Il y a trois ans, jour pour jour, j’écrivais un billet intitulé Le bilinguisme et la médiocrité.
En voici un large extrait:
«L’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue est devenue dans les faits une université bilingue depuis qu’elle a décidé d’offrir des programmes d’études à temps complet en anglais à la population crie de la Baie-James à son centre universitaire de Vald’or. Pourtant, l’Abitibi-Témiscamingue est une région où les anglophones représentent moins de 2% de la population. Fait étonnant, il n’y a eu personne pour s’en offusquer ou contester le fait qu’on enseigne aux Cris de la Baie-James uniquement en anglais et qu’on bilinguise plusieurs services de l’UQAT, alors que les finissants cris de cet établissement pourraient être appelés à travailler entre autres pour Hydro-Québec et le gouvernement du Québec sur le territoire de la Baie-James.
Exigera-t-on de ces Cris qu’ils parlent le français ou s’adaptera-t-on encore une fois à la situation en bilinguisant l’appareil de gestion de ces organisations comme on l’a fait à l’UQAT ? Il aurait été tellement plus simple et utile de leur enseigner en français.
Or, l’UQAT peine actuellement à trouver des enseignants compétents et bilingues pour enseigner en anglais à ces étudiants cris dont la langue maternelle n’est même pas l’anglais. Elle n’aura d’autres choix que d’exiger de ses futurs professeurs qu’ils soient parfaitement bilingues ou instituer une formation en anglais avancé pour ceux et celles qui devront enseigner à la clientèle crie. Comment peut-on offrir une formation universitaire de qualité à des étudiants, si les enseignants qui sont appelés à leur enseigner ne sont pas habiles à transmettre leurs connaissances dans la présumée langue de l’apprenant ? Qualité de la langue et intelligence vont de pair. La communication doit être intelligible pour l’enseignant comme pour l’étudiant afin d’être efficiente.
Si on enseigne à des étudiants dont l’anglais est déjà approximatif - leur langue maternelle étant le cri - dans un anglais approximatif, ne risque-t-on pas de former des étudiants d’une qualité comparable à la qualité de la langue d’enseignement, c’est-à-dire des professionnels approximatifs ? N’aurait-il pas mieux valu offrir une formation en français à ces étudiants cris afin qu’ils s’intègrent plus facilement au marché du travail québécois, plutôt que de les confiner uniquement au marché de l’emploi de la Baie-James. D’ailleurs, même dans les milieux anglophones autres que ceux du territoire de la Baie-James, qui voudra embaucher des étudiants dont la formation n’a pas nécessairement toujours été donnée dans les meilleures conditions ?» (...)
Un sujet d'inquiétude toujours d’actualité comme on peut le constater dans La Presse de ce matin où on nous annonce que l’anglais deviendra langue de travail dans le Nord-du-Québec à la suite de l’entente signée avec les Cris de la Baie-James la semaine dernière :L’anglais comme langue de travail dans le Nord, André Dubuc, La Presse, le mardi 31 juillet 2012.
«(Montréal) L'entente sur le gouvernement régional de la Baie-James auquel participeront les Cris est vue comme un prérequis à la mise en oeuvre du Plan Nord, qui prévoit des investissements de 80 milliards en 25 ans. Or, ce gouvernement pourra utiliser à sa guise l'anglais comme langue de travail, prévoit le texte officiel de l'entente. Le développement économique se fera-t-il au détriment de la préséance du français?
«Le Gouvernement régional peut utiliser soit le français soit l'anglais dans ses communications internes et comme langue de travail», stipule l'article 109 de l'entente signée la semaine dernière entre le Grand Conseil des Cris et le gouvernement du Québec, dont le texte est disponible sur le site internet du Secrétariat aux affaires autochtones.
Le gouvernement régional remplace la Municipalité de Baie-James (MBJ), une institution 100% jamésienne, dont étaient exclus les Cris. Les Jamésiens sont les habitants non autochtones de la Baie-James.
À la MBJ, tout se passe en français. L'entente prévoit une représentation paritaire entre Cris et Jamésiens au sein du gouvernement régional au cours des 10 premières années. Il est aussi prévu que les employés actuels de la MBJ seront transférés au gouvernement régional.
Les Cris parlent majoritairement anglais. Dans les villages cris plus au sud, comme Ouje et Mistissini, une minorité de Cris parlent français, notamment les plus jeunes.
«Le français et le cri sont les langues utilisées, mais il est entendu que, pour la fonctionnalité des choses, l'anglais pourrait également être utilisé, a expliqué au téléphone Marie-Josée Paquette, attachée de presse du ministre responsable des Affaires autochtones Geoffrey Kelley. Mais ce sont vraiment le français et le cri dans la nouvelle structure de gouvernance.» » (...)
Ma conclusion d’il y a trois ans est donc toujours appropriée.
(...) un autre exemple de la médiocrité dans laquelle sombre un peu plus le Québec chaque jour parce que plusieurs parmi nous manquent de ce courage indispensable pour combattre de telles absurdités ?
***
Sur le même sujet:
Le bilinguisme et la médiocrité.
Pierre Corbeil, le choix des Cris ?
L’anglais comme langue de travail dans le Nord, André Dubuc, La Presse, le mardi 31 juillet 2012.
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3 commentaires
Charles Laflamme Répondre
2 août 2012Le commentaire que j'ai laissé suite à votre billet intitulé « Le bilinguisme et la médiocrité » est lui aussi encore d'actualité:
« Ils atteindront de façon progressive plusieurs objectifs :
1.-Orienter le peuple Cri vers les médias anglophones pour ensuite le politiser en conséquence.
2.-Former de nouveaux professeurs qui pourront mieux enseigner l’anglais à leur peuple.
3.-Inciter ensuite les Cris à demander que leurs services soient en anglais.
4.-Créer en même temps un conflit situationnel entre les Cris et les Québécois francophones. Tout cela pour assurer par la suite un préjugé favorable envers le Parti Libéral qui se portera à leur défense, aidant ainsi à assurer un gouvernement au service de l’Oligarque qui a façonné Jean Charest de toute pièces afin qu’il vende le Québec à Paul Desmarais. et à ses amis.»
Jean-François-le-Québécois Répondre
1 août 2012«Qualité de la langue et intelligence vont de pair. La communication doit être intelligible pour l’enseignant comme pour l’étudiant afin d’être efficiente.»
Cela est une chose trop souvent mal comprise, au Québec. Avec notre joual, notre français écrit plein de fautes, et un anglais approximatif Ou simplement pauvre), la qualité de la communication, mais même la formation des idées dans la tête du sujet, souffrent.
Nous nous trouvons à ériger toute une culture de l'à peu près, du «ouain, mais tsé ce que j'veux dire, là»...
Archives de Vigile Répondre
1 août 2012La médiocrité québécoise, c'est, entre autre, un déficit d'indignation pour les questions linguistiques. Le français vivote et il se trouve de moins en moins de personnes pour s'en inquiéter dans les espaces publiques. Il sera effectivement plus << facile >> de laisser les Cris travailler dans la langue qu'ils veulent; évidemment que leurs soucis sont économiques plutôt que linguistiques. En attendant, on ne peut pas forcer les bons sentiments.