Si l'intérêt des Québécois pour la commission Charbonneau (CEIC) tend à s'essouffler, ils restent tout de même sur leur faim sur un point: plus de 73% de la population auraient souhaité qu'elle convoque à la barre Jean Charest, Pauline Marois et l'ancien collecteur de fonds libéral, Marc Bibeau, révèle un sondage CROP réalisé pour le compte de La Presse.
«Je pense que la population estime qu'on a fait le tour du jardin, sauf pour le haut de la pyramide, a expliqué Youri Rivest, vice-président chez CROP. Les gens se demandent pourquoi on a entendu tous les gens qui ont reçu des ordres, mais pas ceux qui les donnaient. C'est comme si c'était la pièce du puzzle qui manque pour pouvoir se faire une idée globale.»
Selon le sondage CROP réalisé pour La Presse auprès de 1000 répondants, 81% de la population aurait aimé entendre Jean Charest. Cette proportion reste exactement la même au sein de l'électorat libéral. Les gens qui ont l'intention de voter pour le PQ ou la CAQ aux prochaines élections sont légèrement plus nombreux à vouloir entendre l'ancien premier ministre libéral, à 87% dans les deux cas.
Les électeurs libéraux se rangent aussi du côté de l'ensemble de la population en ce qui a trait à la comparution de l'ancien grand argentier du PLQ, Marc Bibeau: 75% sont favorables à son témoignage, contre 76% des Québécois.
Quant à l'ancienne première ministre Pauline Marois, 73% de la population aurait aimé l'entendre témoigner. Seulement 59% des répondants qui ont l'intention de voter pour le PQ auraient aimé la voir témoigner, contre 82% des électeurs libéraux et 78% des électeurs caquistes.
En juin 2013, l'intérêt à l'égard de la Commission était de 43%, contre 37% aujourd'hui.
Suffisamment de témoins?
Ce sondage a été réalisé du 17 au 22 septembre, soit après l'audition du 189e «témoin de fait». Essentiellement, les témoins de fait étaient des acteurs ayant pris part à des stratagèmes de collusion, de corruption ou de financement politique occulte ou des personnes en mesure d'éclairer la Commission à ce sujet.
Les audiences publiques sont toutefois toujours en cours et se poursuivront environ pour cinq semaines, selon nos informations. La Commission est actuellement dans une phase où elle examine les faiblesses dans les lois et règlements du Québec. Depuis deux semaines, elle entend à cet effet les représentants de différents organismes réglementaires.
Quelque 58% des répondants au sondage CROP-La Presse estiment que la Commission a entendu suffisamment de témoins.
C'est aussi l'avis de la Commission, qui a refusé de réagir au sondage.
Avant de conclure la phase des témoins de fait, la procureure en chef, Me Sonia Lebel a toutefois souligné que la Commission était «libre et indépendante» de toutes influences extérieures et qu'elle ne faisait «le procès de personne».
«La Commission a pour but d'enquêter et d'exposer les stratagèmes de collusion et de corruption dans l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, les liens avec le financement des partis politiques, ainsi que les questions d'infiltration du crime organisé dans l'industrie, avait-elle déclaré dans une brève allocution. Depuis le début des travaux, nous avons poursuivi l'objectif de mettre en lumière des stratagèmes en lien avec notre mandat, seul guide de la Commission. Nous croyons, compte tenu de la durée du mandat, avoir mis en preuve suffisamment d'éléments pour permettre de bien couvrir chacun de ces volets.»
Jean Charest et Pauline Marois n'ont pas voulu réagir aux résultats de notre sondage.
Pas une opinion positive d'Accurso
Même s'il était souriant et à l'aise, l'ancien roi de la construction, Tony Accurso, ne semble pas avoir gagné le coeur des Québécois lors de son témoignage devant la commission Charbonneau. Pas moins de 52% de la population dit avoir suivi son témoignage, mais seulement 3% ont une opinion positive de l'ancien entrepreneur. Le tiers des gens sondés a une opinion négative d'Accurso et 30% des répondants ont une opinion neutre.
«Le résultat est clair, affirme Youri Rivest, vice-président chez CROP. Il n'a pas réussi à attirer la sympathie avec son témoignage. Personne n'a conclu qu'il avait été victime d'un système. On le voit plutôt comme un acteur.»
Devant la Commission, Tony Accurso a déclaré avoir fait un chèque de 250 000$ à un intermédiaire pour éponger la dette électorale de Jacques Duchesneau lorsqu'il s'est présenté à la mairie de Montréal en 1998. Il n'a cependant pas été en mesure d'étayer cette allégation avec des preuves. Duchesneau, ancien chef de la police de Montréal, a nié catégoriquement.
Qui croyez-vous dans cette histoire? a-t-on demandé dans le sondage. Les réponses sont partagées: 17% ont répondu Accurso, 17% Duchesneau et 45%... ni l'un ni l'autre. «C'est comme s'il n'y avait plus de bons ou de méchants, juste des acteurs dans un système. En ce sens, je pense que la Commission a contribué au cynisme de la population qui se dit: ils sont tous pareils.»
EN CHIFFRES
1. Profil type du mordu de la Commission
Homme, travailleur à temps plein ou retraité, âgé de 55 ans et plus, scolarisé
2. Avez-vous suivi les travaux de la commission Charbonneau?
> Beaucoup 9% > Assez 28%
> Un peu 50% > Pas du tout 14%
3. Opinion sur la comparution de différentes personnalités devant la commission Charbonneau
L'ex-première ministre Pauline Marois
> Très favorable 46% > Plutôt favorable 27%
> Plutôt défavorable 12% > Très favorable 9%
> Je ne sais pas 6%
L'ex-premier ministre Jean Charest
> Très favorable 59% > Plutôt favorable 21%
> Plutôt défavorable 6% > Très favorable 8%
> Je ne sais pas 5%
Le collecteur de fonds du PLQ Marc Bibeau
> Très favorable 53% > Plutôt favorable 23%
> Plutôt défavorable 7% > Très favorable 5%
> Je ne sais pas 12%
Méthodologie: le sondage CROP-La Presse a été réalisé auprès de 1000 internautes, du 17 au 22 septembre 2014.
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