Si la défense du français s’essouffle au Québec, tout enamouré d’un franglais qui javellise tout et colonise davantage, on trouve encore des résistants, notamment en Alberta où deux francophones viennent d’obtenir leur ticket pour la Cour suprême. Une nouvelle occasion de revenir sur l’histoire de ce pays et ses grandes trahisons.
Il semble bien tortueux le chemin qui mène des luttes des Métis du XIXe siècleà la rédaction d’une contravention en Alberta il y a six ans. Il est pourtant logique, puisque c’est encore la défense du français qui en est le fil conducteur.
Après avoir été balayés du revers de la main par des cours provinciales, les arguments à teneur historique de Gilles Caron et Pierre Boutet, qui contestent des contraventionsrédigées en anglais en Alberta, seront entendus en Cour suprême, a annoncé celle-ci jeudi. Les francophones hors Québec saluent cette nouvelle note d’espoir pour faire valoir leurs droits. Mais l’affaire est loin d’être gagnée tant, sous couvert d’articles de lois, elle s’accompagne d’une véritable lecture politique de la construction du Canada que les francophones de tout le pays, au Québec y compris, ont intérêt à connaître.
Pour faire valoir leur cause, les avocats de MM. Caron et Boutet s’appuient sur des ententes d’avant l’entrée de l’Alberta au sein de la Confédération canadienne en 1905, notamment des promesses faites aux Métis, dont les territoires étaient touchés par la création d’une nouvelle province et qui refusaient absolument d’intégrer le Canada. Pour arrêter la rébellion, la reine Victoria avait accepté d’entendre leurs revendications. Au nombre de celles-ci se trouvait clairement la protection du français, notamment le droit à la publication d’ordonnances dans les deux langues. Par la Proclamation royale de 1869, la Couronne britannique avait répondu « que sous l’union avec le Canada, tous vos droits et privilèges civils et religieux seront respectés ».
Qu’en est-il resté une fois les Métis apaisés et leur adhésion acquise ? Rien, a tranché la Cour d’appel de l’Alberta l’an dernier. Rien parce que, a dit un premier juge, il aurait fallu, au-delà des promesses et des engagements, que ladite assurance de préserver le français soit spécifiquement inscrite dans des textes de loi une fois la province créée, ce qui n’a pas été fait.
Vraiment rien, a ajouté un deuxième juge de la même cour, parce que non seulement la protection du français n’a pas été enchâssée dans les lois albertaines, mais en plus les citoyens et les gouvernements ont besoin de « certitude et de prévisibilité » en matière de droit. Or les droits linguistiques sont « susceptibles de susciter la controverse et de semer la discorde ».
Le lecteur en déduira qu’il vaut mieux ne pas trop faire d’histoires et prendre son trou… De fait, le même juge conclut ainsi : « il est incontestable que la période entre 1867 et 1905 est riche d’histoire », mais les politiques publiques changent et la démographie aussi, signale-t-il. Les promesses, les garanties ne valent rien si les lois n’en font pas état : c’est un « obstacle insurmontable », tranche au final la cour dans une relecture historique qui ne tient aucun compte de l’arrière-fond politique qui a présidé à la dégradation de la francophonie au Canada en plus de 100 ans.
Il sera donc intéressant de voir comment la Cour suprême abordera le dossier. En matière de droits autochtones, elle a su dépasser une lecture littérale de la loi pour tenir compte des engagements de la Couronne britannique et donner ainsi prise aux demandes des premiers habitants du territoire canadien.
Pour les droits des francophones, le portrait est plus flou. L’an dernier, la Cour suprême avait rendu une décision d’une grande insensibilité dans une cause qui opposait la Colombie-Britannique au Conseil scolaire francophone de cette province. En s’appuyant sur une loi britannique de 1731, la Cour statuait que tous les documents, même un simple dépliant !, déposés devant les tribunaux de la province devaient être traduits. L’effet était dévastateur pour le Conseil scolaire dont toute la documentation interne, qui devait servir en cour, était en français. De toute évidence la Colombie-Britannique usait d’une manoeuvre dilatoire pour combattre le droit à l’éducation dans sa langue à sa minorité. Mais une vieille loi coloniale l’emportait sur la défense du français, les juges soulignant en plus que, après tout, ce sont les provinces qui décident en matière linguistique.
C’est pourquoi il n’y a rien de gagné dans la bataille de l’Alberta. Mais c’est assurément une autre leçon d’histoire qui doit être suivie de près.
FRANÇAIS HORS QUÉBEC
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé