Gertrude Bourdon. Illustre inconnue jusqu’à la semaine dernière, la voilà sacrée vedette d’un pénible roman-savon politique truffé d’intrigues de coulisses et de contradictions gênantes.
Technocrate du réseau de la santé, Mme Bourdon est convaincue que sa mission ultime est d’en être la prochaine ministre. Elle a donc « magasiné » sa candidature. De la CAQ au PLQ en passant brièvement par le PQ, Mme Bourdon s’est finalement rangée du côté libéral.
Jusqu’à tout récemment, elle avait pourtant multiplié les rencontres avec le chef de la CAQ, François Legault, et son chef de cabinet. Une telle assiduité, ce n’est plus du « magasinage », c’est une demande en mariage. C’est pourquoi son intense butinage aura eu raison de sa crédibilité, tout en soulevant une question inquiétante.
Dans la mesure où le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, faisait aussi la cour (politique) à Mme Bourdon, ce bien drôle de va-et-vient entre le PLQ et la CAQ ne prend-il pas aussi des airs de guet-apens tendu au chef caquiste ? La question se pose pour deux raisons.
Illusion d’optique
Primo, Mme Bourdon jure qu’elle partage les valeurs libérales. Or, des valeurs, ça ne se « magasine » pas. Deuxio, entichée des réformes Barrette dès leur genèse, incluant le gavage financier des médecins spécialistes, si elle était sincère, elle n’aurait eu aucune raison de se taper sept rencontres avec la CAQ, dont le programme propose le contraire.
Quant à Philippe Couillard, ses manœuvres sont aussi visibles qu’une tache d’encre sur un sarrau de médecin. Comme tout le monde, il savait depuis longtemps qu’en vue des élections, il devrait larguer son impopulaire ministre de la Santé. Du moins, en apparence.
Pour faire illusion, le recrutement d’une ou d’un successeur potentiel extérieur au club sélect des médecins était essentiel. D’où l’arrivée de Gertrude Bourdon. Une gestionnaire certes reconnue, mais, également, une technocrate haut-perchée dans la tour d’ivoire ultra-centralisée du ministre Barrette.
Même vision
Surtout, Gertrude Bourdon et Gaétan Barrette partagent la même vision dysfonctionnelle du système public de santé. Bien au-delà des tractations de coulisses, le plus important à savoir est là. Bref, quand le premier ministre fait passer l’atterrissage de Mme Bourdon pour du vrai « changement », il joue au Messmer de sous-sol d’église.
La réalité est celle-ci. Comme ministre potentielle de la Santé, Gertrude Bourdon, c’est Gaétan Barrette sous un autre nom. M. Couillard s’est même permis de couronner le Dr Barrette à l’avance en lui offrant la toute-puissante présidence du Conseil du trésor. Il contrôlerait ainsi les cordons de la bourse de sa présumée successeure à la Santé.
Résultat : les réformes bâclées de Gaétan Barrette seraient préservées par Mme Bourdon, pendant que le méga budget de la Santé dépendrait des diktats du même homme. Un scénario cauchemardesque.
Le premier ministre croit-il vraiment à son propre mauvais tour de passe-passe ? Si oui, c’est à désespérer de son sens politique. Si non, c’est qu’il prend les électeurs pour des cruches.