L'ancien premier ministre du Canada Paul Martin jure qu'il n'a jamais été informé il y a 10 ans de l'existence de deux enquêtes sur un système de collusion à Laval impliquant le maire Gilles Vaillancourt et l'entrepreneur Tony Accuso.
La commission Charbonneau a révélé mercredi qu'à l'instar de la Sûreté du Québec (SQ), le Bureau de la concurrence du Canada (BCC) avait aussi ouvert une enquête sur le stratagème de trucage de contrats à Laval au début des années 2000. Les deux enquêtes ont cependant avorté et le système de collusion a pu perdurer durant près d'une décennie.
Une note de service de la SQ déposée à la Commission mercredi indique que le procureur fédéral attitré à l'enquête du Bureau de la concurrence du Canada (BCC) sur Laval a décidé, en 2003, d'alerter ses supérieurs vu «l'impact politique et médiatique du dossier».
«Considérant que Paul Martin a laissé entendre qu'il entendait offrir un poste à Gilles Vaillancourt, ils soumettront la situation au sous-ministre de la Justice fédérale afin qu'il soit au courant et qu'il donne son opinion», dit la note déposée en preuve dans le cadre d'un témoignage d'un ancien patron du BCC.
Par la voix de sa porte-parole, Lucie Santoro, Paul Martin a indiqué qu'il n'avait jamais pressenti Vaillancourt pour un poste politique ou comme candidat au sein de son équipe. M. Martin, qui est actuellement en Europe, dit qu'il a appris l'affaire mercredi en prenant connaissance de la note de la SQ diffusée à la Commission.
Écoute électronique illégale
Au Canada, une personne peut seulement être poursuivie pour collusion en vertu de la Loi sur la concurrence, dont l'application relève exclusivement du Bureau de la concurrence. C'est pour cette raison que la SQ avait partagé une vidéocassette incriminante avec le BCC qui contenait des preuves de collusion.
À l'origine, la vidéocassette avait été transmise à Info-Crime de manière anonyme. Cette preuve a donc été considérée comme de l'écoute électronique illégale. Le BCC aurait tenté de valider le contenu de la vidéo auprès d'une dizaine de témoins, sans succès. Deux mois plus tard, le dossier était fermé. Entre-temps, le ministère fédéral de la Justice aurait été informé des enquêtes, selon la SQ. Les intentions du procureur du BCC, Me Roch Dupont, et de ses «supérieurs» d'aviser le sous-ministre ont été notées au dossier policier le 1er décembre 2003.
Douze jours plus tard, Paul Martin est devenu premier ministre du Canada avec le départ de la politique de Jean Chrétien. M. Martin travaillait alors à former son cabinet et à mettre en place les préparatifs pour les élections à venir. Des rumeurs circulaient à propos d'une éventuelle candidature de Gilles Vaillancourt.
En décembre 2003, c'est Martin Cauchon qui était le ministre de la Justice. «Je n'ai jamais, avec un grand J, été briefé là-dessus», a-t-il déclaré hier en entrevue avec La Presse.
Après l'arrivée de Paul Martin, M. Cauchon a été rapidement remplacé par Irwin Cotler, qui a refusé de nous accorder une entrevue.
Morris Rosenberg était quant à lui sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, de 1998 à 2004. Il est aujourd'hui PDG de la Fondation Trudeau. Ce dernier n'a pas rappelé La Presse ni répondu à notre courriel. Impossible de savoir, pour l'instant, si le message s'est bel et bien rendu à son niveau.
Selon les informations recueillies auprès d'une source policière, la SQ a été irritée par le «geste politique» du BCC. Le corps de police n'avait toutefois aucun contrôle sur le transfert d'informations.
- Avec Kathleen Lévesque
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