L’entente intervenue cette semaine après quatre ans de négociations entre le Canada et les 28 pays membres de l’Union européenne n’est pas une panacée. Mais dans un monde où le commerce constitue un des fondements de la paix et de l’amélioration des conditions de vie des peuples, l’établissement de règles de réciprocité claires est toujours préférable au protectionnisme belliqueux.
Le seul élément qui est ressorti avec force de l’entente commerciale confirmée vendredi entre le Canada et l’Union européenne est l’invasion redoutée de notre marché par les fromages d’outre-Atlantique. Loin de minimiser l’impact d’une hausse des quotas de fromages importés, il ne faut pas réduire un accord qui ouvre l’accès à un marché de 500 millions de consommateurs aux seules difficultés de transition appréhendées pour quelques milliers de producteurs laitiers.
Nous aimons notre fromage et les artisans qui le fabriquent, mais une grande partie est le fait d’entreprises de bonne taille, comme Agropur et Saputo, capables de se défendre.
Quant aux producteurs laitiers, ils profitent de quotas de production qui valent des millions et d’un régime de fixation des prix qui les assure de revenus élevés dont les consommateurs et les producteurs de fromage font les frais. En autorisant les pays européens à doubler leurs exportations de fromage à l’abri d’une taxe abusive de 200 %, on crée une petite brèche dans ce système très profitable. Et comme la mesure s’échelonnera sur plusieurs années, qu’elle s’accompagnera de compensations financières de la part de l’État, chacun aura le temps de s’adapter.
D’ailleurs, n’est-il pas ironique d’entendre l’Union des producteurs agricoles se féliciter du rehaussement par l’Europe des quotas d’importation de bétail canadien tout en dénonçant la même mesure appliquée au fromage européen par le Canada ? Ainsi parle le monopole syndical : des deux côtés de la bouche à la fois !
Une autre mesure qui retient l’attention est le prolongement de la durée des brevets pharmaceutiques. Il va de soi que cette concession canadienne nuira aux fabricants de médicaments génériques concentrés en Ontario, mais elle risque surtout de faire grimper les coûts pour les régimes d’assurances publics et privés. Là encore, il faudra qu’Ottawa ouvre son porte-monnaie pour compenser les provinces et les travailleurs assurés qui paient la facture.
En revanche, plusieurs industries, comme l’aluminium, les pièces d’auto, la pêche et les firmes de services-conseils, profiteront de l’élimination des tarifs douaniers. Et plus important, cet accord favorisera la diversification de nos exportations, jusqu’ici concentrées sur les États-Unis.
En somme, évitons de ne voir que l’arbre qui cache la forêt. L’entente de principe doit être peaufinée et ratifiée par tous les pays et toutes les provinces avant d’entrer en vigueur. Compte tenu de son importance, évitons les fleurs du tapis…
Si, il y a vingt ans, le Québec avait choisi de soutenir le textile et la chaussure en imposant des tarifs à l’importation exorbitants au lieu de les éliminer graduellement, non seulement les consommateurs et les contribuables en auraient fait les frais, mais nous aurions quand même dû battre en retraite un jour, sans substitution industrielle possible. En ouvrant nos frontières et en exigeant la réciprocité de nos partenaires, nous posons les conditions de développement d’une économie moderne, technologiquement avancée et plus diversifiée qu’au siècle dernier.
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