Le PQ va cacher ce qui lui nuit: sa chef, sa cause et sa raison d'être.

Encore une stratégie de perdants...

les humains finissent toujours par réagir aux événements qui nuisent à leurs intérêts vitaux

Chronique de Jean-Jacques Nantel

Le fait que le PQ veuille redorer son blason en faisant une campagne publicitaire qui ne mentionnera ni la cause souverainiste ni sa chef est la preuve que Pauline Marois n’a pas à porter tout le blâme de la glissade apparemment sans fin de son parti dans les intentions de vote.
Le PQ, il faut bien l’admettre, a mal vieilli. Cela tient au fait que, psychologiquement, la majeure partie de ses dirigeants proviennent d’un autre siècle, voire d’un autre millénaire, et qu’ils sont arrivés au terme d’un long processus de dégénérescence qui les a amenés à singer sans cesse davantage leurs adversaires libéraux. Ce faisant, ils ont simplement obéi au principe de convergence qui, dans toutes les démocraties, amène les partis politiques à modifier peu à peu leurs discours et leurs programmes pour tenter de plaire aux électeurs situés au centre de l’échiquier politique.
Au Québec, ce processus de convergence s’est brutalement enrayé, du moins du côté fédéraliste, quand, en 1995, l’appui populaire à la souveraineté a atteint le chiffre fatidique de 50%. Choqués par ce résultat inattendu, les fédéralistes se sont alors raidis et ont décidé de ne plus chercher à plaire aux nationalistes; ce qui a marqué la fin de la stratégie des demandes minimales, des négociations constitutionnelles et des promesses de fédéralisme renouvelé. Voyant que le PQ s’était toujours refusé à soutenir la natalité, ils décidèrent d’en profiter et mirent au point un plan visant à affaiblir systématiquement le Québec, notamment en le noyant sous des flots inassimilables d’immigrants.
Voyant le centre de l’échiquier politique s’éloigner de lui à vitesse grand V, la direction du PQ s’est aussitôt lancée à sa poursuite et a mis les bouchées doubles pour diluer son discours, son programme et son projet de société dans le sens indiqué par ses adversaires. Dans le processus, elle a repris à son compte plusieurs de leurs arguments de propagande. Ainsi, elle s’est mise à qualifier de radicaux et d’extrémistes non seulement ceux qui désiraient faire une promotion honnête du projet souverainiste, mais aussi ceux qui proposaient les plus modestes mesures pour stopper le déclin du français. Quant aux citoyens qui exigeaient du parti qu’il promette un référendum après sa prise du pouvoir, on se mit à les qualifier de façon un peu ironique de ¨pressés¨. (Deux référendums en quarante-cinq ans, n’est-ce pas un rythme tout à fait essoufflant?)
Allant de compromission en compromission, les dirigeants du parti en sont finalement arrivés à la conclusion que la souveraineté n’était pas une solution aux problèmes du Québec, mais un lourd boulet à traîner, un handicap électoralement nuisible qu’il fallait absolument neutraliser si on voulait attirer le vote des indécis. Au lieu de bâtir sur le 50% obtenu en 1995, le parti a donc veillé à ne plus faire croître les appuis à la souveraineté en laissant passer toutes les occasions qui s’offraient de montrer à la population les vols et les injustices commis par le Canada anglais. Pour ne pas s’aliéner l’électorat captif représenté par les souverainistes, ses chefs leur ont laissé entendre qu’il fallait éviter de faire quoi que ce soit en attendant l’apparition miraculeuse des fameuses conditions gagnantes. En quelque sorte, la ¨main de Dieu¨ allait pourvoir à tout.
Songeant uniquement à leur avenir personnel, les actuels dirigeants du parti calculent froidement qu’ils pourront s’emparer une dernière fois du pouvoir en se laissant porter par l’ultime vague mourante d’un peuple québécois qu’ils ont bien l’intention de laisser décliner sans réagir. On reconnaît ici la pitoyable mentalité de profiteurs qui amène certains baby-boomers à déclarer qu’ils ont le temps de vivre une longue retraite dorée et de mourir avant que ne surviennent les catastrophes dont ils sont en grande partie responsables.
La stratégie bassement électoraliste du PQ a récemment mené à l’invention du concept de gouvernance souverainiste, cette théorie de gouvernement provincialiste dont le seul élément totalement inamovible est le report à la semaine des quatre jeudis d’un troisième référendum. Pour se donner l’illusion d’être des idéologues à la mode (d’être yéyés), nos chefs issus des années soixante-dix nous présentent dorénavant comme un grand changement de paradigme l’idée qu’avant de réaliser la souveraineté, il faudra d’abord renforcer l’État en reprenant les vieilles tactiques employées lors de la révolution tranquille. On cherche en vain ce qu’un tel concept a de révolutionnaire puisque le rôle de tous les gouvernants du monde et ce, depuis la préhistoire, a toujours été de travailler au renforcement de l’État dont ils avaient la charge. Signalons que jamais les vrais révolutionnaires - ceux des États-Unis, de France, de Russie ou d’ailleurs - n’ont attendu pendant seize ans l’apparition de conditions gagnantes ou le renforcement de leur État avant de passer à l’action.
De toute façon, l’idée qu’on ne pourra réaliser la souveraineté qu’après avoir réparé les dégâts causés volontairement par le gouvernement Charest donne raison à ce dernier puisque c’est précisément pour retarder notre libération qu’il travaille aussi fort à affaiblir notre État. Par ailleurs, comme le PQ au pouvoir sera submergé par les inextricables problèmes dont il aura hérité, il aura beau jeu de se présenter comme le gouvernement de tous les Québécois et d’affirmer qu’il a d’autres chats à fouetter que de faire la promotion de ce qu’il appelle de façon un peu dérisoire ¨son option¨.
Cette stratégie d’abandon, qui est parfaitement évidente pour une population intelligente et instruite comme celle du Québec, explique l’apathie actuelle du camp indépendantiste. Voyant que leurs leaders veulent profiter de leur angoisse patriotique pour se faire élire et qu’ils jouent même sur leur sens inné de la justice en les accusant de misogynie s’ils osent critiquer la chef du PQ, les souverainistes, dégoûtés, se détournent les uns après les autres d’un parti qui n’en vaut pas la peine et renoncent même souvent à l’idée d’exercer leur droit de vote. On a tué leur rêve, leur enthousiasme et leur confiance!
Une stratégie pour gagner
Ce que nous venons de décrire est la stratégie perdante développée par ce qu’on espère être la dernière génération de perdants de l’histoire du Québec.
Quand on veut goûter au triomphe et à la victoire, il faut toujours adopter la stratégie inverse de ceux qui n’ont jamais su faire autre chose que perdre. Il faut d’abord se donner un chef qui croit vraiment à la souveraineté et qui est déterminé à utiliser les immenses temps libres dont il dispose dans l’opposition pour en faire une promotion systématique et quotidienne; un chef qui utilisera toutes les munitions que le Canada anglais ne cesse de lui offrir sur un plateau d’argent : deux milliards de dollars de nos taxes fédérales qui seront volés pour aider Terre-Neuve à bâtir une ligne électrique sous-marine contournant le Québec; cinq milliards de dollars qu’on fera payer aux Montréalais par voie de péages pour reconstruire un pont Champlain qui servira aussi au passage de bateaux à destination de l’Ontario; six ou sept milliards de dollars perdus en contrats maritimes, etc.
Plutôt que de rester lâchement sur la défensive et tenter de se faire aimer des immigrants – ce qui n’a jamais fonctionné - un tel chef utilisera à fond l’argument moral pour EXIGER d’eux qu’ils arrêtent de nuire et qu’ils se joignent à nous. Rien ne sera plus important et efficace que cet élément de discours car une victoire est pratiquement assurée quand on a réussi à convaincre l’adversaire de l’immoralité foncière de ce qu’il fait.
Le nouveau chef du PQ réussira-t-il à vaincre l’énorme inertie accumulée par les baby-boomers qui contrôlent le PQ? Se laissera-t-il convaincre de nous resservir une simple resucée de cette pauvre chose qu’est la gouvernance souverainiste? S’il le fait, sa défaite est assurée car les souverainistes, qui seront aux aguets, vont facilement s’en rendre compte et soulever une nouvelle tempête de protestations qui aboutira, au soir des élections, à une seconde raclée électorale d’envergure historique.
Tant les fédéralistes que les chefs du PQ ont tort de baser leurs raisonnements et leurs stratégies sur l’actuelle désaffection de l’électorat souverainiste. La raison pour laquelle l’avenir est si difficile à prévoir, c’est parce que les humains finissent toujours par réagir aux événements qui nuisent à leurs intérêts vitaux.
Jean-Jacques Nantel, ing.
Novembre 2011


Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    5 novembre 2011

    M. Nantel,
    Je ne sais pas s’il y aura un nouveau chef au PQ. Si cela devais effectivement s’avérer, ce ne serait pas suffisant, selon moi, pour assurer un revirement de la pensée politique de ses députés (essentiellement carriéristes), de ses exécutifs de comtés composées en majorité de MOUS de la souveraineté et de ses membres qui pour beaucoup sont victimes du syndrome de Stockholm et dont le nombre rétrécit comme une peau de chagrin. Il est même probable que dorénavant, le PQ n’ira pas jusqu’à faire la promotion de l’Option Nationale ! Nous connaissons la propension suicidaire du Parti québécois mais quand même…
    Nouveau chef ou pas, la donne politique actuelle ne favorisera pas l’élection d’un gouvernement majoritaire et encore moins le succès électoral du PQ. Je vous prédis que les choses vont évoluer rapidement d’ici ce printemps et que vous serrez étonné de la redistribution des forces politique au Québec. La seule vraie problématique que je crains, c’est le rôle frauduleux que jouerons les médias de masse contrôlés par l’Oligarchie canadienne.