L’école aux adultes tient une place importante dans le cheminement scolaire pour nombre de Québécois qui ont décroché au cours de leur adolescence et qui souhaitent compléter leur formation interrompue en cours de route.
Normalement, on s’attendrait à ce que ces adultes aient un parcours similaire à celui d’un élève de 15 ou 16 ans qui fréquente l’école secondaire. Or, depuis deux ans, les écoles aux adultes ont eu comme nouvelle directive de faire en sorte que l’histoire nationale de quatrième secondaire ne soit plus nécessairement enseignée à ceux qui s’inscrivent en dernière année.
Transmission collective
Les centres aux adultes peuvent ainsi décider de remplacer l’histoire par d’autres cours reliés, comme économie ou Monde contemporain (consacré à des enjeux d’actualité). Ce remplacement a d’ailleurs déjà lieu présentement, occultant ainsi une part importante de la transmission de la mémoire collective à une partie non négligeable de la population.
Dans un même ordre d’idées, plusieurs jeunes qui ont envie de faire un diplôme d’études professionnelles (DEP) et qui souhaitent d’abord terminer leur secondaire vont voir leur profil d’étude être modifié. De cette façon, le cheminement qu’ils auront à la fin de leur secondaire sera exempt de cours d’histoire et de sciences, jugés inutiles pour la suite des choses.
Qu’est-ce que cette indifférence à l’égard de notre histoire dans le monde de l’éducation annonce-t-elle? Naturellement, on entend déjà les «fact-checkeurs» et autres professionnels de la dédramatisation nous annoncer qu’il n’y a pas là s’inquiéter. Et pourtant, il n’est pas normal qu’une école, quelle qu’elle soit, considère l’histoire nationale comme facultative à l’apprentissage. Cette attitude dénote peut-être une démission collective de l’école qui est appelée à s’accentuer si rien n’est fait.
Rappelons-nous que l’année dernière, le cours d’histoire de la civilisation occidentale au niveau collégial a passé proche d’être aboli pour être remplacé par un cours plus axé sur l’histoire récente et «ouverte sur le monde»1. L’esprit de notre ministère de l’Éducation est-il au diapason de la dénationalisation tranquille?
1 Patrick Bellerose, «Initiation à l’Antiquité et au Moyen-Âge: la “civilisation occidentale” sauvée par la ministre McCann», Le Journal de Québec, 14 juin 2021.
Pas un simple savoir
Le cours d’histoire de secondaire 4 doit être à nouveau obligatoire pour tout étudiant à l’école aux adultes ou pour tout élève qui se dirige vers l’école professionnelle. L’histoire de notre nation d’appartenance n’est pas un simple savoir parmi d’autres qui devrait être réservé aux spécialistes. À l’âge moderne, les nations définissent leur identité par un destin commun, et donc d’une origine et d’un parcours collectif auquel les citoyens de tous les horizons peuvent s’identifier pour que tout un chacun puisse s’intégrer dans une «grande aventure».
L’histoire a aussi l’avantage de nous faire apprendre sur les événements qui ont façonné la personnalité collective de notre peuple et sur les schèmes récurrents qui ont toujours tendance à faire leur retour sur notre route. Les étudiants qui font l’école aux adultes ne doivent pas être laissés pour compte dans l’apprentissage de notre histoire: ils sont des citoyens au même titre que n’importe qui et méritent eux aussi un enseignement rigoureux de leur passé.
Philippe Lorange, Étudiant à la maîtrise en sociologie à l’UQÀM