Dans une situation de gouvernement minoritaire, il est d’usage pour l’opposition officielle de s’opposer au budget du gouvernement, quel qu’en soit le contenu. Il ne faut donc pas trop se surprendre d’entendre le chef libéral, Philippe Couillard, annoncer que son parti votera contre le budget Marceau.
Après la présentation de la mise à jour économique et financière, Philippe Couillard y a mis un peu d’humeur, évoquant d’emblée la confiance à l’endroit du gouvernement. « Je ne les crois pas. Nous ne pouvons les croire. Les Québécois ne peuvent plus avoir confiance en ce gouvernement », a-t-il déclaré. Voilà qui est dit : les libéraux vont voter contre le prochain budget Marceau. Il n’y a pas d’ambiguïté : c’est un autre « over my dead body », budgétaire cette fois-ci.
Philippe Couillard dénonce le fait que, pour arriver au déficit zéro dans deux ans, le gouvernement Marois doit combler une impasse budgétaire de 1 milliard, un « écart à résorber » avec des moyens non encore déterminés. Il oublie que le plan de retour à l’équilibre budgétaire, présenté par Raymond Bachand en 2010-2011, comportait lui aussi des « mesures à identifier » d’une valeur de 1 milliard.
Qui plus est, dans la présente conjoncture économique, la recette de Philippe Couillard pour atteindre le déficit zéro ne diffère guère de l’approche de Nicolas Marceau. Le chef libéral propose lui aussi un plan de retour à l’équilibre budgétaire étalé dans le temps. Avant de rajuster son message pour être au diapason de son « rat pack » parlementaire, il parlait d’une période de trois à quatre ans. Jeudi, il disait « le plus rapidement possible ». Nicolas Marceau dit exactement la même chose.
Tout comme le ministre des Finances, Philippe Couillard, pour arriver au nirvana de l’équilibre, écarte les compressions draconiennes de dépenses. Lui aussi compte sur la croissance économique, avec la relance du Plan Nord, une stratégie maritime et des crédits d’impôt pour la rénovation domiciliaire. Or le gouvernement Marois a déjà annoncé des crédits pour la rénovation verte, modeste et momentané apport à la croissance, et un plan économique à long terme.
En fait, le meilleur argument des libéraux, sans doute, c’est qu’ils inspirent davantage confiance en matière économique : les entreprises préfèrent un gouvernement libéral. Il n’est d’ailleurs pas anodin que le chef libéral reprenne l’idée du Conseil du patronat du Québec d’imposer un « cran d’arrêt » aux dépenses de l’État en finançant par des économies toute nouvelle dépense.
Cran d’arrêt ou pas, en limitant à 2 % par an la croissance des dépenses, le gouvernement Marois emprunte la même voie : toute nouvelle dépense en sus de la hausse normale des coûts dits « de système » devra être compensée par des coupes ailleurs.
C’est donc du côté de la Coalition avenir Québec que le gouvernement Marois doit se tourner pour faire passer le prochain budget. Il est d’ailleurs habituel que le tiers parti, s’il juge que les circonstances électorales ne lui sont pas favorables, ce qu’une froide lecture du contexte actuel pourrait inspirer aux caquistes, cherche à négocier des compromis avec le gouvernement. C’est ce que le Parti québécois, alors le tiers parti, avait fait en 2007 avec le gouvernement minoritaire de Jean Charest.
Mais voilà, François Legault n’en démord pas. Contrairement à Philippe Couillard, il tient mordicus à un retour à l’équilibre budgétaire dès l’an prochain, ce qui implique, dans les faits, des coupes de l’ordre de 2 milliards en une seule année. Le chef caquiste croit qu’en faisant « le ménage », en « changeant les façons de faire », il est relativement facile de réduire les dépenses de l’État de plusieurs milliards. De là sa promesse de réduire de 2 milliards le fardeau fiscal des Québécois tout en préservant le déficit zéro.
Même si d’aventure la CAQ appuyait le prochain budget, jamais les électeurs caquistes n’accepteraient que François Legault consente à modifier la Loi sur l’équilibre budgétaire, condition pour que ce budget soit mis en oeuvre. Impasse, donc.
Maintenant que les deux partis d’opposition se sont braqués, Pauline Marois a les coudées franches. Comme, aux yeux de l’électorat, elle s’est déjà montrée raisonnable en repoussant la tentation de déclencher des élections hâtives à l’automne, la chef péquiste n’aura pas de mal à justifier la tenue d’élections avant le dépôt du prochain budget. D’autant que son gouvernement a multiplié, avec la collaboration plus ou moins volontaire des partis d’opposition, les blocages avec les projets de loi sur les mines, sur le moratoire sur les gaz de schiste, sur le renforcement de la loi 101 et, bientôt, sur la charte de la laïcité. Ça ne rend pas le gouvernement péquiste plus populaire, mais Pauline Marois est maintenant maître du jeu.
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