Après avoir lu le rapport du Vérificateur général, ni le conseil d'administration de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), ni son comité de vérification ne s'attendaient à un tel tollé, a déclaré son président, Jean-Guy Chaput.
Il est vrai que les fautes qui sont reprochées à M. Chaput semblent bien légères en comparaison des abus que le Vérificateur général a découverts dans l'appareil gouvernemental au fil des ans.
Dans son rapport de l'an dernier, Renaud Lachance avait épinglé le président de la Société immobilière du Québec (SIQ) qui, en deux ans, s'était offert 70 000 $ de repas au restaurant sans pièces justificatives, sans compter 20 000 $ pour un abonnement à un club de golf.
En 2006, c'était au tour de la Société nationale du cheval de course (SONACC), dont un des dirigeants s'était fait rembourser des dépenses «injustifiées» de 93 000 $, dont 12 000 $ pour l'affrètement d'un avion pour assister à un encan de chevaux au Kentucky, alors que la SONACC n'achetait pas de chevaux.
Le cas le plus original a cependant été celui du protecteur du citoyen, Daniel Jacoby, dont le Vérificateur avait relevé les pratiques étranges dans son rapport d'octobre 2000. Pendant huit ans, Me Jacoby avait utilisé les biens et le personnel du Protecteur du citoyen au profit d'une société privée dont il était lui-même le président.
En mai 1999, cet homme pour le moins distrait avait présenté une demande de remboursement de 560,08 $ pour un déjeuner avec cinq représentants de l'ONU dans un établissement de Genève qui n'ouvrait pas avant 17 heures et ne servait pas de repas.
Quelques mois plus tard, quand le contrôleur général des finances avait entrepris une première vérification, il s'était soudainement rappelé que le repas avait eu lieu dans un autre restaurant, en compagnie de trois personnes qu'il avait refusé d'identifier, et pour lequel il n'avait pas réclamé de remboursement.
***
On ne trouve rien de tel dans le chapitre du dernier rapport du Vérificateur général qui porte sur la SODEC. Il y a sans doute des lacunes dans la reddition de comptes, mais rien ne laisse croire que des fonds publics ont été utilisés à des fins personnelles.
De toute évidence, il était «inapproprié» d'imputer des frais de déplacement de 200 000 $ dans les programmes d'aide financière, mais cela ne signifie pas que le milieu culturel a été privé de ces sommes.
Pour le contribuable qui peine à joindre les deux bouts, il est certainement choquant de voir des dirigeants de sociétés d'État payer 1330 $ pour une chambre d'hôtel avec vue sur la mer à Cannes, mais il n'y a là aucun scandale.
Tout le monde sait que les prix à Cannes sont démentiels, surtout pendant le festival. Avec raison, les Québécois sont reconnus pour leur simplicité, mais il y a un prix à payer pour jouer dans les grandes ligues. La culture est également une affaire de commerce qui a ses exigences. Dépenser 80 000 $ en une semaine sur les Champs-Élysées pour faire la promotion du cinéma québécois n'a rien d'extravagant
M. Chaput n'est ni le premier ni le dernier ami du régime, peu importe lequel, à profiter d'une nomination politique pour joindre l'agréable à l'utile pendant quelques années. Ce train de vie confortable ne lui déplaît sûrement pas, mais il n'a pas excédé les normes.
***
Selon mon collègue Christian Rioux, les relations entre la SODEC et la Délégation du Québec à Paris étaient tendues depuis plusieurs mois. Il est également connu que la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, et sa prédécesseure, Line Beauchamp, qui avait nommé M. Chaput, ne sont pas les meilleures amies du monde.
Cela n'explique cependant pas la rapidité avec laquelle le président de la SODEC, dont le mandat arrivera à échéance en octobre, a été condamné sans même avoir eu l'occasion de donner sa version des faits.
À l'Assemblée nationale, la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, dont la circonspection confine parfois à l'insignifiance, s'est métamorphosée en véritable furie, impatiente de châtier ce mécréant qui, à l'entendre, avait perdu toute autorité morale.
M. Chaput semble plutôt victime des circonstances. Aux prises avec de sérieux problèmes d'éthique, le gouvernement a sauté sur la première occasion pour se refaire une vertu. Le président de la SODEC est un ami de Mme Beauchamp? Tant mieux, l'exemple n'en sera que plus probant.
Le premier ministre tolère que ses ministres possèdent des entreprises qui font affaire avec l'État, il a donné l'absolution à Philippe Couillard, qui s'est servi de sa fonction pour se négocier un emploi de façon indécente, il présente dans Rivière-du-Loup un candidat trop embarrassant pour le montrer au conseil général du PLQ, mais il n'hésite pas à exécuter un fonctionnaire sous de faux prétextes.
«Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir», écrivait Lafontaine.
***
mdavid@ledevoir.com
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé