La volonté de changer
Depuis déjà plusieurs jours, les médias font état de divisions très vives au sein des militants du Parti Québécois. Plus les journées passent, plus les personnes sont nombreuses à monter au front pour demander le départ de la chef péquiste, Pauline Marois. Or, elle ne semble pas vouloir quitter, elle semble plutôt s’accrocher encore au gouvernail du bateau alors qu’il est en train de couler avec elle. Autour de moi, des gens quittent pour la CAQ, d’autres quittent pour Québec Solidaire. Des membres de ma famille qui votent souverainiste depuis la création du RIN ne savent plus sur quel pied danser, ne se reconnaissant plus du tout dans le semblant de parti que le PQ est en train de devenir. D’autres encore, comme moi, sont en profonde réflexion. Selon moi, chacun des militants du PQ devrait faire une profonde analyse de la situation puisqu’elle est grave et sérieuse. Si des changements majeurs n’ont pas cours dans les prochains mois, le Parti Québécois pourrait subir le même sort que le Bloc Québécois a récemment subi. Sincèrement, je crains.
Pour ma part, je crois qu’il est temps pour Pauline Marois de quitter la tête du PQ rapidement et ce, pour plusieurs raisons. Ma réflexion a évolué en ce sens. D’abord, en cette période de cynisme intense, les citoyens du Québec ont besoin de nouveaux visages, mais surtout de nouvelles façons de faire de la politique. En ce sens, selon moi, les propos du démissionnaire Jean-Martin Aussant étaient très justes. Un parti politique se doit de proposer et appuyer une vision globale, des projets à long terme, des valeurs auxquelles il adhère, mais sur les questions de poutine quotidienne, il est totalement inconcevable de demander aux députés une loyauté absolue. Le rôle d’un député est de défendre les intérêts de ses commettants. Or, avec une ligne de parti trop rigide, cet objectif est très difficilement atteignable. Les citoyens en ont marre de se faire dire quoi faire et comment penser. Leur député devrait donc être le catalyseur qui se fait le porteur de leurs idées à l’Assemblée Nationale. Le premier lien de confiance à renouer est celui du député vis-à-vis ses électeurs. Il doit arrêter d’être perçu comme le pantin d’un parti plutôt que comme un individu qui représente et défend les siens.
Par ailleurs, cette politique trop partisane qui a cours au Québec depuis plusieurs années est en train de souffrir d’un véritable déficit de crédibilité. Personne n’a le monopole des bonnes idées. Serait-ce si néfaste pour le PQ de reconnaître une bonne idée du PLQ ou vice-versa ? Je trouve d’ailleurs que le Parti Québécois aurait dû féliciter le Parti Libéral pour son projet de Plan Nord qui est une initiative régionale remarquable. En disant cela, j’en vois déjà me taxer de souverainiste au jupon libéral qui dépasse. Or, c’est bien mal me connaître que d’affirmer de telles sottises. Il faut regagner la confiance de la population qui est viscéralement tannée. Tannée au point où elle est prête à se jeter dans les bras du premier venu en ne sachant pas du tout ce qu’il propose. C’est assez grave tout de même ! Certains affirmeront que Pauline Marois peut faire ces changements. Mais, je ne la crois plus, les citoyens du Québec ne la croient plus. Elle a trop fait dans la politique du « mon père est plus fort que le tien ». Le ciment est pris. Pour de bon.
Il nous faut un leader qui n’aura pas peur de discuter, d’être sans cesse remis en question, de négocier, d’être ouvert. La gestion de la crise des dernières semaines fut catastrophique. Pauline Marois a probablement réussi à se mettre plus de monde à dos en deux semaines que durant toutes les autres années de sa carrière. De dire que le départ de quatre des députés péquistes les plus populaires est pratiquement une pacotille, c’était une grossière erreur. Le crois ou meurs imposé depuis son arrivée – qui faisait d’ailleurs jaser depuis quelques temps- est littéralement en train de miner le PQ de l’intérieur. Même certains de ses plus grands défenseurs affirment à mots couverts que la situation est devenue invivable et que c’est entre les mains de l’entourage de la chef que tout le pouvoir est délégué. On nous la présentait jadis comme une femme d’écoute et d’ouverture. À ce chapitre, elle a grandement déçu.
Nous avons donc besoin d’un nouveau chef qui saura insuffler une véritable cure de jeunesse au Parti Québécois en en faisant un exemple concret d’une nouvelle façon de faire de la politique au Québec. Pour certains, ces changements peuvent paraître cosmétiques et sans importance, mais ils demeurent essentiels pour réussir à faire du Québec un pays. Lorsque les porteurs de ballon nuisent à la cause, il faut peut être penser à les changer, mais aussi à changer la stratégie du match. Le projet d’indépendance du Québec doit continuer d’être un vecteur majeur de la politique québécoise, mais celui-ci invite aussi à être dépoussiéré. Les raisons de faire un Québec indépendant ne sont pas les mêmes que celles de 1980 ou 1995. Les nouveaux souverainistes veulent un Québec ouvert qui aura tous les outils nécessaires pour se propulser dans le monde entier. Nous avons donc aussi besoin d’un leader qui affirmera sans détour, sans cabriole ses véritables objectifs indépendantistes. Il ne s’agit pas ici de jouer à jeu ouvert, mais simplement de ne pas prendre les citoyens pour des idiots.
Pauline Marois a fait beaucoup pour le Québec post Révolution tranquille. Elle aura occupé des postes clés au sein de différents gouvernements, mais les temps évoluent. Nous avons désormais besoin d’un leader qui saura rallier plutôt que diviser, d’un leader qui saura inspirer la population en entier et surtout, qui n’aura pas de squelettes dans son placard. À celles et ceux qui disent qu’on change souvent de chef au PQ, il faudrait se brancher ! Souvent, ils sont les premiers à dire qu’ils ne se reconnaissent pas au Parti Québécois en raison de son leadership. Il n’y a pas de mal à vouloir évoluer, à s’adapter au changement de mentalités et à redevenir un vrai parti de militantisme et de débats.
Aujourd’hui, même si cela n’est pas facile, il faut faire les constats qui s’imposent. Les militants quittent par dizaines à chaque jour. Quand ils auront migré définitivement vers d’autres formations politiques, il sera beaucoup plus difficile d’aller les rechercher.
J’en appelle donc aux députés et aux militants qui ont encore un pouvoir d’influence sur elle – s’il y en a- à l’inviter à rentrer dans ses terres, la tête haute avec le sentiment du devoir accompli. Il faut le faire pour le bien du parti, mais d’abord et surtout pour le bien de cet idéal qui nous est si cher, celui de faire du Québec un pays.
Jerry Beaudoin
L'auteur est enseignant et journaliste. Il était l'un des 50 signataires qui sont sortis contre la stratégie souverainiste de Pauline Marois l'automne dernier.
La volonté de changer
Il ne s’agit pas ici de jouer à jeu ouvert, mais simplement de ne pas prendre les citoyens pour des idiots.
Pacte électoral - gauche et souverainiste
Jerry Beaudoin9 articles
Lac-Etchemin - L'auteur est enseignant et journaliste. Il était l'un des 50 signataires qui sont sortis contre la stratégie souverainiste de Pauline Marois l'automne dernier.
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
24 juin 2011Et tu as raison sur la liberté de mon représentant sur les décisions de la poutine du jour.
La population est très cynique face aux politiciens parce qu'ils sont des fantoches et des pantins ou du moins la culture des partis les obliges à devenir ainsi. Si nous observons vers qui ils se tournent:
Legault--- pas de parti, pas de chef...donc libre de faire ce qu'il dit.
Khadir --- porte parole de son parti... seul et il utilise cette liberté. Il changera peut-être lorsqu'ils seront plusieurs...mais on s'en fout.
NPD ---- le moins pire de tous les fédéralistes parce que de temps à autre Mulcair se permettait d'être lui même et qu'on pourrait aller prendre une bière avec Layton.
Morale: Si le PQ désire prendre le pouvoir et nous mener vers l'indépendance, il devra réellement se pencher sur cette question. Sinon, il y aura un grenouillage de mécontentement et une implosion réelle. Les gens ne voteront jamais pour Marois parce qu'ils n'ont pas confiance dans la manière qu'elle gèrera la poutine quotidienne. Les derniers événements l'ont prouvé.
Noel