Le gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, a réussi à faire adopter la semaine dernière par le Sénat des lois limitant les droits syndicaux dans le secteur public.
PHOTO: DARREN HAUCK, REUTERS
Daniel Roy -L'auteur est directeur québécois du Syndicat des Métallos (FTQ).
La hache est finalement tombée à Madison au Wisconsin, après trois semaines de bras de fer entre le pouvoir républicain et les syndiqués, appuyés par la population. Le gouverneur Scott Walker a réussi, avec un tour de passe-passe parlementaire, à faire adopter par le Sénat sa loi antisyndicale.
Je tiens à saluer les confrères et consoeurs américains, dont bon nombre de Métallos, qui ont livré depuis près d'un mois une bataille exemplaire pour protéger un droit aussi fondamental que celui de s'associer et de négocier collectivement leurs conditions de travail.
Malheureusement, une quinzaine d'États américains sont aussi en voie de faire adopter - si ce n'est déjà fait - des lois limitant les droits syndicaux dans le secteur public. Cela s'ajoute aux 22 États qui interdisent déjà la perception à la source des cotisations syndicales, qu'on appelle outrageusement les «right-to-work states».
Pourtant, les observateurs s'entendent pour dire qu'aux sources de la crise économique, de la pente savonneuse dans laquelle l'économie américaine est engagée, on trouve l'effritement de la classe moyenne.
Or, cet appauvrissement des travailleurs, cette concentration de la richesse dans les mains d'une portion de plus en plus petite de la population, coïncide avec la diminution du taux de syndicalisation. La droite républicaine, grassement financée par de riches «mécènes», livre une offensive directe contre les syndicats, un des derniers remparts contre l'accroissement des inégalités.
Il se trouve des voix aux Québec - dont plusieurs signent d'ailleurs des chroniques dans les journaux de Quebecor ou oeuvrent dans un think tank de droite - pour faire écho aux discours antisyndicaux du gouverneur Walker et de ses acolytes du Tea Party américain. Il s'en trouve pour décrier le mécanisme d'accréditation syndicale, la loi antibriseurs de grève ou encore pour jeter le blâme du déficit budgétaire sur les syndicats du secteur public.
Fort heureusement, le Québec se distingue avantageusement des États-Unis en matière de lois du travail, comme en fait foi le taux de syndicalisation qui oscille autour de 40%, comparativement à 12% aux États-Unis. Le filet social y est meilleur: cela saute aux yeux lorsqu'on sait qu'il peut en coûter plus de 20 000 $ par année par travailleur pour un régime d'assurance santé décent aux États-Unis.
Ces particularités, il y a de quoi en être fiers. Au plus fort de la crise économique, le Québec est parvenu à mieux tirer son épingle du jeu en raison de son secteur public fort, de son filet social et de ses mécanismes de redistribution de la richesse.
Le Syndicat des Métallos représente quelque 60 000 travailleurs du secteur privé à travers le Québec. Comme directeur de ce syndicat, je rencontre régulièrement mes collègues américains et remarque leur respect et leur admiration pour le Québec.
Alors que nos confrères et nos consoeurs luttent pour préserver ce qu'il reste du rêve américain de bonheur et de prospérité pour tous, nous avons le devoir de maintenir ici le cap sur une société juste et équitable, tout particulièrement en cette période prébudgétaire.
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