroquet péquiste vaniteux ». Même si cette déclaration aura fait
perdre l’emploi à l’homme en question, elle démontre néanmoins la grande
absence d’une position ferme face aux aberrations de plus en plus grandes
qui découlent du régime fédéral.
Si cette position est en grande partie due au manque de vision du
gouvernement libéral, elle découle aussi d’une nonchalance certaine des
partis de l’opposition. On nous ressassera encore l’épouvantail des
méchants médias qui sont partisans, mais dans les faits, c’est que depuis
1995, plusieurs souverainistes se nichent dans ce que l’on peut appeler la
résignation tranquille. On nous répètera qu’on a déjà joué la stratégie de
la pédagogie du pays au cours des élections passées, mais rien n’est moins
faux. On a plutôt joué d’attentisme en souhaitant que les Québécois nous
réclament le pays. Plutôt que de mener le combat, de mettre les efforts
pour convaincre la population du bien fondé du projet de faire du Québec un
pays, on préfère attendre et se baser sur des stratégies douteuses et
irréalistes. Il ne s’agit pas simplement de prononcer 5 fois les mots
souveraineté ou indépendance dans un discours pour travailler directement à
la réaliser. Pour être convaincants, encore faut-il être convaincus.
La dernière perle à émerger du Parti Québécois est très révélatrice du
grand malaise de la formation politique face à son article 1. On propose
maintenant ni plus ni moins que la position constitutionnelle défendue par
l’Action démocratique du Québec. La position péquiste est tellement calquée
sur la position adéquiste, que le parti de Gérard Deltell pourrait presque
demander des droits d’auteurs aux troupes de Pauline Marois. Pire encore,
elle se rapproche drôlement de la position défendue par Pierre-Marc Johnson
dans les années 80. Position qui, rappelons-le, avait causé bon nombre de
démissions au Parti Québécois et lui avait couté son poste de chef à
la suite d’une cuisante défaite électorale. C’est une position à
l’emporte-pièce basée sur rien de solide.
L’un des gros problèmes de cette « stratégie », c’est qu’elle situe son
action dans les nuages. Parfois on nous explique que si le Québec mène des
combats pour gagner de nouveaux pouvoirs et qu’Ottawa dit non, les
québécois seront fâchés et voudront faire la souveraineté de ce pas. Assez
simpliste et primal comme analyse. Lorsqu’on nous l’explique, on se
croirait dans une reprise d’un vieux feuilleton américain. On ne peut pas
présumer des réactions du gouvernement fédéral et encore moins de celles de
la population. Aller en ce sens, c’est de manquer de respect envers
l’intelligence des Québécois. Cette « stratégie » constitutionnelle rate
totalement la cible et qui n’atteint aucun des buts souhaités. En fait,
elle comporte presque des aspects ésotériques.
D’un autre côté, on nous dit que si le Québec se bat pour avoir de nouveaux
pouvoirs d’Ottawa et qu’Ottawa accepte, nous serons un peu plus proches du
pays du Québec. Cette réflexion est encore plus tordue et malhonnête que la
première. À preuve, après s’être battus pendant bon nombre d’années pour
faire reconnaître la nation québécoise, quand le gouvernement fédéral a
décidé de la reconnaître, si l’on se fie à la présomption précédente, il
aurait dû y avoir une grande fièvre souverainiste au Québec, un grand
appétit du pays. Or, ce ne fut pas le cas. Pire encore, certains québécois
se sont même sentis dans un confort plus grand et décidèrent même de
continuer à envoyer quelques députés conservateurs au Parlement canadien.
Si l’appétit vient en mangeant, la souveraineté ne vient pas en se
fédéralisant !
La sortie de François Legault, la semaine dernière, ne détonne pas tant de
l’actuelle position péquiste. Les deux sont des positions d’attentisme
(même si on tente de nous faire croire que la position péquiste est
proactive) et qui, à court terme, désirent faire fonctionner le Canada
avant de travailler à ériger un nouveau pays. Si la Coalition pour l’avenir
du Québec a décidé d’emblée de rayer la question nationale de ses
préoccupations, la marge n’était pas si grande entre ce que le Parti
Québécois propose et l’abnégation totale. Il est à souhaiter, à ce
chapitre, que le PQ se ressaisira et prendra compte de l’urgence de la
situation. Entre quatre formations politiques confédéralistes (ou
fédéralistes), les québécois opteront peut-être pour la nouveauté, pour la
« gang » qui leur parait moins corrompue que les autres. Il est donc temps
pour les troupes de Pauline Marois, de laisser tomber cette patente-à-gosse
de gouvernance souverainiste et de revenir à une position claire, limpide
et surtout honnête. Il est temps de faire confiance aux Québécois et
d’arrêter de les prendre pour des valises.
Pour s’inspirer, ils pourraient sans doute jeter un œil sur le travail fait
par leur parti frère, le Bloc Québécois. Dans les dernières années, les
actions les plus significatives pour la souveraineté ont été faites par la
formation de Gilles Duceppe. Conférences sur toutes les tribunes étrangères
possibles pour expliquer le projet d’indépendance, rencontres avec des
communautés établies au Québec pour leur vendre la souveraineté, en plus de
la promotion d’une démarche claire et sans détours furent, entre autres,
les faits d’arme des actions du Bloc Québécois au cours des dernières
années. (...)
Il est temps de cesser le blocage idéologique et l’orgueil mal placé. Se
décider à mettre au rencart la « stratégie » de la gouvernance
souverainiste ne serait pas un désaveu à la chef, comme certains le laissent
entendre. Ce serait simplement la démonstration de convictions profondes et
d’une volonté de régler une fois pour toutes la question nationale. Un
recul stratégique ne serait que bien accueilli par les Québécois qui, je le
crois, commencent à en avoir marre des politiciens rigides et
intransigeants. Il faut assurément que les troupes de Pauline Marois
réussissent à se démarquer des autres partis. L’ouverture, l’écoute, la
pédagogie du pays, voilà le vrai leitmotiv que le Parti Québécois devrait
faire sien dans les prochains mois. Sinon, le PQ pourrait bien se retrouver
une fois de plus dans le poulailler de l’Assemblée Nationale et cette
fois-ci, la menace ne serait pas adéquiste…
Jerry Beaudoin, militant souverainiste
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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