PL 21 : Le moindre que nous puissions faire, c’est la cohérence!
Imaginons le scénario suivant : dans une école primaire, un administrateur se voit dans l’obligation de demander à un enseignant qui porte une croix catholique de bonne taille de l’enlever. Projet de loi 21 oblige. L’école doit être laïque!
Le professeur s’y soumet et entre enseigner dans sa classe. En se tournant vers le tableau, qu’est-ce qui trône tout juste en haut, comme dans tant de classes au Québec?
Un gros crucifix.
Come on!
Car c’est bien cela qu’entend faire le gouvernement de François Legault : les écoles et les hôpitaux pourront garder leurs crucifix. Un objet patrimonial se défend-on. Pour justifier pareille incohérence.
Pourtant, la même logique devrait s’appliquer que dans le cas du crucifix de l’Assemblée nationale; comment défendre le fait que des députés siégeant dans une Assemblée laïque le fassent à l’aune du crucifix? Mieux vaut le retirer. Et le replacer ailleurs que dans l’enceinte où l’on vote les lois d’une nation qui a choisi la laïcité institutionnelle.
Ce qui ne veut pas dire que nous effacions notre patrimoine historique, loin de là. À nous de l’afficher, de le mettre en valeur, de l’enseigner, de le rappeler ailleurs que là où l’on demande à ceux et celles qui travaillent au sein de nos institutions où la loi s’applique de ranger, pour le seul temps de leurs heures de travail, kippa, croix, voile, turban, etc.
J’abonde dans le même sens que le sociologue Guy Rocher :
« Les crucifix pourront rester dans les écoles et des hôpitaux, contrairement à ceux qui ornent les murs des palais de justice, a décidé l’équipe de François Legault. Un « manque de cohérence », selon le sociologue Guy Rocher.
« Comme on demande aux personnes de ne plus porter de signes ostentatoires, c’est bien le moins qu’on demande à l’école elle-même, qui est publique et laïque — à l’immeuble lui-même —, de ne plus porter de signes ostentatoires ».
C’est vrai que l’on a retiré pas mal de crucifix des salles de classe lorsque l’on a procédé à la déconfessionnalisation de notre système scolaire il y a cinquante ans. Toutefois, pour le moment, le gouvernement s’en remet à la direction des écoles ou des paliers de gouvernance inférieurs. Il y a un manque de courage ici. Et de cohérence.
Les écoles, les hôpitaux, les palais de justice, les salles de conseil municipal, tous des endroits qui devraient être à l’intérieur de la portée de cette loi. Sans nuances, sans exception. Devoir de cohérence.
Pourquoi l’hésitation?
Le gouvernement Legault est bien au fait qu’il subsiste une part des Québécois qui sont encore attachés au patrimoine religieux. Certains par religiosité, d’autres par souci de préservation du patrimoine historique par exemple.
Soit, j’en suis, à condition de le faire en dehors des institutions.
L’angle mort de cette décision est tout autre; et éminemment politique. On a souvent accusé les libéraux de protéger leur électorat captif, la CAQ n’est pas exempte de la même critique.
Aller trop loin, dégommer d’un coup tous les crucifix de la province au sein des institutions, voilà qui risquerait de choquer pas mal d’électeurs, souvent plus conservateurs, qui ont appuyé la CAQ. N’en doutons pas.
Sinon comment expliquer que le gouvernement sculpte-t-il les contours de sa loi sur la laïcité afin qu’elle n’embête le moins possible des institutions plus « catholiques »?
Pourquoi exclure les écoles confessionnelles privées (mais largement subventionnées par l’État) de la loi? Je dis ça de même, 77% de ces écoles sont catholiques.
Allons, un petit effort de cohérence! Établissons un échéancier réaliste pour « laïciser » nos institutions, retirer le patrimoine religieux, évitons le piège de la «catho-laïcité».
Nous le devons à celles et ceux à qui nous demanderons de respecter la loi, de faire honneur à la volonté de la majorité des Québécoises et des Québécois, de toutes confessions et origines, qui ont appuyé cette loi.