Fronde municipale pour protéger l’eau potable

Plus de 250 municipalités jugent le règlement provincial insuffisant pour prévenir la contamination en cas de forages

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Le pouvoir se reprend dans le concret






Dans un geste politique sans précédent, plus de 250 municipalités du Québec réclament le droit de déroger au règlement provincial sur la protection des sources d’eau potable dans le cadre des forages pétroliers et gaziers, a appris Le Devoir. Elles souhaitent en fait imposer des normes plus sévères. Devant une telle rebuffade, le gouvernement Couillard a d’ailleurs accepté de rencontrer des élus municipaux pour discuter de la question.


 

Le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) a été mis en place en août 2014 dans le but de fixer une fois pour toutes des normes pour les distances entre les forages, ou encore les opérations de fracturation, et les sources d’eau potable. Dans le cadre d’un forage, celle-ci est d’un minimum de 500 mètres. Toute opération de fracturation doit pour sa part être menée à une profondeur minimale de 600 mètres.


 

Selon le texte de la « requête » signée par un total de 251 municipalités en date du 10 août, les normes imposées par le gouvernement Couillard seraient toutefois « insuffisantes pour assurer une protection adéquate des sources d’eau potable ». Les élus municipaux s’appuient sur certaines études qui démontreraient des risques réels de contamination, par exemple, au méthane.


 

Le juriste Richard Langelier, qui soutient cette démarche des municipalités appuyée par le Regroupement vigilance hydrocarbures Québec, rappelle également que le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a lui-même remis en question les normes fixées par Québec.


 

Dans son rapport sur l’industrie du gaz de schiste publié en décembre 2014, soit cinq mois après l’entrée en vigueur du RPEP, le BAPE a notamment insisté sur la nécessité d’« augmenter » la distance entre les aquifères et les opérations de fracturation. L’organisme avait du même coup souligné l’absence de « connaissance » sur la structure et le comportement des couches sédimentaires, mais aussi l’importance de réaliser une cartographie « détaillée » des fractures naturelles dans les formations rocheuses.


 

Normes plus strictes


 

Comme le RPEP est un règlement provincial, il a préséance sur des normes qui seraient fixées par les municipalités. Mais en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement, le ministre de l’Environnement peut autoriser une municipalité à adopter une règle distincte. C’est justement ce que réclament les municipalités dans ce cas-ci.


 

Un dépôt des requêtes en ce sens doit avoir lieu le 20 août. Il devait initialement être effectué le 10 août, mais la date a été reportée en raison de l’afflux important de demandes de dérogation, souligne M. Langelier. En date du 20 juin, 181 municipalités situées dans 55 MRC avaient donné leur appui à la requête. En date du 10 août, la liste comptait 251 municipalités situées dans 64 MRC. Selon M. Langelier, elle pourrait dépasser le cap des 270 au cours des prochains jours.


 

Selon la liste consultée par Le Devoir, toutes les régions où l’on retrouve des permis d’exploration pétrolière et gazière sont concernées. On parle ici de la vallée du Saint-Laurent, mais aussi des Cantons-de-l’Est, du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Des municipalités situées dans des régions qui ne comptent pas de tels permis sont aussi du nombre, comme l’Abitibi ou les Laurentides.


 

Frein aux projets


 

Si le ministre David Heurtel acceptait les demandes de dérogation, cela pourrait contrecarrer plusieurs projets d’exploration pétrolière et gazière. Les municipalités qui ont décidé de prendre part au mouvement réclament en effet le droit d’« augmenter » de façon significative les distances prévues en vertu du RPEP.


 

Elles souhaitent ainsi imposer une distance minimale « de deux kilomètres de tout puits artésien ou de surface desservant 20 personnes ou moins ». Dans le cas d’une source alimentant plus de 20 personnes, cette distance passerait à 6 kilomètres. Enfin, dans le cas d’une source alimentant des résidants ou une municipalité, la distance minimale atteindrait 10 kilomètres. Une telle source pourrait par exemple être une rivière.


 

De telles normes sont similaires à celles qui avaient été adoptées par la Ville de Gaspé en 2012. Celles-ci avaient eu pour effet de bloquer les projets d’exploration de l’entreprise Pétrolia sur son territoire. Elles avaient aussi valu à la municipalité d’être poursuivie par la pétrolière.


 

Reste que la fronde municipale lancée contre le RPEP a poussé le gouvernement Couillard à accepter de rencontrer des élus municipaux pour discuter des normes en vigueur partout au Québec depuis août 2014. Selon ce qu’a appris Le Devoir, la rencontre doit avoir lieu le 12 septembre.


 

Le cabinet du ministre David Heurtel a confirmé lundi la tenue d’une telle rencontre. Des experts du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques devraient être présents. Les municipalités devraient également présenter une expertise scientifique pour appuyer leur demande de dérogation.


 

Cet épineux dossier de la protection de l’eau potable s’ajoute à d’autres chantiers mis en place en vue de préciser les orientations gouvernementales en matière d’exploration et d’exploitation d’énergies fossiles au cours des prochains mois.


 

Le rapport de l’évaluation environnementale stratégique sur les hydrocarbures doit en effet être terminé cet automne, de même que le chantier de l’acceptabilité sociale de projets énergétiques. Le gouvernement doit en outre élaborer la future politique énergétique de la province, en plus de présenter la toute première loi devant encadrer l’industrie des énergies fossiles.







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