Plusieurs institutions financières, en particulier les maillons faibles des banques européennes, sont prises dans un tourbillon de pressions spéculatives qui intensifient les risques pour le système financier et, par le fait même, pour l’économie mondiale. Entre les États européens qui luttent pour protéger l’intégrité de l’eurozone et un secteur bancaire gravement endommagé par la crise financière mondiale, la situation est propice aux débordements spéculatifs. Ce que les agences de notation et les spéculateurs se sont empressés de faire.
Fitch et Standard and Poor’s, deux des trois membres du cartel des agences de notation, ont abaissé en avril la note du Portugal de trois crans, aggravant la crise politique que traverse le pays. Fitch se dit « inquiète quand aux possibilités pour le pays de bénéficier d’une aide extérieure avant les élections législatives de juin. » Mon œil ! Ce qui les fait agir de la sorte, c’est plutôt la volonté délibérée de mettre les pays les plus fragiles au pied du mur, de façon à qu’ils s’engagent le plus rapidement possible dans des programmes d’austérité et de réformes, avant qu’ils fassent appel en 2013 au nouveau fonds d’aide européen qui sera mis en place : le Mécanisme permanent de stabilité (MES). Pourquoi ? Parce que le MES prévoit qu’une restructuration de la dette pourrait être une condition préalable à l’obtention de l’aide, ce qui ne pourra se faire qu’au détriment des détenteurs privés d’obligations d’État.
La semaine dernière, les agences de notation se sont invités dans l’espace public étatsunien en révisant les perspectives de long terme sur la dette du pays. « Parce que les Etats-Unis ont (…) ce que nous considérons comme des déficits budgétaires très importants et un niveau d’endettement gouvernemental en hausse, et parce que le chemin pour traiter (ces problèmes) n’est pas clair, nous avons révisé notre perspective sur la note à long terme de ‘stable’ à ‘négative’ », précise un communiqué de Standard & Poor’s. Une semaine auparavant, c’est le FMI qui avait noté que « les Etats-Unis se démarquent comme étant la seule grande économie avancée à ne pas avoir l’intention de rééquilibrer [son] budget cette année, alors qu’ils devraient afficher en 2011 le déficit budgétaire le plus élevé du monde » (10,8% du produit intérieur brut). Les analystes de Barclays Capital ont noté que S&P tablait sur l’adoption d’un budget qui permettrait d’économiser 4 000 à 5 000 milliards $ dans les 10 à 12 prochaines années. Or l’agence réclame les premières mesures de ce plan d’ici à deux ans, au risque de plonger les États-Unis, et le reste du monde, dans la récession.
En Irlande, les dégâts causés par l’endettement exagéré des banques continuent de se répercuter sur la population. À l’issue de tests de résistance menés sur quatre grands établissements du pays, on constate qu’il sera nécessaire de rajouter 24 milliards d’euros supplémentaires pour les renflouer. Cela porterait à 70 milliards d’euros la facture totale du renflouement par l’État du secteur bancaire irlandais. Déjà totalement nationalisée, et non incluse dans les nouveaux tests, Anglo Irish Bank a reçu à elle seule 29,3 milliards d’euros pour éviter le naufrage. Mais en plus, elle a annoncé récemment avoir perdu 17,7 milliards d’euros en 2010, un gouffre aux frais des contribuables irlandais. Pourtant, plusieurs autres pistes peuvent être envisagées avant de faire appel à l’argent des contribuables, qui sont les dindons de la farce dans ces affaires : réduire les dividendes versés aux actionnaires des banques, mettre en réserve une plus grande part des bénéfices, ou encore réduire les bilans de manière progressive sur une période prolongée.
En France, à l’instigation de l’eurodéputé vert français Pascal Canfin, une disposition interdisant une forme banalisée mais particulièrement scandaleuse de spéculation contre les États a été voté à la Commission des affaires économiques du Parlement : la « vente à nu à découvert » de CDS (Credit Default Swaps). Comme nous le rappelle ATTAC-France, les CDS sont ces titres qui permettent aux investisseurs de s’assurer contre le défaut d’un État sur sa dette. Mais au pire moment de la crise grecque, le Premier ministre Papandréou accusait les spéculateurs – sur les CDS – d’acheter une assurance sur la maison de leur voisin et d’y mettre le feu pour toucher la prime. En effet, les banques et les fonds spéculatifs achètent des CDS grecs, sans posséder d’obligations de l’État grec, faisant grimper leur valeur, comme si la Grèce s’approchait de la faillite, et provoquent la flambée des taux d’intérêt sur la dette grecque, du fait de l’inquiétude croissante des investisseurs.
Or, que constatons-nous en Grèce, malgré des mesures sans précédents de coupure dans les dépenses publiques : le déficit public de la Grèce a atteint 10,5% du PIB et la dette est montée à 142,8%. Ce pourrissement de la situation découle directement de la récession provoquée par les politiques d’austérité qui ont affecté à la baisse les rentrées fiscales et les cotisations sociales.
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