Cap sur un Québec gagnant est le titre du livre que vient de faire paraître le chef de Coalition avenir Québec, M. François Legault. L’ouvrage est bien, déprimant de réalisme et stimulant de propositions, bien différent de ces autobiographies électoralistes auxquelles nous sommes habitués. Le problème, majeur, c’est que ce Projet Saint-Laurent est trop ambitieux pour un parti populiste comme la CAQ, et même pour un gouvernement qui ne contrôle pas tous les instruments d’un État normalement constitué.
Au départ, l’idée de faire des rives du Saint-Laurent une sorte de longue Silicon Valley axée sur l’innovation semblait le fruit d’un stratège politique désespéré en réaction au Plan Nord du gouvernement Charest. Après tout, ce n’est pas en se contentant de promettre un « grand ménage » dans les finances publiques et l’abolition des commissions scolaires qu’on allait convaincre l’électorat de voter pour la CAQ.
Or, pris à son propre jeu de mettre de la viande autour de l’os, M. Legault s’est livré pendant un an à un exercice de réflexion qui l’a conduit à construire le Projet Saint-Laurent, un ambitieux programme qui propose de tirer profit de la présence d’un cours d’eau majestueux à proximité d’une zone habitée dotée d’un réseau évolué d’établissements postsecondaires et d’entreprises de haute technologie.
Le Québec tire de l’arrière en éducation, en emploi, en revenus par habitant, en productivité… la liste est longue. Pour y remédier, François Legault propose de lancer un chantier gigantesque accordant la priorité à l’éducation et à l’innovation.
Pour attirer chercheurs et entreprises, il veut « fonder la Vallée de l’innovation » en misant sur les zones de haute technologie qui existent déjà et en créant de nouveaux quartiers autour de centres de recherche et d’entreprises innovantes installés sur des terres décontaminées, au coeur des villes qui longent le fleuve. Pour accélérer le mouvement et favoriser la synergie, il souhaite non seulement revoir la panoplie de crédits d’impôt, mais inciter les entreprises à investir le quart de cet argent dans la recherche universitaire.
Si l’idée de décontaminer le fleuve et ses rives peut sembler hors de propos au premier abord, elle l’est moins quand on comprend l’importance que François Legault accorde à la qualité du milieu de vie comme condition pour attirer des chercheurs et des entreprises de haute technologie. Alors qu’on s’attendait à lire un pamphlet au ton hargneux fortement inspiré du courant néoconservateur, nous voilà devant un manifeste positif et interventionniste de construction d’un pays.
D’ailleurs, la plus grande faiblesse de l’ouvrage, c’est de croire que le Québec comme province possède les moyens financiers et les compétences politiques pour réaliser un programme aussi ambitieux. Redéfinir la vocation de la voie maritime, la place du train et l’importance du transport intermodal ; revoir la fiscalité et le financement de la recherche ; adopter des politiques industrielles axées sur l’innovation ; redéfinir la politique d’immigration… cela coûte cher et relève en bonne partie de la compétence du fédéral, qui contrôle plus de la moitié des instruments économiques et qui se moque le plus souvent des ambitions des provinces. Ironiquement, ce Projet Saint-Laurent aurait pu constituer un bon argument en faveur de la création d’un pays s’il avait été présenté à l’époque où François Legault y croyait encore.
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