Québec met fin au «gonflement de notes»: le ministère de l’Éducation n’accordera plus automatiquement la note de passage de 60 % aux élèves qui ont obtenu 58 % ou 59 % aux examens ministériels de fin d’année, a appris Le Journal.
Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, en a fait l’annonce au réseau scolaire dans une lettre envoyée hier.
«La note attribuée à l’élève se doit d’être juste et équitable, qu’elle soit attribuée par l’enseignant ou par le système de correction des épreuves ministérielles.» —Extrait de la lettre du ministre de l’Éducation Jean-François Roberge, envoyée au réseau scolaire
«L’objectif est d’aider les jeunes à obtenir la note de passage et bien plus, pas de gonfler artificiellement les notes lorsqu’ils ne l’atteignent pas», a affirmé M. Roberge lors d’un entretien avec Le Journal.
La controverse entourant la manipulation des résultats scolaires a débuté il y a deux ans (voir plus bas).
À ce moment-là, l’ancien ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, avait défendu le « traitement statistique » en vigueur au ministère de l’Éducation depuis des années, évoquant une «marge d’erreur» justifiée par le «facteur humain» qui y est relié.
Les examens ministériels étant les mêmes pour tous les élèves de la province, leur correction peut légèrement différer selon la personne qui s’en charge, avait-il expliqué en substance.
Selon les chiffres alors rendus publics, seulement 1,6 % de l’ensemble des élèves avait bénéficié de cette mesure, à laquelle s’était opposé M. Roberge, comme député dans l’opposition. «Le traitement statistique, pour moi, c’est de la manipulation ou du gonflement de notes. On ne dit pas la vérité», a-t-il répété.
Un «signal» venu d’en haut
Avec l’abolition du traitement statistique, le ministre Roberge veut maintenant envoyer au réseau scolaire un «signal fort qui part d’en haut». «Ça sera beaucoup plus cohérent lorsque je rappellerai au réseau de respecter le jugement professionnel des enseignants et de ne pas gonfler les notes parce que j’aurai fait la même chose», affirme-t-il.
En 2017, Le Journal avait révélé que plusieurs commissions scolaires accordaient aussi la note de passage à des élèves qui avaient obtenu 58 % ou 59 % aux épreuves locales, malgré une directive ministérielle émise à ce sujet.
Dans certaines commissions scolaires, on avait alors expliqué que cette façon de faire était calquée sur celle du ministère de l’Éducation.
Sanctions à déterminer
M. Roberge «incite» maintenant le réseau scolaire à abolir aussi cette pratique, mais il reste vague sur les sanctions à imposer aux commissions scolaires qui refuseraient de le faire. «On avisera rendus là», a-t-il laissé tomber.
Le ministre ne s’attend pas à ce que cette décision ait un «impact significatif» sur le taux de diplomation.
Il rappelle plutôt qu’il sera toujours possible pour un élève en échec de demander une révision de correction ou de faire un cours d’été afin de «réussir pour de vrai» un examen ministériel.
Une pratique qui ne passe pas
Avril 2017
Lors de l’étude des crédits budgétaires en éducation, le ministre de l’Éducation de l’époque, Sébastien Proulx, est surpris d’apprendre que son ministère accorde automatiquement la note de passage de 60 % à des élèves qui ont obtenu 58 % ou 59 % aux épreuves ministérielles. Les syndicats d’enseignants dénoncent haut et fort cette pratique et affirment que le ministre était même au courant.
Mai 2017
Après que 47 % des enseignants eurent affirmé dans un sondage que des résultats scolaires ont déjà été modifiés sur le bulletin de leurs élèves sans leur consentement, le ministre Proulx envoie une directive aux dirigeants du réseau scolaire pour leur rappeler qu’il est «formellement interdit de modifier des notes».
Juillet 2017
Le Journal rapporte que plusieurs commissions scolaires, tout comme le ministère de l’Éducation, accordent automatiquement la note de passage aux élèves qui obtiennent 58 % ou 59 %, malgré la directive ministérielle émise. Le ministre Proulx les rappelle à l’ordre tout en continuant à justifier cette pratique au sein de son ministère.
Avril 2019
Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, met fin au «traitement statistique» de son ministère. Désormais, les élèves qui obtiennent 58 % ou 59 % à un examen ministériel n’obtiendront plus automatiquement la note de passage. Le ministre «incite» les commissions scolaires à faire de même.