Certaines personnes s’interrogent ici sur l’opportunité de donner suite à la proposition que je faisais la semaine dernière de frapper fort et de profiter de la légitimité perdue du gouvernement Charest pour le placer dans une situation où il n’aurait plus d’autre choix que de démissionner et de déclencher des élections générales.
On prétend que « l’État en sortirait affaibli », comme si M. Charest n’avait pas déjà tout fait en son pouvoir depuis sept ans pour réduire l’État du Québec au stade de légume. Il est particulièrement ironique que cette question soit soulevée justement à l’occasion du septième anniversaire de Jean Charest à la tête du Gouvernement du Québec. La liste de ses démissions, qui n’est plus à faire, n’en prend que plus de relief.
Ce qu’on oublie, c’est qu’un gouvernement illégitime creuse lui-même sa tombe. S’il devait tomber dedans tête la première (c’est le cas de le dire), ce n’est pas parce que l’Opposition aurait comploté pour le renverser, mais bien plus simplement parce qu’il aurait perdu l’autorité morale de gouverner.
Déjà, alors que la trêve de la fin de semaine n’est même pas terminée, on observe des signes de la poursuite du lézardage de cette autorité. La ministre de la Justice, après avoir reconnu publiquement qu’elle avait discuté des nominations de juges avec Jean Charest, a quitté la réunion du conseil général du Parti pour ne pas s’y représenter. Et les images retransmises de cet événement en disaient long sur le sentiment des participants.
En fait, Jean Charest était probablement le seul à ne pas voir, ou à refuser de croire, qu’on était en train d’y célébrer ses funérailles politiques, car si l’on peut désormais tenir pour acquis que son chien est mort au Québec, on croyait encore jusqu’à tout récemment qu’il pourrait facilement se « recycler » au fédéral. Il faut comprendre qu’un départ dans les circonstances qui s’annoncent sonnerait le glas de toute ambition politique qui pourrait lui rester dans quelque arène que ce soit.
Pour justifier un report de l’échéance pourtant inéluctable, on évoque l’image des républiques bananières d’Amérique du Sud, sans réaliser que ce genre d’argument est justement celui que nous reprochions à nos adversaires fédéralistes d’utiliser contre nous, il y a peu, pour convaincre la population de maintenir le statu quo.
On suggère de laisser Charest boire le calice jusqu’à la lie, sans réaliser que c’est toute la population du Québec qu’on se trouverait à condamner au même supplice si l’on ne faisait rien pour l’amener à partir.
On oublie que le dernier budget n’a pas encore été adopté, et qu’on pourrait éviter qu’il le soit, pour présenter après une élection générale un budget plus équitable dans le meilleur intérêt de tous les Québécois.
On oublie que le Québec vit sous la règle des accommodements raisonnables alors qu’un gouvernement plus soucieux de notre avenir collectif pourrait, même dans un cadre provincial, utiliser la clause dérogatoire pour lever cette hypothèque.
On oublie que des exploiteurs véreux se garnissent les poches sur le dos de toute la population du Québec alors qu’il faudrait sans délai les confondre au grand jour dans le cadre d’une commission d’enquête publique où seraient exposés les liens entre le pouvoir politique, l’industrie de la construction et le crime organisé.
On oublie que cette odeur de corruption mine l’image du Québec et la crédibilité de ses institutions.
On prétend que le départ de Charest maintenant plongerait le Québec dans l’instabilité, et qu’un éventuel remplaçant, homme ou femme, pourrait être plus difficile à déloger.
On oublie que la première tâche de tout remplaçant de Charest serait de nettoyer les écuries d’Augias, et qu’il serait difficile de le faire sans condamner le PLQ à des décennies de purgatoire, voire même à sa disparition, comme ce fut le cas pour son grand frère fédéral à la suite de la Commission Gomery.
Alors, devant un bilan si désolant, qui mine le Québec jusque dans ses fondements et les Québécois jusque dans leur âme, qu’y a-t-il de si important qui puisse justifier de reporter une échéance devenue de toute façon inéluctable ?
À qui va profiter ce crime ? Car ce serait bien d’un crime qu’il s’agirait, comme lorsqu’on se sauve des lieux d’un accident pour éviter de prêter assistance à des blessés graves sous prétexte d’engagements personnels.
C’est le genre de question auxquelles je souhaiterais pour ma part ne jamais être confronté, et les partisans de Mme Marois lui rendent un bien mauvais service en créant les conditions pour qu’on puisse les soulever à son égard. Ils se trouvent à accréditer les pires soupçons à son endroit, et pour ma part, je crois qu’elle mérite un meilleur sort.
Aujourd’hui, les intérêts supérieurs du Québec exigent la démission du gouvernement Charest le plus rapidement possible. On ne laisse pas d’allumettes entre les mains d’un pyromane. Que cela se trouve à bousculer les plans des uns et des autres, c’est sans doute regrettable, mais c’est de très loin le moindre de plusieurs maux.
Pauline Marois : « Crise de « légitimité » sans précédent »
Et les intérêts supérieurs du Québec ?
Un gouvernement illégitime tombe de lui-même, comme un fruit pourri
Chronique de Richard Le Hir
Richard Le Hir673 articles
Avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95)
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7 commentaires
Archives de Vigile Répondre
19 avril 2010Monsieur Le Hir
Dans les prochains jours, nous allons pouvoir vraiment vérifier ce que le PQ et le Bloc ont dans les tripes sur la question de l'indépendance du Québec. Si les dirigeants de ces 2 partis ne font pas de tournée à travers le Québec, dans les prochains jours, pour tenter de convaincre et vendre l'indépendance aux Québécois et tout mettre en marche pour se débarrasser du gouvernement corrompu de John James Charest (fils de Red) de Westmount, nous aurons alors la preuve que ces deux partis ne sont vraiment pas pour l'indépendance du Québec mais pour l'amélioration du fonctionnement de la fédération canadienne, un statu quo mieux présentable pour le Québec. Il est préférable que nous connaissions tout de suite leurs véritables intentions sur cette question avant que les prochaines élections provinciales soient déclenchées puisque le peuple aura l'occasion de s'organiser pour mieux planifier son avenir. Il m'a fait plaisir.
André Gignac le 19/4/10
Archives de Vigile Répondre
19 avril 2010Bonjour, M.Le Hir,
Votre texte est clair et sans ambiguïté, comme tous ceux que vous avez offerts précédemment aux lecteurs de Vigile.
N'est-ce pas le temps propice pour guider les Québécois vers l'indépendance et la liberté?
Mme Pauline Marois et M. Gilles Duceppe doivent se concerter immédiatement, avec les députés que nous avons élus à Québec comme à Ottawa, pour faire campagne dans toutes les villes, tous les villages du Québec, pour rétablir la démocratie et redonner enfin à notre Peuple sa fierté et sa patrie.
En marche, tous ensemble, pour s'affranchir de la domination anglo-saxonne.
Lawrence Tremblay.
Archives de Vigile Répondre
19 avril 2010Où est le scandale?
[ « Revenons à l'essentiel. Parmi les juges nommés par le gouvernement Charest, se trouve-t-il des incompétents notoires? Des candidats de moindre qualité ont-ils été privilégiés en raison de leurs accointances libérales ou des pressions des collecteurs de fonds du PLQ? Jusqu'à maintenant, personne n'a fait ne serait-ce qu'un début de démonstration en ce sens.»]
André Pratte,La Presse,19 avril
Archives de Vigile Répondre
19 avril 2010@ Richard Le Hir et Jean Claude Pomerleau
Pas de doute dans ma tète, Le gouvernement de Jean Charest doit tomber le plus rapidement possible. Toutefois je pose la question suivante:
Est ce que les souverainistes peuvent capitaliser le plus possible d'une situation politique sans précédente??
L'occasion est rêvée. La chute de l'empire québécois des libéraux et des intérêts de Paul Desmarais au Québec sont à un cheveu de tomber et pour très longtemps. Un Gomery 2 serait la situation idéal pour mettre la table à un référendum gagnant. Le temps n'est pas à faire des erreurs tactiques et stratégiques.
L'idée de M. Pomerleau de retourner l'odieux de la responsabilité de maintenir le gouvernement libéral en place aux députés libéraux d'arrière banc est très bonne comme 1er étape.
Une motion de censure à 2 volets piégeant ces derniers à soutenir: 1er volet: la corruption libéral et avec un 2e volet sur la démission du gouvernement actuel, serait un gain politique important.
Par la suite , la tactique de M. Le hir sur le boycott des partis d'oppositions des travaux à l'assemblée nationale pourrait être utilisé. Toutefois le seul bémol que je mets à cette tactique c'est la politique de la chaise vide...est toujours risquée dans la perception du publique. Cette tactique peut être mise de l'avant si et seulement si, la population approuve ( dans un sondage) cette tactique.
Le temps est contre Charest et son gouvernement. Chaque jour amènera un nouveau détail sur la corruption libérale et de son maitre à penser..Paul Desmarais.
Souverainistes, il est temps de faire preuve de discipline et de rigueur.
NOUS ne pouvons pas faire d'erreurs tactiques.
Les conditions gagnantes sont à porter de main... À nous de cueillir un fruit mature...
@ Richard Le Hir Répondre
19 avril 2010Réponse à JC Pomerleau
Ce n'est pas le boycott qui va faire tomber le gouvernement, c'est la réaction que va causer ce boycott dans la population et dans les médias. Pour ce qui est de la population, on connaît déjà son sentiment par les sondages. Mais comme il s'agirait aussi d'un geste très spectaculaire, il susciterait une attention médiatique sans précédent. Pas seulement au Québec. Définitivement dans le reste du Canada, très marginalement aux États-Unis, et un peu en Europe où le Québec compte des amis et des alliés. C'est l'attention générale projetée sur le gouvernement Charest qui finirait par devenir insupportable et l'amènerait à démissionner.
Quant à espérer que certains députés libéraux se désolidarisent du gouvernement, il ne faut pas y compter. Ce n'est tout simplement pas dans la culture des Libéraux. Il faut savoir que les élus Libéraux sont largement tributaires des réseaux du PLQ pour se recaser une fois leur aventure politique terminée. S'ils manquent à la loyauté due non pas tant au chef qu'au parti, ils sont finis.
Richard Le Hir
Archives de Vigile Répondre
19 avril 2010L'idée apporté par monsieur Pomerleau pourrait constituer une tactique visant à compromettre les députés libéraux d'arrière-banc à l'égard soit des intérêts supérieurs de la nation québécoise, soit de leurs intérêts propres.
Si le résultat d'une telle initiative résultait en un échec à cause des députés libéraux ayant choisit de protéger leurs intérêts propres, alors les députés de l'Opposition d'un seul bloc quitteraient le Parlement en sommant de Gouvernement de remettre sa démission au lieutenant-gouverneur: ce serait l'unique façon de mettre un terme à la crise parlementaire ainsi provoqué par cette chaîne d'événements.
En fait monsieur Pomerleau propose une excellente idée, mais non comme une alternative, mais plutôt comme un prélude à l'idée de monsieur Le Hir.
Archives de Vigile Répondre
19 avril 2010M Le Hir,
À partir de votre expérience, pensez vous que le boycott de l'Assemblée Nationale par tous les députés d'oppositions suffirait à faire automatiquement tombé le gouvernement Charest ?
Si non. Est-ce qu'une autre approche pourrait être envisagé le plus tôt possible. Celle de réunir tous les voix de l'opposition pour faire une demande solennelle aux députéx libéraux (arrière banc), les appelant à voter une motion de censure contre leur parti au nom de l'intérêt supérieur du Québec.
Ils auraient à choisir entre le bien commun et celui des réseaux libéraux; et devraient vivre avec leurs choix par la suite. Car il y a une vie après la politique.
Qu'en pensez vous ?
JCPomerleau