Un peu partout en Occident, la gauche politique se cherche. Elle est en crise d'identité. On a assez dit la fin des utopies globales, l'oubli des «lendemains qui chantent», la fin du «socialisme» comme grand projet censé remodeler la société du tout au tout.
Pourtant, en 2007, on sent encore assez bien ce que signifie «être de gauche», en matière de dispositions générales, d'appartenance à une famille politique ou idéologique. Sur quelques grandes questions - le rôle de l'argent et des banquiers, l'Irak et la politique étrangère des États-Unis, ou encore le mariage homosexuel -, il est assez facile d'établir des positions «de gauche» et «de droite».
Soulignons en outre l'importance qu'ont prise en Occident, depuis un quart de siècle, dans l'autodéfinition de plusieurs partis de gauche, des questions nouvelles - pas forcément «économiques» - comme l'écologie, les moeurs ou la condition féminine.
Cela dit, malgré la relative clarté de ce que signifie instinctivement «gauche» ou «droite», une grande confusion semble s'être installée sur ce que doit, sur ce que peut être - sur le plan programmatique et économique - une gauche de gouvernement en 2007.
Petit «état des lieux»... en forme de panorama européen.
Bien davantage qu'en Chine ou en Union soviétique, c'est peut-être dans les pays d'Europe du Nord que l'on s'est approché le plus du «socialisme», vu comme un grand projet qui devait mener à une société fondée sur des bases nouvelles.
Mais c'est aussi là, à la fin du XXe et au début du XXIe siècles, que l'on a assisté aux plus vigoureuses et aux plus dynamiques remises en question - par la gauche elle-même - de ses propres préceptes... afin de se réinventer, par-delà le vieux concept de «socialisme».
En Suède par exemple, la gauche a perdu le pouvoir en septembre dernier, mais elle reste, comme elle l'a été durant la majeure partie du XXe siècle, une force avec laquelle il faut compter. Cette gauche pragmatique du nord européen a volontiers intégré à sa pensée économique des concepts comme la flexibilité du travail, ou encore le caractère inévitable voire bienvenu de la mondialisation.
Des idées qui, vues de la gauche parisienne, paraissent encore en 2007 totalement étrangères, exotiques... voire dangereuses.
En Grande-Bretagne, le «blairisme» a poussé le Parti travailliste le plus à loin à droite dans toute son histoire. Sur plusieurs sujets - et particulièrement en politique étrangère où le premier ministre Tony Blair s'est totalement aligné sur Washington -, la «gauche» au pouvoir semble s'être bornée à mimer la droite. Pourtant, certains vous diront qu'il y a encore «de la gauche» dans le blairisme...
En Espagne, la gauche est revenue au pouvoir de façon accidentelle au lendemain des attentats terroristes de mars 2004. Depuis, le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero a été extrêmement prudent - on peut dire: centriste - en matière économique... tout en se montrant très à gauche sur les questions de moeurs: présence des femmes au gouvernement, mariage homosexuel, etc.
En Italie, la coalition de gauche - maintenue de justesse au pouvoir la semaine dernière grâce à de savants jeux de coulisses au Sénat - est un collage baroque d'une dizaine de formations politiques, surtout unies dans leur refus et leur peur de l'affreux Silvio Berlusconi.
Mais ce collage a un caractère tellement hybride - la coalition va des démocrates-chrétiens jusqu'aux communistes non réformés, en passant par les verts et les socio-démocrates - qu'il apparaît en équilibre sur un fil, et risque de tomber dès qu'il sera question de la mission en Afghanistan ou du mariage homosexuel... deux sujets qui, en passant, obsèdent les politiciens de Rome autant que ceux d'Ottawa.
En puis la France... En France, patrie du cartésianisme, la gauche nationale - peut être la plus cohérente mais aussi la plus idéologiquement conservatrice de toutes les gauches d'Europe - conserve en 2007 sa foi inébranlable dans les solutions étatiques, les impôts, la redistribution traditionnelle...
Naturellement pessimiste, elle voit surtout la mondialisation comme une menace et un potentiel de destruction, plutôt que comme une chance et un potentiel d'enrichissement. Elle se méfie instinctivement des raisonnements en termes économiques, et préfère continuer de parler de rapports de forces, d'injustices, d'État, de classes sociales.
C'est ici qu'arrive Ségolène Royal. Ségolène qui, tout en étant officiellement soutenue par le Parti socialiste français, s'était affirmée lors de sa montée en 2006 comme indépendante des vieux dogmes et des vieilles hiérarchies partisanes. «Vive la famille, vive la discipline, vive l'ardeur au travail!» s'était-elle écriée, au grand dam des vieux militants et des gardiens du dogme.
Qu'a donc à nous enseigner la gauche occidentale, à l'orée du XXIe siècle? Dans certains pays d'Europe, elle bouge et elle cherche... Mais en ce printemps 2007, on attend particulièrement la France, cette patrie-phare qui a pris un certain retard dans l'innovation... mais qui est connue pour ses occasionnels et spectaculaires «bonds en avant». Allez Ségolène!
François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.
francobrousso@hotmail.com
Gauches
Québec 2007 - Analyse
François Brousseau92 articles
François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.
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