Pauline Marois veut briser le Canada. Lancée telle une illumination de l'esprit, cette affirmation de Philippe Couillard dénote d'une certaine inquiétude pour ne pas dire un état de panique qui semble désormais atteindre plusieurs militants du Parti libéral du Québec. Lorsque ça va mal chez les libéraux, c'est bien connu, il est d'aloi d'agiter les épouvantails référendaires qui semblent à leurs yeux si terribles. Plus l'histoire s'écrit, plus elle semble se répéter. À cet égard, en lisant la sortie du chef libéral, je ne puis m'empêcher de repenser à une anecdote que Bernard Landry nous avait raconté à quelques compagnons étudiants et moi-même, lorsque je fréquentais le Cégep Beauce-Appalaches.
Fidèle à ses habitudes, M Landry nous avait alors servi un discours à forte teneur indépendantiste. Il nous avait alors raconté que lors de la campagne référendaire de 1995, il avait fait une tournée de certaines résidences de personnes âgées de la Beauce. À quelques endroits, des tenants de l'option du non avaient précédé la visite de Bernard Landry. Or, c'est avec une certaine surprise que M Landry a pu prendre compte des arguments pour le moins originaux qui étaient utilisés par le camp fédéraliste. Après avoir prononcé un discours dans l'une de ces résidences, Bernard Landry était allé vers une dame d'un certain âge qui ne semblait pas des plus convaincues de ce qu'elle venait d'entendre.
En discutant un peu avec la dame en question, celui qui était à l'époque ministre put prendre conscience de la très grande profondeur du discours utilisé par les représentants du camp fédéraliste. «Si votre souveraineté passe, je ne pourrai plus manger d'oranges! J'aime ça moi manger des oranges!» avait lancé la dame devant un Bernard Landry pantois. Il avait alors dû démonter un à un les mensonges propagés qui avaient fait du chemin dans l'esprit de cette vieille dame. Comme si l'importation de produits étrangers aller arrêter dans un Québec souverain! Abuser de la bonne foi ou de la naïveté des gens en inventant des peurs et des pièges qui n'ont pas lieu d'être, malheureusement, cela a trop souvent été l'apanage des élites fédéralistes.
«Vous allez perdre vos pensions de vieillesse!»; «Vous ne pourrez plus aller voir nos belles Rocheuses!»; « Le Québec va être en crise et l'armée va débarquer!»; ou des exemples encore plus colorés comme «Vous ne pourrez plus manger d'oranges!» ont trop souvent été employés et ont malheureusement fait trop de chemin dans l'esprit de certaines personnes. Pour réussir à s'opposer à des idées de liberté ou d'indépendance politique d'un peuple, plus souvent qu'autrement, les tenants du statu quo ont fait appel à la peur, une peur très souvent injustifiée. En mon sens, les ténors fédéralistes devraient s'élever davantage au-dessus de la mêlée et essayer de trouver des arguments davantage rationnels.
Pauline Marois veut briser le Canada? Probablement qu'elle veut plutôt réparer le Québec. Un Québec qui la plupart du temps n'a jamais réussi à se déployer autant qu'il l'aurait voulu en raison de l'étouffante mainmise d'un gouvernement fédéral qui empiète constamment sur ses compétences et qui refuse de considérer le caractère distinct de la nation québécoise. Alors que certains fédéralistes rabâchent constamment que la souveraineté est une idée dépassée, il faudrait plutôt mettre en lumière ce fédéralisme étouffant, archaïque et poussiéreux qui est en place depuis belle lurette au Canada. Le discours souverainiste a considérablement évolué, le discours fédéraliste, lui, semble encore pris dans des histoires de peurs et d'épouvantails qu'on agite quand on sent la soupe chaude.
Cette fameuse réforme du fédéralisme qu'on nous a souvent promise n'est jamais venue. Le fédéralisme canadien est une idée d'un autre siècle. Pour réussir à se déployer davantage, le Québec a besoin de se donner des ailes. La liberté, n'est-ce pas là le plus grand et le plus beau des projets pour une société du 21e siècle? Briser le Canada? Non. Construire le Québec. Ainsi, tant au Canada qu'au Québec, on gagnera en cohérence, en harmonie. Chacun retrouvera l'identité qui lui est propre. Chacun bâtira son avenir à sa façon.
Briser le Canada? Non, construire le Québec!
Le discours fédéraliste : des histoires de peur et d’épouvantails
Jerry Beaudoin9 articles
Lac-Etchemin - L'auteur est enseignant et journaliste. Il était l'un des 50 signataires qui sont sortis contre la stratégie souverainiste de Pauline Marois l'automne dernier.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé