Falardeau est mort, vive Falardeau!

Pierre Falardeau : 1946-2009

Les oraisons funèbres ne sont pas mon fort. La facilité avec laquelle n’importe quel hypocrite venu peut sécréter des larmes d’attendrissement sur un mort, qu’il se met à aimer précisément parce qu’il a cessé de vivre, m’a toujours écoeuré. Préparez-vous, vous en entendrez jusqu’à plus soif de ces Tartuffe à propos du décès de Falardeau. Oh, ça n’ira pas sans mentionner au tournant, manière de paraître objectif, ses écarts de langage, tout en insistant sur la générosité profonde qu’il cachait sous ses chapelets de jurons et ses provocations.
Ben justement, ce qu’on nommait ses écarts de langage n’en étaient pas. Falardeau utilisait un registre vulgaire lorsqu’il dénonçait une faune dont le poli de surface masquait, aux yeux des petits-bourgeois formatés par la doxa, les crimes politiques, économiques et sociaux et culturels auxquels elle participait. Bref, il traitait le vulgaire par la vulgarité. Il faisait publiquement ce que la plupart d’entre nous pratiquons privément. Évidemment, une société n’est pas possible si ce registre devient le seul usité sur l’Agora, mais ses contempteurs oublient qu’une retenue trop souvent et trop longtemps corsetée risque de susciter à la longue des débordements bien plus dommageables que quelques cris du coeur bien sentis.
Ce qui choquait tellement les bonnes âmes, je crois, ne résidait pas dans les gros mots de Falardeau mais dans la mise à nu des vérités qu’il assénait, consentant aux scandalisés la seule possibilité de faire semblant qu’il ne parlait pas d’eux. Si seulement il s’était limité à son seul rôle de voyou du langage, ces bonnes gens vaccinés contre leur conscience auraient pu tout simplement faire mine de l’ignorer ou de se pincer le nez, mais il devient bien gênant, à la longue, de se convaincre, et de convaincre, qu’un artiste, un cinéaste, un patriote de sa trempe et de sa sensibilité gouailleuse et intègre n’a pas pesé ses injures avec autant de soin et de véridicité qu’il a poli son oeuvre.
Dans ta vie d'après la vie, Falardeau, tu auras tout le loisir de te taper sur les cuisses en entendant les oraisons qu’on va débiter à compter d’aujourd’hui. Enfin, on va connaître la plume et le visage des véritables Elvis Gratton, inconscients de l’être mais par là plus vrais que nature, qui t’ont servi de modèles.
Bon voyage, sacripant! Au plaisir d’aller sacrer avec toi un jour qui n’est pas si loin.


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    26 septembre 2009

    Je n'ai jamais été en désaccord avec Falardeau. Au fait j'ai toujours été d'accord.
    Son départ m'attriste. Pierre Falardeau était un vrai et il mérite son repos.
    Adieu monsieur.

  • Archives de Vigile Répondre

    26 septembre 2009

    Pour les petits becs pincés...
    Peut-être que vous n’appréciiez pas le bonhomme – si vous ne vous êtes jamais arrêté à le lire ou à l’écouter – Le Québec perd un chêne. Pour moi, Falardeau était un de ces Québécois qui possédait l’instruction pour s’exprimer très correctement et écrire d’une belle plume mais, si on “l’emmerdait” à force d’être bouché, il pouvait faire basculer les mots, les virer à l’envers, leur taper sur la doublure et là, ce qui en ressortait, c’était bien de votre faute, vous n’aviez qu’à comprendre, marde ! La parlure québécoise est ce qu’elle est : belle, savoureuse et blasphématoire...

  • Archives de Vigile Répondre

    26 septembre 2009

    Salut Falardeau!
    Tu fus de la même trempe que les Bourgault, les Lévesque, les Godin, les Laurin.
    Oui monsieur Poulin, il y a des jours où il faut en dire des crisses et des tabarnacs lorsque ça dort trop au gaz autour de nous!
    Les hypocrites mettront l'accent sur sa langue colorée plutôt que sur leur grande crosse érigée en système. Je pense à Lise Thibault qui trouvait probablement Falardeau, tellement vulgaire. Je lui souhaite à cette enmerdeuse, de partager la même cellule que Vincent Lacroix.
    Vive le Québec libre! Le mépris n'aura qu'un temps!

  • Archives de Vigile Répondre

    26 septembre 2009

    Falardeau aura défini l'homme colonisé québécois comme aucun autre artiste, intello ou politicien au Québec. Elvis Gratton, l'archétype du colonisé, est déjà passé à l'histoire.
    Adieu vieux frère.

  • Archives de Vigile Répondre

    26 septembre 2009

    Le temps des bouffons
    Bonjour M.Poulin
    De Pierre falardeau, je retiens ce film pampléthaire que je me suis procuré à 5$ la copie dans une petite librairie de la rue St-Denis, suite à son lancement improvisé à la radio de l'époque. Le faisant circulé parmi mes connaissances, les commentaires suscités allaient d'excellants à médiocres selon la classe sociale des individus mais ne laissaient personne indifférents, je peux vous l'assurer.
    Je mets Radio-Canada au défi de faire passer Le temps des bouffons à une heure de grande écoute, les appels à la censure ne dérougiront pas.
    Adieu Monsieur Falardeau.