Le gouvernement a accepté qu’un sous-ministre adjoint au ministère de la Santé, qui touchait 213 000 $ par an, voie des patients au privé sur ses heures de lunch, a appris Le Journal.

Pendant deux ans et demi, le Dr Louis Couture a maintenu une pratique médicale en marge de son poste de mandarin de l’État québécois. Spécialiste en médecine interne, il réalisait des expertises médicales comme consultant, un service qui n’est pas couvert par le régime d’assurance-maladie.

Nommé en juin 2013 par le gouvernement du Parti québécois, il voyait ses patients «surtout sur l’heure du midi», précise la porte-parole du ministère de la Santé, Noémie Vanheuverzwijn. «C’était en dehors des heures de bureau, sur son temps libre personnel, quelques heures par semaine, insiste-t-elle. Il faisait ça à son compte, il était son propre employeur.»

La Cité Médicale

Joint par courriel, le Dr Couture n’a pas voulu répondre aux questions de notre Bureau parlementaire. Il a quitté son poste de sous-ministre adjoint au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) en décembre dernier pour retourner pratiquer en cabinet à La Cité Médicale de Québec.

La relationniste du ministère de la Santé n’était pas en mesure de dire combien d’heures exactement le Dr Couture consacrait à sa pratique médicale chaque semaine pendant son mandat de sous-ministre adjoint, ni s’il voyait des patients aussi le soir et la fin de semaine. Mme Vanheuverzwijn a assuré qu’il voyait ses patients «à l’extérieur des bureaux du ministère».

Pas de problème éthique

Pourtant, le décret de nomination de Louis Couture stipule qu’il acceptait «d’agir à titre exclusif et à temps plein comme sous-ministre adjoint» pour un traitement annuel de 213 677 $.

Les autorités du MSSS n’y ont pas vu de problème éthique et ont accepté cet accroc aux règles usuelles.

«Considérant que sa pratique était réalisée pendant ses temps libres, à l’extérieur des bureaux du ministère, que ça ne représentait que quelques heures par semaine, mais que ça ne nuisait pas à sa prestation de travail et que ce n’était pas en lien avec son mandat de sous-ministre adjoint, la sous-ministre de l’époque [Lise Verreault] a donné son accord», insiste Mme Vanheuverzwijn.

Puisqu’il a quitté le ministère avant la fin de son mandat de quatre ans, le Dr Louis Couture n’a pas pu toucher l’allocation de transition d’un an de salaire prévue à son contrat.

Un cas « frontière » qui soulève des questions

Un sous-ministre adjoint à la Santé qui voit des patients sur ses heures de lunch soulève des préoccupations.

Claire Joly, de la Ligue des contribuables du Québec, y voit un dangereux précédent. Le décret de nomination du Dr Louis Couture stipule qu’il «accepte d’agir à titre exclusif et à temps plein» comme sous-ministre adjoint au ministère de la Santé. Le gouvernement n’a pas cru bon de préciser publiquement les conditions d’embauche particulières du Dr Couture, déplore Mme Joly.

«On ouvre la porte à l’arbitraire. Quel genre d’exception ou de traitement spécial on donne aux autres sous-ministres? Il faut que ce soit encadré, il faut que ce soit connu, que ce soit clair. Il ne faut pas faire ça à la légère, il ne faut pas faire ça en catimini», plaide-t-elle.

Plutôt rapide

Un cas «dérangeant», selon le député caquiste François Paradis. «Il y a des questionnements légitimes sur l’équilibre de vie et aussi le fait qu’on puisse cumuler deux tâches aussi exigeantes», dit-il.

Le député de Lévis se demande également comment le Dr Louis Couture pouvait quitter le ministère, aller voir des patients et revenir reprendre le boulot en si peu de temps.

Selon Michel Nadeau, de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques, si le sous-ministre adjoint ne consacrait que 10 heures ou moins par semaine à sa pratique médicale parallèle, c’est acceptable.

«Je pense que son devoir d’exclusivité n’est pas altéré, insiste-t-il. Mais c’est un cas frontière.»

Dr Louis Couture, spécialiste en médecine interne

Juin 2013

• Nommé sous-ministre adjoint au ministère de la Santé


• Rémunération annuelle 213 677 $

Décembre 2015

• Il quitte son poste pour retourner pratiquer en cabinet à La Cité Médicale