Chronique de Bruno Deshaies, 10 mars 2015
AVERTISSEMENT
Cette chronique ne pourra pas être lue sans tenir compte des hyperliens et d’une lecture attentive de l’article de Doris Lussier publié dans Le Jour le 1er avril 1974. L’éducation à la politique publique nationale de l’indépendance politique du Québec ne se fera pas uniquement par des sondages, des slogans et des stratégies référendaires. Elle va nécessiter des échanges plus orientés en vertu de l’objectif à atteindre.
Il nous faudra cette Institut de recherche sur l’indépendance du Québec. Le mouvement indépendantiste en a besoin pour vivre et agir. Une politique publique nationale de l’indépendance ne se bâtit en l’air. Des idées solides et bien étayées devront être mises au point pour permettre une connotation stimulante et distincte de la simple politique de gestion de l’État du Québec province.
La société québécoise doit se poser la question : «Où sommes-nous rendus depuis 60 ans ?» Pierre DAVIAU s’était interrogé dans «Bilan du déclin du parti québécois en 2006» sur la fragilité des orientations péquistes. Il n’était pas le seul. Combien d’autres ont écrit sur Vigile pour alerter soit le gouvernement péquiste ou le Parti québécois de leur manquent de compréhension envers les indépendantistes sincères et fervents.
Les politiques souverainistes peuvent croire en leur étoile, c’est normal, mais ils doivent sans faute s’accorder avec leur base et tenir compte de l’évolution des réactions à leur endroit. Le Parti québécois et ses apparatchiks ne sont pas les seuls à penser l’indépendance. Bien au contraire. Ils ont besoin de se guider sur des notions fondamentales qui portent sur l’indépendance complète et doivent en chercher «Le fond des choses» pour «La suite de notre histoire».
L’exercice de Doris Lussier, il y a 40 ans, ne perd pas de son actualité. Ce citoyen sincère et engagé a montré que le problème était nettement plus considérable que la prise du pouvoir par un gouvernement péquiste. Car il y a des «faits» durs qui sont incontournables quant à l’action politique et citoyenne. L’agitation politicienne n’y parviendra pas dans l’ignorance ou l’occultation des obstacles qui existent de facto. Ce serait de l’aveuglement méprisable.
Les indépendantistes devront encore travailler fort pour surmonter les obstacles majeurs auxquels ils auront à faire face. Et, en particulier, de cette nécessité absolue de «s’affranchir de l’idéologie fédéraliste» qui entortille le discours souverainiste optimiste traditionnel «d’égal à égal» sorti du concept d’État-Nation(s), juridique surtout, qui s’apparente à l’idéologie du fédéralisme. Cet écueil est à éviter à tout prix. L’Engagé a bien illustré dans une Tribune libre cette lacune conceptuel quant à l’appréciation véritable de l’optique indépendantiste. Déjà, en 1963-1964, Maurice Séguin avait jaugé la nouvelle vague séparatistequi avait commencé à déferler sur le Québec vers 1957-1958 et il avait même dressé un tableau portant sur «Les tendances possibles en politique».
Le temps historique est insécable. Il faut en prendre conscience. C’est pourquoi, nous avons choisi quelques moments du passé des 60 dernières années en vue de faire réfléchir. Une impression globale pourra apparaître et faire jaillir une ligne de conduite plus réaliste quant aux actions à entreprendre concrètement au plan des idées.
L’excitation politique du présent ne nous donnera jamais la possibilité de libérer le Québec. La nation québécoise est dans un état permanent de survivance, c’est-à-dire de ce qui reste pour continuer d'exister en dépit de causes de disparition. Compte tenu de cette pente historique, Doris Lussier en fait «une question de vie ou de mort». «Le Québec français, déclare-t-il, est destiné à la minorité perpétuelle, il est naturel qu’il sorte [de la Confédération].»
Or, le nœud gordien du problème est l’annexion permanente depuis plus de huit générations de Canadiens-Français et de Québécois-Français. Dans les faits, cette situation devient une privation d’autonomie politique, du self-government complet et de liberté collective de la nation québécoise. Aujourd’hui, les indépendantistes doivent consacrer leur énergie à se défaire de la provincialisation, de la subordination sur place et de la superposition, bref du remplacement par une autre nation. À contrario, la nation indépendante est celle qui, dans ses relations de voisinage, de juxtaposition, maîtrise sa vie collective à côté d’autres nations qui sont soit de même force ou plus fortes ou moins fortes et qui demeurent maîtresses chez elles. Cette richesse d’être est le propre de l’agir (par soi) collectif d’une nation indépendante.
Finalement, la nation vraiment indépendante participe par soi et de son plein gré à la vie internationale. Elle est habitée par cette exigence fondamentale
de l’agir par soi collectif,
de la réaction et de l’action autonome,
de la réserve collective,
de la séparation (ou du «séparatisme»).
À sa manière, il y a 40 ans, Doris Lussier a tenté d’expliquer ces fondements de l’indépendance.
O O O
«Vivre, c’est agir ; agir par soi-même.»
Peut-on y croire ?
La nation québécoise vit sur un lourd passé historique. Seule la grande histoire peut nous permettre d’entrevoir le champ des difficultés et des espoirs possibles. Avant l’élection du Parti Québécois au pouvoir à Québec, en 1976, Doris Lussier s’est interrogé sur « Le fonds des choses».
L’article qu’il a soumis pour publication dans Le Jour soulevait une question très importante :
«Pourquoi ce qu’on considérait, il y a à peine 7 ou 8 ans [1966-1967], comme un sujet tabou un divertissement d’intellectuel rêveur est-il devenu le centre de notre réflexion collective jusqu’à s’incarner dans un parti politique qui rallie un nombre spectaculairement grandissant de membres enthousiastes et contagieux?...»
À partir de cette interrogation initiale majeure, il a cherché à comprendre ce qui a pu pousser près de 40 p. cent des Québécois à appuyer le Parti Québécois. Il pose le constat suivant :«La réalité, c’est que le Québec vient de faire un pas de géant vers son indépendance politique.» Cependant, la troisième campagne électorale de 1973 ne permet pas de faire élire un gouvernement péquiste majoritaire à Québec. Il persiste et signe : «La véritable force montante, c’est l’indépendance. L’avenir, il est à la souveraineté.»
Il croit qu’il est prioritaire de mettre le cap sur l’indépendance politique du Québec. Et il en découvre le provignement.
«Quand une idée aussi raisonnable que celle de la liberté publique habite l’âme d’une nation, elle se transforme en sentiment collectif […]. Elle s’enracine en profondeur, elle rallie les éléments les plus dynamiques et les plus forts de la nation. Elle est d’ores et déjà victorieuse.»
Une société dans son développement atteint à un certain moment sa maturité. Elle doit «aller au fond des choses» pour s’affirmer, se défendre et exister, enfin, en exerçant toute sa liberté collective qui est agir (par soi) et se gouverner elle-même. Et ce mouvement vers l’indépendance est irréversible. C’est le cas des «nations vigoureuses [qui] s’affranchissent et deviennent majeures, c’est-à-dire souveraines et seules maîtresses de leur destin politique.» D’où :
- Un aboutissement logique
- Question de vie ou de mort
Puis, vient la question fatidique :
«Quelle est notre situation actuelle ?»
- Nous sommes en 1974.
Doris LUSSIER, «Pour la suite de notre histoire», dans Le Jour, lundi, 1er avril 1974, p. 5 (« Le fond des choses »).
«Politiquement nous sommes des prisonniers.»
D’où une autre question : «Voulez-vous des faits ? En voici.»
- Le fait démographique
- Le fait culturel
- Le fait politique
Les «faits» qu’ils soulèvent ne sont pas nouveaux. Ils existent depuis 440 ans (1534-1974). Il constate ce fait global de la grande histoire : «Le peuple québécois sait qu’il est maintenant assez grand pour décider lui-même de son avenir et faire sa vie politique. Il est majeur et il veut se conduire comme tel.» Mais s’il reste dans la Confédération «il est destiné à la minorité perpétuelle».
À partir de ce constat pénible à accepter, Doris Lussier résume dans une phrase lapidaire son point de vue sur «le fait politique» de la nation québécois : «Politiquement nous sommes des prisonniers.» Par conséquent, nous sommes condamnés, ajoute-t-il, «de vivre l’affrontement quotidien entre le pot de fer fédéral et le pot de terre québécois, avec la certitude d’être toujours vaincus».
L’historien Guy Frégault s’était exprimé, près de 20 ans plutôt et dans le même sens, à l’occasion d’une conférence portant sur «Le fédéralisme» en 1955 (1). Il avait comparé les rapports entre les deux Canadas (français et anglais) à la fable de Lafontaine Le pot de terre et le pot de fer. Il avait conclu sa communication sur ces mots : «Le Canada anglais n'a jamais permis qu'un second Québec se constituât chez lui. Loin de souhaiter le chevauchement des cultures, il a toujours veillé à ce que le Québec restât ce qu'il est : une ″enclave culturelle″ dans une nation britannique.» Autrement dit aujourd’hui : « Le Québec dans un Canada-Uni » représenté par un drapeau unifolié canadian qui est l’affirmation claire et nette de l’unité canadienne. et que dire des Célébrations du 150e anniversaire de la création du Dominion of Canada comme devoir de mémoire contra le devoir d’histoire non moins essentiel à la vie de toutes les sociétés et l’état des faits. De la subordination sur place d’une nation par une autre dominante. C’est en ce sens que Doris Lussier à parler d’«une question de vie ou de mort».
Ce qu’il faut comprendre, c’est que la nation minoritaire est une nation annexée. Dans ses propos, Doris Lussier rejoint aussi l’explication de l’historien chevronné, Maurice Séguin, qui a exposé avec clarté dans Histoire de deux nationalismes au Canada l’idée politique suivante : «Agir-par-soi, vivre soi-même, sans collectivité interposée, est une source de richesse d’être. » Pour résumer, voici comment il s’est expliqué, en 1963-1964, dans son cours universitaire télévisé.
Dans un premier temps, il expose ce qui se passe généralement dans le fonctionnement du fédéralisme. Il met en lumière les forces qui influent sur la nation souveraine et leurs conséquences sur la nation minoritaire qui subit la dépendance, le remplacement, bref l’annexion. Il signale l’importance de l’indépendance dans l’ordre politique qui doit exister normalement en interdépendance avec l’ordre économique qui touche tous les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. En conséquent, on devrait admettre qu’«un nationalisme politique complet, à l’intérieur et à l’extérieur, est nécessaire pour développer une économie moderne diversifié et complète. (p.9-10)»
Lire la suite… Le Rond-point des sciences humaines.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
8 commentaires
Bruno Deshaies Répondre
2 mai 2015La lutte nationale pour «Qui gouverne ?»
Dans la foulée de la réflexion de monsieur Pierre Daviau, j’aimerais ajouter celle de monsieur Gaston Laurion, un autre indépendantiste de longue date. (Il est décédé en 2008.) Est-ce que le contexte de 2015 est si différent de celui de 2005 ? Pour faire l’indépendance de la nation québécoise, il faut donner un coup de barre indépendantiste afin de redresser les vieux démons qui sont enfouis dans la pensée politique d’une nation annexée depuis plusieurs générations de Canadiens français.
Pourtant, une certaine lignée d’indépendantistes existe réellement. Elle s’est exprimée ouvertement dans le passé. Ce courant indépendantiste ne devrait plus être occulté par des beaux parleurs de souveraineté qui transforment l’objectif en un vaste programme de réformes sociales tout azimut en dérivant avec des concepts de souveraineté inspirés par l’optique fédéraliste de réforme des institutions politiques existantes. Nous savons aujourd’hui que les processus proposés jusqu’à ce jour pour atteindre l’objectif d’indépendance par des chemins inappropriés ne mènent finalement qu’au statu quo ante.
Monsieur Gaston Laurion nous le rappelle avec des mots simples, clairs et nets dans cette chronique de 2006.
INDÉPENDANCE DU QUÉBEC 244
QU’EST-CE QUE L’INDÉPENDANCE ?
Essai de formulation
Collaboration spéciale : GASTON LAURION
Chronique du jeudi 16 mars 2006
«…entreprendre une éducation populaire à la conception d’une nation indépendante au sens absolu du terme.»
Comme tout un groupe solide et constant d’indépendantistes au Québec, il faut entreprendre une éducation populaire à la conception d’une nation indépendante au sens absolu du terme. Cette conception n’exclut pas la collaboration internationale mais elle implique la non-dépendance sans imaginer l’isolationnisme. La nation au sens intégral est un bien en soi collectif et un avantage pour les individus qui participent au progrès de toute la société nationale (cf. notre commentaire du 25 avril 2015). D’où un avantage collectif et individuel. Donc, le Québec aura son propre horizon, un horizon plus large et plus gratifiant pour tous. (1)
Course à la chefferie du PQ
DANS LA COURSE À LA CHEFFERIE DU PQ, SEUL LE CANDIDAT PIERRE KARL PÉLADEAU AFFICHE CLAIREMENT SES COULEURS À CET ÉGARD. Bernard Drainville, pour sa part, a accepté de relever ce défi en se rangeant franchement dans le camp du regroupement des supporteurs de monsieur Péladeau. Tous les autres adhèrent (même celui qui a quitté la course) à la souveraineté expectative qu’un autre auteur a déjà nommé la «souveraineté rampante».
Vivement pour la création de l’Institut de recherche sur l’indépendance du Québec.
La lutte nationale pour «Qui gouverne ?»
Les membres du PQ doivent comprendre qu’ils entreprennent une lutte nationale au 3e degré, soit une lutte pour la prépondérance de l’État du Québec en vue de sa souveraineté complète. En d’autres termes, pour se gouverner nous-mêmes, collectivement, sans un autre gouvernement qui nous superpose et nous subordonne. Si « bâtir un pays» signifie se gouverner nous-mêmes, cette prise de position et ce choix implique minimalement le désir ferme de séparation. Autrement, c’est le maintien de notre provincialisation, c’est-à-dire de notre statut de nation annexée.
La description de l’État du Québec doit sortir de l’ornière de la science politique officielle et du droit constitutionnel convenu, soit de la conception de l’État dans l’optique fédéraliste. Un credo qui convient bien au gouvernement de Philippe Couillard et, bien évidemment, à tous les gouvernements du Canada quel que soit le parti politique au pouvoir à Ottawa. Pour les indépendantistes, c'est une absurdité. Voyons voir :
L’optique fédéraliste, quant à l’ordre fédéral,
1. elle n’élève aucune objection à la «mise en commun», à la «centralisation» de ces «services matériels» dans un État central qui serait la propriété de toutes les nationalités de l’État fédéral et qui agirait au profit de chacune de ces nationalités ;
2. elle croit qu’il y a organisation d’une « collectivité » nationale au profit des « communautés » nationales.
[N. B. Ces «communautés» profitent de l’union fédérale mais elles subissent concomitamment une perte grave de liberté collective réduite généralement au domaine culturel. Selon l’optique impérialiste, il ne faudrait pas attacher trop d’importance à l’État. Car, après tout, ce qui importe, c’est l’épanouissement des individus et des familles. En général, les fédéralistes empruntent beaucoup d’idées à l’optique impérialiste. ]
Par ailleurs, il ne faut pas oublier le corollaire qui suit :
3. elle souligne que ce serait «démissionner» que de se replier comme dans une réserve, sur le seul État où la nationalité minoritaire pourrait devenir une nation majoritaire.
(Maurice Séguin, Les Normes, Chapitre troisième, Sociologie du national, sections 3.10.3.3, 3.10.3.4 et 3.10.3.14.)
«À cet égard, je suis certain que Monsieur Péladeau ne mange pas de ce pain-là.»
Il n’est donc pas question pour ceux et celles qui endossent l’optique fédéraliste de surestimer les pouvoirs des États locaux dans une union fédérale, une fédération d’États ou un État fédéral. (Il en a été question dans notre commentaire du 31 mars 2015.) Par conséquent, décrire le fonctionnement de l’État provincial du Québec sous toutes ses coutures n’en fait pas pour autant un État souverain. Il suffit de relire la constitution canadienne pour voir toutes les limitations constitutionnelles des pouvoirs du Québec pour comprendre la nature de l’oppression essentielle que l’État fédéré du Québec subit de facto. À cet égard, je suis certain que Monsieur Péladeau ne mange pas de ce pain-là.
Dans son survol de l’Histoire de deux nationalismes au Canada, Maurice Séguin s’explique sur la nature profonde de l’union fédérale de 1867. Voici le verbatim :
Conclusion. Les limitations des pouvoirs du gouvernement provincial québécois sont intrinsèques et inhérents à la Loi constitutionnel de 1867 . Les Québécois se retrouvent toujours devant le même «partage fédéral» in se. La centralisation des pouvoirs ne fait qu’aggraver la subordination sur place au profit du Central.
Personnellement, j’ai eu l’occasion de rencontrer Monsieur Péladeau, le 10 octobre 2009, à l’occasion du lancement du livre de Robert Thérien : «Beau dommage. Tellement on s’aimait.» Il venait assister au lancement par la Maison VLB Éditeur. J’ai pu discuter avec lui de la situation du Québec et du problème de notre annexion comme collectivité nationale. Avec courtoisie et sympathie, il a entretenu la conversation avec moi. Au sujet de la question de l’annexion, comme homme d’affaires, il comprenait très bien tout ce que cette notion pouvait signifier. Et c’est avec un sourire qu’il m’avait manifesté sa compréhension du phénomène. Je garde un excellent souvenir de sa disponibilité à vouloir échanger franchement.
Ouvrir la porte au véritable changement
La porte doit s’ouvrir d’abord pour qu’il puisse accéder au poste de chef du Parti québécois. Car il a stature et la détermination de bâtir le Québec sur des bases indépendantistes. Ce travail va exiger de voir clair afin de comprendre de manière réaliste la situation actuelle. Et par-delà la lucidité, il lui faudra le courage et l’obstination de ne pas perdre de vue la finalité de l’indépendance politique et nationale du Québec. Gérer le Québec est une chose; faire comprendre la nature de l’indépendance véritable exige un programme d’éducation populaire. Ce deuxième volet de l’action politique indépendantiste se distingue des politiques publiques dans le régime actuel.
Les indépendantistes devront parler de self-governement et de l’acquisition des grands pouvoirs d’un État complet. En outre, ils devront assumer majoritairement l’administration de la souveraineté complète de l’État québécois. Il faut le dire clairement et ouvertement − sans gêne. Le «pays» pourra éclore lorsque les Québécois décideront d’accepter majoritairement de faire leur indépendance nationale.
Sachons maintenant que «la lucidité sur le passé et le présent peut être source d’évolution planifiée ou de révolution... tranquille ou non.» (Les Normes, Introduction, section 0.5.5.2.) Et cela, malgré les obstacles sérieux qui parsèment le cheminement des indépendantistes, «il ne faut pas craindre d’affirmer, selon Maurice Séguin, que l’élite d’une collectivité se doit de savoir l’entière vérité, l’exacte situation, sans ménagement, sans emphase, sans sous-entendu trompeur. » (Les Normes, Introduction, section 0.5.4.5.) Pourquoi ? Parce qu’«à longue échéance la vérité même pénible se révélera plus profitable aux hommes d’action, pour élaborer la stratégie globale et organiser les forces de la collectivité.» (Ibid., section 0.5.4.6.)
C’est le point stratégique, me semble-t-il, où monsieur Péladeau est rendu maintenant. Il sait qu’il devra gérer le Québec, mais il s’impose une obligation de dimension nationale pour faire naître le Québec indépendant. Fini les petits gestes de rupture. L’horizon est NATIONAL et non LOCAL, provincial.
Les Québécois ne pourront que s’en trouver mieux individuellement et collectivement.
NOTE
(1) J’emprunte à la Logique de Kant «la détermination de l'horizon personnel» pour l’élargir à un «horizon collectif», soit celui d’un univers par lequel s’exercent la pensée et l'action des Québécois d’aujourd’hui. Bref, une ambition raisonnable et réalisable. Autrement dit : une fin en soi intelligente, légitime et possible.
Référence :
Bruno Deshaies, «Maurice Séguin occupe-t-il une place unique dans l’historiographie ?» Colloque de la Chaire Hector-Fabre autour de la pensée de Maurice Séguin (13-14 octobre 2005). INDÉPENDANCE DU QUÉBEC 262. Chronique du jeudi 19 octobre 2006. Explication qui met en lumière la grande différence entre les interprétations anciennes et traditionnelles et la nouvelle interprétation de la trajectoire historique des CANADIENS issus de la colonisation française en Nouvelle-France (régime français) suivie de la colonisation anglaise (régime britannique) jusqu’à nos jours.
Bruno Deshaies Répondre
25 avril 20152015-04-23 11:14
UN COUP DE BARRE S’IMPOSE.
La population québécoise veut savoir si nos élites ont la volonté de faire l’indépendance politique du Québec.
Pour continuer cette conversation sur l’indépendance de la nation québécoise, nous vous référons dans ce septième commentaire à une conférence de Pierre Daviau, le 21 mai 2007, devant le Club des Aîné(e)s de la Capitale (Québec). Monsieur Daviau est un citoyen de Québec et aussi un partisan péquiste et indépendantiste de longue date.
Devant la suspicion publique face aux élites souverainistes, Pierre Daviau cherche à démontrer la nécessité de développer un message indépendantiste cohérent et accessible au plus grand nombre de Québécois et de Québécoises. Ce défi est considérable mais il doit être relevé sans faute et sans atermoiement.
Peu importe les sondages, les Québécois comprennent mal les multiples divisions entre souverainistes et indépendantistes. Ce «couple» politique est incapable de réaliser son unité de pensée. Trop de byzantinisme dans leur façon d’aborder l’indépendance politique du Québec. Un coup de barre s’impose.
Les débats interminables parmi les souverainistes sur leurs conceptions de la souveraineté ennuient la société civile, la population de façon générale et finalement l’électorat québécois. Un ménage s’impose dans les idées des candidats à la chefferie du PQ. Et qu’on cesse de nous distraire avec toutes sortes de formules et de procédés référendaires et de projets de pays qui ne font que faire perdurer notre survivance collective. Ayons de l’ambition avec UN objectif politique clair ! C’est ce que le peuple québécois vous demande.
Que l’on parle du pays ou du national, il sera toujours question du politique au sens fort du terme, c’est-à-dire de la capacité de maîtriser sa vie politique intérieure et extérieure, car c’est un bien en soi pour une nation, indépendamment des influences sur l’économique et le culturel.
En outre, il est bon, pour une nation d’avoir ses organismes (ministères, départements, armée, etc.) et de poser elle-même les gestes exigés par sa situation tant à l’intérieur que vers l’extérieur, donc de planifier, d’organiser, de protéger, de défendre, de soutenir, de coopérer, de négocier, etc. par lui-même. Conséquemment, la pleine maîtrise de sa vie politique est, pour une nation, nécessaire à la vigueur et à la plénitude de sa vie économique et culturelle et vice versa. Si l’on peut dire, le progrès national ne peut se réaliser pleinement que par l’existence d’un État véritablement souverain.
L’État souverain, c’est le pouvoir que se donne une nation pour s’assurer de la pleine maîtrise de sa vie politique, économique et culturelle. Finalement, de ses forces internes et des effets positifs d’interaction de ses capacités politiques, économiques et culturelles, on doit admettre que le politique est nécessaire à l’économique et au culturel, car c’est un bien en soi. Cette interaction entre le pouvoir, la richesse et le savoir pourrait être représenté schématiquement comme suit :
[Insérer le tableau en format PDF ici.]
Telle est la nature de la vie d’une nation véritablement indépendante. Ainsi, nous évitons les écueils reliés au concept traditionnel de l’État-nation(s) au sens Étatique, juridique qui empoisonne le discours souverainiste. Pour être clair, cela signifie qu’une nation dans un État d’union fédérale ne procurera jamais l’indépendance à la nation fédérée minoritaire.
Les Québécois ont le nombre, la richesse, l’organisation et la culture pour vivre vraiment la vie d’une nation indépendante. À l’heure actuelle, ils sont privés essentiellement du fait que le TOUT soit soumis à l’action et aux lois d’un seul gouvernement souverain, donc de la souveraineté pleine et entière de leur État national.
Il ne suffit pas de le penser, il faut l’expliquer et le faire comprendre à une majorité des Québécoises et de Québécois. Cet effort va requérir des investissements dans la recherche et la communication pour défendre l’idée indépendantiste.
ERRATA
Tout le monde aura compris qu’il fallait lire au deuxième paragraphe de cette chronique : «Il nous faudra CET Institut de recherche sur l’indépendance du Québec.»
Bruno Deshaies Répondre
9 avril 20152015-04-09 15:35
« …l’agir (par soi) comme un bien en soi…»
Je profite de l’arrivée du groupe du 600e visiteur sur cette chronique pour ajouter d’autres précisions au sujet de l’indépendance politique du Québec. Dans cet esprit, il faudra bien en arriver un jour à se comprendre mutuellement sur la nature réelle de l’indépendance et de l’agir (par soi) collectif comme un bien en soi. C’est ainsi que nous pourrons véritablement entrer dans la modernité sans gêne et sans complexe.
Les Québécois ont un urgent besoin de posséder leur propre État souverain, cette institution essentielle au progrès de toute la nation québécoise au sens intégral. C’est la seule solution valable et normale pour une société nationale qui a atteint sa maturité politique. Ce point de vue a été clairement exposé et mis en évidence, dès 1974, par Doris Lussier.
La récente entrevue de Michel Lacombe avec Jacques Parizeau met au clair un facteur important dans la société, soit celui de l’État (1). Cet ex-premier ministre du Québec a insisté sur la fonction et le rôle de l’organe d’État parmi les institutions politiques qui ne peut être confondu avec la politique. C’est plutôt le politique au sens fort du terme. L’État est vraiment l’instance publique la mieux placée pour réaliser les grandes ambitions d’une société et assurer sa défense nationale sous tous ses aspects (politique, économique et culturel). Le gouvernement en lui-même ne peut pas tout faire mais il doit avoir une vision pour donner l’impulsion aux travaux de l’État.
L’État doit donc être imprégné par une vision globale du bien commun et de la redistribution des biens ainsi que du sort des personnes. Mais en plus, l’État ou le «national» entretient des rapports avec les autres collectivités. Or, c’est ici que se séparent René Lévesque et Pierre Elliott Trudeau. Nous avons appris depuis que le bricolage de la constitution canadian ne nous a rien donné qui vaille et que tous les projets de souveraineté du Québec demeurent toujours bien en-deçà d’une démarche qui prône l’indépendance véritable du Québec que d’aucuns qualifie même avec ironie d’indépendance des «impatients» ou des «caribous» ou des «purs et durs». Ce sont toutes des expressions péjoratives. N’existe-t-il pas tout autant des fédéralistes «impatiens» ou des «caribous» ou des «purs et durs» ? Mais non ! Un fédéraliste a toujours bonne conscience.
Au fond, que doit-on penser de cette impatience ? Après huit générations de Québécois-Français, faut-il encore tergiverser sur l’objectif de l’indépendance en tant que finalité pour l’avenir du Québec-Français maître de son destin ? Ne s’agit-il pas d’acquérir l’égalité souveraine des Québécois qui inclut la souveraineté de l’État du Québec ?
«…mettre fin au discours limite du souverainisme…»
Nous ne sommes plus dans la phase de la «réforme» du statut constitutionnel du Québec. Le choix de l’indépendance est la position des indépendantistes. Nous sommes maintenant dans la phase de la lutte pour obtenir notre indépendance collective. Ce n’est plus le même terrain de jeu.
Il faut mettre fin au discours limite du souverainisme qui est une grande source de discorde. Il est primordial de revisiter notre passé afin de constater à quel point nous sommes mêlés. Nous devons prendre conscience de l’annexion que nous subissons collectivement et de ses effets inévitables de limitations politiques, économiques et culturelles. Pour comprendre cet état de fait, il faut adopter l’optique indépendantiste.
Pour ne pas être «condamnée» au supplice de la « survivance», la nation québécoise doit mettre fin au cercle vicieux de l’annexion. C’est probablement dans cet esprit que Jacques Parizeau a affirmé que «le PQ a perdu son âme». L’État souverain devient la seule solution pour créer la cohésion nationale et permettre l’indépendance politique du Québec.
Voir :
Indépendance politique du Québec
LE DISCOURS LIMITE DES SOUVERAINISTES
Toujours à la recherche du statut constitutionnel du Québec
Chronique de Bruno Deshaies (23-10-2003)
ICI : http://www.vigile.net/archives/ds-deshaies/docs3/03-10-23-1.html
NOTE
(1) «Le PQ a perdu son âme, selon Jacques Parizeau.» Entrevue de Parizeau avec Michel Lacombe, 6 avril 2015. http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2015/04/06/002-entrevue-jacques-parizeau-parti-quebecois-champ-ruines.shtml
Bruno Deshaies Répondre
31 mars 201531 mars 2015 11:42
Statut du Québec : lequel voulons-nous ?
Je profite de l’arrivée du 500e visiteur sur cette chronique pour ajouter d’autres précisions au sujet de l’indépendance politique du Québec.
J’entendais à la radio hier matin quelqu’un dire que c’est le statut du Québec qui est en cause. Pour un indépendantiste, il me semble que le statut désiré consiste à être un pays indépendant doté d’un État souverain complet. Pourquoi ne le dit-il pas ouvertement ?
Comme il s’agit du «fonds du problème», pourquoi ne pas dire que c’est l’indépendance politique du Québec. Le dire publiquement mettrait fin aux ambiguïtés concernant le souverainisme. Les souverainistes ne doivent plus continuellement osciller entre tous les sens du concept de nation. Les gens sont dubitatifs envers le Parti québécois parce que celui-ci n’a pas clarifié encore son option souverainiste. Donc, pour la population en général, le PQ est finalement perçu comme les autres partis qui sont à la recherche du pouvoir. C’est une objection qui est très répandue dans la population − sans compter tous les autres reproches qu’ils peuvent proférer contre le Parti québécois et ses politiques de gouvernement.
Un choix clair s’impose.
Pour convaincre la population, les indépendantistes doivent choisir leur camp. Le mot nation peut prendre plusieurs sens. Car il importe de savoir sur quel fondement «national» le pays de demain devra se bâtir. Tous les groupes souverainistes auraient intérêt à se questionner sur le sens et la portée qu’ils attribuent au mot nation. Voici quatre question sur lesquelles ils devraient réfléchir.
À cet égard, le brouillard politique n’est pas encore entièrement dissipé.
Nous proposons succinctement les réponses qui suivent à ces quatre questions.
[1] À la première question, voici la réponse qui vient le plus machinalement à l’esprit. C’est un groupe humain qui se reconnaît distinct pour diverses raisons dont une origine commune, la langue, des traditions, l’occupation d’un territoire donné, une même histoire pour une grande partie de la population. Cette identité tient à se maintenir comme groupe humain.
[2] La réponse à la deuxième question est plus compliquée et en même temps plus insidieuse. Il s’agit du problème du «fédéralisme et nationalités» qui se pose tant pour les individus que pour les nations. C’est l’État-Nation.
Dans le premier cas de figure, c’est la situation pour le Québec-Français. Des individus et des nations peuvent être encadrés de gré ou de force dans un système juridique, constitutionnel, mais c’est le système qui prédomine.
Au Canada, le type d’union fédérale est justement caractérisé par l’idée de l’«unité canadienne» depuis l’origine de la création, en 1867, du Dominion of Canada . La Loi constitutionnelle de 1982 est la suite logique pour le Canada-Anglais de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 avec en plus la Charte canadienne des droits et libertés. L’État-Nation canadien est un prototype de la nation au sens intégral. L’accent est mis sur l’État qui est doté de la souveraineté politique complète.
Toutefois, dans le second cas de figure, l’État-Nation se présente comme un groupe de nations ou une seule nation (au sens général), mais le tout est soumis à l’action et aux lois d’un gouvernement souverain.
Dans cette situation, l’accent est mis sur le rôle puissant d’intervention, d’organisation du pouvoir politique. La force politique, c’est la tête. Il faut donc souligner le rôle imposant de l’État pour réglementer, soutenir, corriger, défendre la vie collective nationale qui permet à l’organisation collective d’une Nation, maîtresse et forte chez elle, d’être en mesure et être capable de surmonter et d’assimiler finalement les influences extérieures. Dans ce cas, l’idée de souveraineté d’«égal à égal» est possible que pour la nation au sens intégral, c’est-à-dire de la nation reconnue internationalement indépendante. Par conséquent, il s’agit de la nation (infra au sens sociologique) qui maîtrise comme majorité un État souverain.
[3] La réponse à la troisième question est plutôt considérée sous l’angle sociologique, culturel surtout. C’est un groupe distinct et différent qui semble s’être formé spontanément. La nation québécoise est souvent perçue comme un milieu avant tout culturel qui imprègne et caractérise l’individu. L’insistance est mise sur l’unité (et la valeur) de la culture distincte de la communauté. L’organisation politique dans le sens de la deuxième question serait moins prioritaire quoique les tenants de cette conception de la nation admettent la nécessité d’une économie nationale. Par contre, ils sous-estiment les rapports avec le politique et, partant, du rôle important de l’État. Il faut donc en arriver obligatoirement au quatrième sens de la nation.
[4] La réponse à la quatrième question est centrale pour une collectivité nationale qui désire assumer son destin. Il s’agit de la nation indépendante sous tous ses aspects politique, économique et culturel. Tous les aspects de la vie d’une société sont considérés comme un tout «un» et complexe dont les aspects sont liés les uns aux autres. Cette vie nationale repose sur l’agir (par soi) collectif de la société.
Tel est le cas de figure de la nation qui jouit de la «vraie» souveraineté dans tous les aspects (politique, économique et culturel). Cette capacité d’agir (par soi) collectif est nécessaire directement et indirectement dans tous les aspects qui entraînent la pleine maîtrise de sa vie politique, de sa vie économique et de sa vie culturelle. Les privations, les limitations ou les subordinations constituent une perte d’indépendance. Elles entravent les capacités de maîtrise politique de l’État national nécessaire au développement intégral de la société nationale. Car une nation indépendante se doit de tirer le maximum de sa vie intérieure afin de pouvoir bénéficier au maximum de ses relations extérieures.
Ce gain est capital pour une nation qui est annexée ou provincialisée, donc privée de son autonomie collective complète dans le monde. Cette recherche, cette défense et cette affirmation sont absolument nécessaires pour être une nation indépendante. Dans cet esprit, le projet de création d’un Institut de recherche sur l’indépendance (IRSI) par Monsieur Pierre Karl Péladeau constitue la meilleure suggestion prise par le mouvement indépendantiste depuis 50 ans.
Les Québécois doivent croire à leur destin et assumer pleinement leur liberté collective nationale.
Bruno Deshaies Répondre
26 mars 2015@Marc Boutin
Cher Monsieur,
Vous soulevez un bon point au sujet du concept d’indépendance. Le mot fera peur tant et aussi longtemps que les indépendantistes n’accorderont pas à ce concept son sens intégral. Par exemple, dans le dossier de l’immigration, le réflexe de s’appesantir sur des questions de quantification des dépenses de l’État central dans ce domaine par rapport à la portion congrue qui revient à l’État local québécois ne change en rien les fondements constitutionnels du PARTAGE des pouvoirs et des revenus dans notre régime fédéral. C’est l’État canadien qui est le détenteur majeur de ces partages du pouvoir étatique du fédéralisme canadien. Ce «chialage» ne nous rapporte peu sinon d’indisposer le gouvernement fédéral à notre détriment.
Par contre, si l’on voyait le problème dans l’optique indépendantiste, il faudrait expliquer à la population québécoise que nous ne détenons pas ce pouvoir exclusif de tout État souverain. Par conséquent, le Québec maîtrise uniquement qu’un pouvoir local, restreint, qui le prive d’assumer entièrement ce domaine des relations avec les autres pays souverains. Le même raisonnement doit s’appliquer à tous les autres pouvoirs accordés constitutionnellement à l’État canadien. Penser à tout ce qui se passe dans le domaine des télécommunications. Le Québec est totalement subordonné aux politiques fédérales. Penser encore à la bizarrerie des Chaires du Canada au sujet du financement de nos universités sur le territoire québécois. C’est un autre aspect des compétences provinciales qui échappent à État québécois. Penser encore à l’agriculture, une compétence partagée entre le fédéral et les provinces. L’État fédéral a la primauté sur les politiques nationales contrôlées par l’État canadien. (Cf. Bruno Deshaies, «1er Juillet 2014 L'Indépendance du Québec revisitée.» INDÉPENDANCE NATIONALE DU QUÉBEC 418. Dans Vigile.quebec 2014-07-07)
Toutes ces privations sont la conséquence du statut d’une nation annexée. Et c’est le cas du Québec et pour toute nation subordonnée dans n’importe quelle union fédérale. Ce n’est plus être colonisé mais plutôt être annexé, subordonné et superposé au sein d’un État souverain unique. Ce qui est dans les faits, pour la nation annexée, de l’oppression essentielle. Cette situation d’annexion implique la perte de l’agir (par soi) collectif de la nation provincialisée.
Résumons. Le problème de l’indépendance politique du Québec réside dans le partage des pouvoirs et des revenus. Or, la souveraineté de l’État ne se partage pas pour la nation souveraine. Et ce ne peut être le fait que de la nation indépendante, c’est-à-dire au sens intégral. Ce qui met en cause toutes les formules subtiles découlant des raisonnements dans l’optique fédéraliste.
Archives de Vigile Répondre
23 mars 2015ADRESSE A M. Peladeau . Pour vehiculer vos messages SUR LA SOUVERAINETE IL VOUS FAUDRAIT VOUS ENTOURER DE BONS COLLABORATEURS.. En parcourant les chroniques VIGILE.NET je me suis apercu que M. Bruno Deshais est un de ceux qui vos aideraient surement a faire connaitre aux yeux des Quebecois ce qu'il adviendrait d'un Québec independant. Je crois l'importance de ce qu'il faut faire avant tout..beaucoup sont ignorants et appeures par ce simple mot prononce =INDEPENDANCE== BONNE CHANCE ET PERCEVERANCE MERCI
Bruno Deshaies Répondre
21 mars 201521 mars 2015 16h44
L’immigration, un très vieux problème dans la constitution canadienne, mais ce n’est pas le seul
Les rapports Québec vs Canada nous donnent du fil à retorde depuis plusieurs générations. La question de l’immigration, entre autres, fait partie du problème constitutionnel canadien.
Monsieur Péladeau a tout simplement montré l’une des privations collectives que vit l’État du Québec dans le régime fédéral canadian. Cependant, il a commis l’erreur dans sa déclaration de parler de «votes» et de circonscriptions électorales favorables aux fédéralistes. Conséquemment, un tollé de bonne conscience de foi fédéraliste s’est subitement élevé pour dénoncer un état de fait qu’il ne faudrait pas admettre. Alors, haro sur le baudet !
Dans ce contexte, j’ai reçu d’un citoyen de la région de l’Outaouais ce commentaire à la suite du spectacle de Sugar Samy (de son vrai nom Samir Khullar, né le 29 février 1976) : «Un jeune immigrant (indien de l'Inde) drôle, mais pas toujours, qui rêve d'une meilleure intégration du nous; le fameux vivre ensemble! Il y aurait toute une psychanalyse des ethnies à faire au Québec. On mange pas la main du maître, on (ils) la lèche(nt) des deux côtés! ;-). » Vous comprenez.
Voulons-nous vraiment comprendre ce que c’est qu’une union fédérale ?
Cela dit, dans une union fédérale très centralisée, l’État local subit des privations considérables, d’autant plus que ses habitants forment finalement une collectivité minoritaire dans l’ensemble du système politique pancanadien. Toutefois, la nation québécoise détient majoritairement jusqu’à ce jour la majorité dans la Province de Québec.
Démocratiquement, cette majorité a des droits en vue du BIEN COMMUN de la société québécoise que le Canada-Anglais ne peut pas satisfaire. Objectivement, seul un Québec indépendant pourra y réussir «nationalement» que dans le statut de nation indépendante.
Les Québécois indépendantistes disent tout simplement que le partage des compétences du régime fédéral canadien ne lui convient pas pour se réaliser collectivement comme nation. Une idée que Doris Lussier a su mettre en valeur dans son article de 1974. Le Québec est arrivé dans son évolution historique à assumer son agir (par soi) collectif selon ses propres valeurs, ses propres intérêts et ses propres ambitions nationales parmi le concert des nations indépendantes. Pour y arriver, Monsieur Péladeau aura besoin de s’entourer d’une bonne équipe qui sera capable de comprendre l’optique indépendantiste.
Dans l’optique indépendantiste, il est évident que l’immigration fait partie des pouvoirs complets d’un État québécois indépendant. Cette revendication concerne aussi tous les autres pouvoirs qui sont de la responsabilité du gouvernement canadien actuel (cf. l’article de L’Engagé).
Bruno Deshaies Répondre
18 mars 201518 mars 2015 16:50
Le malaise des péquistes au sujet du concept d’indépendance
Les 60 dernières années démontrent que le concept de nation indépendante n’est pas clair dans l’esprit des péquistes. Cette difficulté demeure depuis la création du Parti québécois. Disons-le franchement, le concept d’indépendance n’est pas un concept fourre-tout. La nation indépendante au sens intégral, Doris Lussier a su l’exprimer assez clairement avec des mots justes. Il a même su rappeler la longue histoire de 440 ans, en 1974, de ce groupe humain de Français qui sont venus explorer et peupler le continent américain.
Le temps historique est une totalité. La complexité des événements et des grands phénomènes sociaux sont à prendre sérieusement en considération. Car tout citoyen, comme tout historien, doit comprendre que les limites chronologiques ne sont qu’une fiction commode. Chacun doit apprendre que ce qui se passait hier appartient aussi à l’histoire qui se fait jusqu’au présent immédiat.
Le citoyen devant l’histoire
Prenons l’exemple d’un citoyen exemplaire, notre premier ministre du Québec, monsieur Philippe Couillard, qui vient tout récemment de proclamer haut et fort, en marge d'un colloque du Parti libéral à Québec tenu le 14 mars à Sillery, sa «foi» fédéraliste en opposition à la voie indépendantiste. Il n’hésite pas à déclencher les hostilités contre les «séparatistes». Il lance à la face de la population, d’une façon catégorique, un message qui soutient que «c'est un discours révolu qu'il faut faire cesser», rien de moins, car il «appartient à l'autre siècle» ! En voici maintenant la déduction logique : «Les Québécois ne sont pas humiliés, pas victimes de rien, ils sont au contraire très prospères et très confiants…» Insatisfait de cette explication, il ajoute autoritairement avec toute l’autosuffisance qu’on lui connaît : «L’indépendance est une catastrophe économique…» Et vlan ! Il a le bon pas et le bon ton ! À peine un an après la prise du pouvoir à Québec, il fonce à fond de train avec les postulats de l’idéologie de l’optique fédéraliste (voir le compte rendu dans La Presse et Le Soleil. Le style du gouvernement libéral a pris forme. On peut même parler du trio Couillard, Coiteux et Barrette. Ils croient dur comme fer aux vertus de la rigueur économique, mais il n’ose pas dire qu’ils poursuivent les finalités du libéralisme économiquede la droite politique républicaine américaine.
La position du parti libéral
Le premier ministre voulait ainsi répondre à une déclaration de Pierre Karl Péladeau sur le fait que les Québécois sont des «colonisés». En effet, on est colonisé par ANNEXION à une autre colonisation britannique depuis 1760. La DÉFAITE a été brutale ; elle a eu des répercussions générales sur l’histoire politique et, par ricochet, sur l’évolution générale économique et culturelle des deux Canadas. Cette annexion a connu son dénouement, en 1840, par l’UNION des deux Canadas – cette confirmation constitutionnelle de la subordination politique de voisinage qui demeure le statut constant de la nation québécoise.
À contrario de ce que pense notre Premier ministre libéral du Québec, Doris Lussier constate une réalité bien différente. «L’indépendance, écrit-il, ce n’est que l’expression politique de l’instinct de conservation de la nation québécoise. Bien plus − et ceci comporte un élément tragique auquel seuls les esprits déjà colonisés et plus ou moins dénaturés peuvent être insensibles − l’indépendance est pour la nation québécoise une question de vie ou de mort.» Est-ce «un discours révolu» ? Faut-il «le faire cesser» ? Voilà où nous sommes rendus avec les hypocrites de libéraux démocrates au pouvoir actuellement à Québec.
Ces défenseurs agressifs de l’optique fédéraliste et soumis à l’impérialisme de l’État canadian occultent le fait que les chefs du Canada anglais pèsent, du point de vue de Doris Lussier, «de tout leur poids de majorité dominante, ils s’évertuent à toujours retarder l’échéance des changements constitutionnels.» Monsieur Philippe Couillard ne fait donc que confirmer son attitude excessive de défenseur de l’idéologie fédéraliste. Il ne voit absolument rien ni dans le rapatriement de la constitution canadienne ni des suites qui ont affaibli constitutionnellement le Québec nation. La chanson du va-tout-à-l’économique est connue comme l’histoire de l'effet du disque qui saute.
La position du Parti québécois
Le Parti québécois doit se mettre au travail sur des bases plus solides que celles qu’il croyait les meilleures. Il doit expliquer à la population québécoise avec tout le vocabulaire approprié la nature de ce que doit être la nation québécoise indépendante. Ce parti doit s’atteler à la tâche et penser dans l’optique indépendantiste. Les 60 dernières années ne laissent aucun doute sur l’incapacité du parti à cesser de tergiverser et de finasser sur l’objectif. Les mots sont les mots ! Il faut les bons mots pour expliquer et convaincre. Le Parti québécois doit procéder à une révision déchirante de son mode de penser la souveraineté de l’État québécois souverain. Il doit mettre fin au malaise interne de ce parti. On comprend pourquoi. Ses représentants n'en finissent pas de nous parler de référendum, de constitution, même de constituante ou, surtout, d’un programme politique idéal qui nous donnerait tous les contours du pays à bâtir. Encore faudrait-il que la nation soit indépendante ?
Les Québécois ne sont pas assez sots. Ils comprennent que la société québécoise d’aujourd’hui fera partie du «pays» de demain. Ils veulent savoir ce que le PQ, comme formation politique, entend leur dire sur la souveraineté de l’État du Québec. Une nation indépendante a un besoin absolu de la jouissance d’un État souverain à l’interne et à l’externe. Pour y arriver, il faut plus qu’un programme politique souverainiste mais un discours indépendantiste accessible à la majorité des Québécois. Il faut un message codé que les individus pourront décoder facilement et comprendre. Puis, il faudra comprendre la réponse codée par les individus dans la société. Le processus n'est pas aussi simple que les politiques peuvent l'imaginer.
Pour l’heure, le ton n’est pas encore donné. Les divisions conceptuelles internes demeurent interminablement insurmontables (parfois insupportables). Un coup de barre doit être donné. Espérons que cette course à la chefferie mettra fin au byzantinisme des membres de ce parti. Une lueur d’espoir semble naître avec la possibilité de la création d’un Institut de recherche sur l’indépendance.
Le nouveau chef de ce parti aura la lourde tâche de trouver le moyen de mettre fin au malaise intrinsèque au PQ. Chacun de son côté ne peut pas avoir sa petite idée, à sa façon, sur la fin visée. Il faudra des échanges sérieux et méthodiques pour y arriver. C’est le problème prioritaire à résoudre sans délai pour mettre fin à l’embrouillamini du discours péquiste. La population attend des indépendantistes un véritablement changement de comportement politique sur l'explication du concept d'indépendance d'une nation.
Si l’indépendance est un bien en soi, il est grand temps de faire partager cet enthousiasme à une majorité de Québécois. Il faut donc unir les forces afin de préparer la conjoncture favorable au plan des idées. Des idées communes doivent être martelées dans un discours solidement charpenté avec respect, dignité et ferveur. Malheureusement, la méconnaissance du passé, l’agitation dans le présent, l’éparpillement dans l’universel et la cruelle absence de vision à moyen et long terme les handicapent. Ce sont des lacunes qui affaiblissent le mouvement indépendantiste. Au final, il faut des convictions fermes et sincères pour éradiquer le malaise conceptuel qui ronge les groupes indépendantistes.
Le bilan des 60 dernières années est nettement clair : c’est un échec. Les séances de réchauffement souverainistes entre eux n’ont pas donné de résultats tangibles. En face d’eux, la machine fédéraliste fonctionne en permanence avec des moyens cent fois supérieurs à ceux des souverainistes. La confiance, l’assurance et même l’arrogance du trio libéral a donné le dernier résultat électoral à l’avantage d’un gouvernement majoritaire accordé par l’électorat québécois au Parti libéral du Québec malgré toute la gabegie étalée au grand jour durant des mois et des mois devant la Commission Charbonneau.
Comme prix de consolation aujourd’hui, une grande entrevue avec Madame Pauline Marois sur «Le grand dérapage» de la réforme en éducation publié dans Le Soleil, 9 mars 2015. Madame Pauline Marois confirme : «Elle a tourné la page, finie, la politique active …] Elle a suffisamment enduré de gérants d’estrade pendant son règne…». Mais le grand dérapage des souverainistes : NIET ! (En complément, Marco Fortier, «[Le grand dérapage électoral?» Le Devoir, 5 avril 2014.)
Ainsi-soit-il ! Vive les voyages au Mexique, un pays indépendant.
ERRATA
- Correction au sujet du 3e paragraphe du début de cette chronique. Il faudrait plutôt lire de «leur incompréhension». Voici le paragraphe corrigé :
La société québécoise doit se poser la question : «Où sommes-nous rendus depuis 60 ans ?» Pierre DAVIAU s’était interrogé dans «Bilan du déclin du parti québécois en 2006» sur la fragilité des orientations péquistes. Il n’était pas le seul. Combien d’autres ont écrit sur Vigile pour alerter soit le gouvernement péquiste ou le Parti québécois de leur incompréhension envers les indépendantistes sincères et fervents.
- Au sujet de l’article de Doris Lussier. Une erreur de fichier s’est produite dans l’édition au format PDF qui a donné un paragraphe g) qui est en fait le paragraphe f) et le paragraphe h) devient le paragraphe g). Il a fallu refaire la mise en forme avec quelques petites corrections sur la deuxième colonne. Version corrigée le 17 mars 2015. VOIR : http://www.rond-point.qc.ca/blog/media/Vigile-427.Doris-Lussier_19741.pdf