1- L'indépendance et la réforme du fédéralisme renvoyés dos à dos
Lorsque René Lévesque procéda à l'abandon officiel de la souveraineté en 1984, pour épouser ce qu'il qualifia lui-même de « beau risque », le parti éclata ! Un clash semblable se produisit lors du départ de Jean-Martin Aussant, en 2011. Un autre mélodrame !
Mais à quoi riment donc depuis 50 ans ces crises devenues si prévisibles entre « indépendantistes déterminés » et « souverainistes associatifs » plus conciliants ? Une explication courante voudrait que la prépondérance d'un camp sur l'autre nous ferait avancer ou pas, que l'on s'approche du but ou qu'on s'en éloigne. Est-ce bien le cas ? Il est permis d'en douter.
Par un aveu surprenant, René Lévesque va nous aider à réfuter cet antagonisme apparent. En 1967, dans une sorte d'éclair de lucidité, il écrit : « le minimum vital pour le Québec est un « maximum ahurissant et tout à fait inacceptable » pour le Canada anglais ». Il ne pouvait mieux dire ! La conséquence immédiate de cette réalité mise à nue ne serait-elle pas de renvoyer dos à dos les deux camps autonomistes et leur réthorique concurrente ? Les renvoyer dos à dos tant les deux camps sont unis comme cul et chemise par leur refus de croire que tout ce qu'ils peuvent formuler constitue « un maximum ahurissant et tout à fait inacceptable ». Devant un tel mur d'intransigeance dénoncé par Lévesque, le comportement avisé ne serait-il pas d'adopter la position d'une résistance obstinée ? De se préparer à une lutte qui ne connaît pas de trêve ? Ne serait-ce pas chez les nôtres de s'armer d'une volonté à toute épreuve pour arracher quelques gains autour d'un « minimum vital » ? Que nenni. Des quatre passes d'armes d'importance contre Ottawa en cinquante ans, aucune d'entre elles ne satisfait aux exigences minimales de la rigueur et de la détermination qu'aurait dû inspirer le jugement tranchant de René Lévesque sur le Canada.
Le Canada maître absolu du jeu politique
Le Canada anglais a toujours été le maître absolu du jeu politique. En cinquante ans, le Québec a eu beau s'escrimer à formuler ses revendications minimales, ou maximales, il n'en fera aboutir aucune. Qu'on revendique un ajustement de statut ou l'indépendance c'est pareil. Le fédéral n'a jamais consenti à rien car rien ne l'obligea à infléchir son intransigeance. Rien ne l'obligea à réfléchir autrement qu'en ses propres termes sur l'avenir du Canada. La contestation du Québec, si elle a inquiété par moments, ne réussira jamais à s'imposer dans les équations du fédéral.
Vu sous cet angle, quelle différence y a-t-il en effet entre l'indépendance et un statut particulier pour le Québec ? En pratique, il n'y en a aucune car toutes les ambitions autonomistes se soldent par des échecs. Et les succès seront indéfiniment ajournées tant qu'une classe politique colonisée continuera de défendre avec si peu de sérieux les intérêts fondamentaux du Québec.
Sortir du coma politique
Pour repartir au combat les Québécois devront sortir du « coma politique » dans lequel ils sont entrés au lendemain du référendum de mai 1980. Comprendre que la « Confédération n'a jamais été un pacte librement consenti avec un partenaire de bonne foi, mais une condamnation irrévocable, suivie d'un enfermement perpétuel », comme l'explique Me Christian Néron, constitutionnaliste, consulté pour cet article.
Les graves carences de leadership ont commencé dès le début avec Lévesque qui a vite oublié sa propre lucidité. Au lieu d'accorder ses actes avec sa lumineuse précaution, il a gravement sous-estimé l'entêtement -prévisible- du Canada à conserver le statu quo et ne s'est jamais préparé à mener un combat opiniâtre et de longue haleine. Faisant volte-face, il a cru ( ou fait croire ? ) que le changement de statut du Québec pouvait se décider dans la courte parenthèse d'un référendum. Une parenthèse ouverte pour aussitôt se refermer.
Un navire amiral sans pilote
À chaque fois que des occasions de marquer des points à notre avantage se sont évanouies, les plus déterminés ont mis la faute de l'échec sur le compte d'un pilotage par les « réformateurs du fédéralisme ». Cette explication ne tient pas la route car elle refuse de voir que nos échecs successifs ne viennent pas des erreurs du pilote mais de l'absence totale de pilotage. C'est ahurissant, mais il est temps que les passagers comprennent qu'il n'y a jamais eu de pilote à bord du navire amiral ! La peur maladive de s'emparer du gouvernail a toujours été le comportement typique de l'état major national canadien français depuis Georges-Étienne Cartier, dès 1864. Une faiblesse morbide qui a continué sa belle carrière tout au cours de l'ère péquiste. Bye bye libération !
De la Révolution tranquille à colonisés tranquilles
Les prétentions si souvent répétées que la fameuse « révolution tranquille » nous aurait libérée de notre mentalité de colonisés ne seraient, finalement, que des prétentions, c'est-à-dire de belles illusions. En fait, le Canadien français se complaît dans son statut de colonisé, un conditionnement dont René Lévesque nous a fourni l'exemple le plus patent et le plus dramatique.
En réalité, et c'est là toute l'affaire, que ce soient les « indépendantistes » ou les « provincialistes » qui montent au créneau, nous restons essentiellement dans la distraction coloniale des voeux pieux et des programmes enluminés. On a toujours cru aux vertus d'un combat policé et « positif », préféré les démonstrations de viabilité d'un Québec indépendant, choisi la «pédagogie» au détriment d'une lutte politique qui pourrait mettre sur la défensive le fédéralisme destructeur. Le fond du problème reste le déni de l'éléphant dans la pièce. La problématique que pointait Lévesque et que tout le monde a oublié, lui le premier.
Le Canada remporte la bataille des mentalités
La conséquence se devine aisément, en refusant de faire son procès on a donné le champ libre au Canada qui a gagné la bataille des mentalités, une victoire qu'il savoure depuis le référendum de 1995. À tel point que beaucoup de ceux qui voteront Parti québécois aux élections de 2018 sont persuadés de son bon droit, de sa bonne foi et de sa supériorité morale. Dans une futile quête de modernisme électoral, qui ne valorise que les messages positifs et réprouve toute référence aux rapports de domination, le PQ a renoncé à transmettre l'esprit de résistance canadien français, jugé méprisable et révolu.
2- Les quatre tentatives pour modifier le statut du Québec depuis la création du Parti québécois (50 ans)
Pour le René Lévesque de tous les jours et en fin de compte toute la tradition péquiste, la promotion de « la cause » ne s'est jamais séparée de ses ambivalences à l'endroit du Canada. On ne s'est jamais affranchi d'une auto censure qui, bien que ponctuée d'occasionnels coups de gueules, s'est toujours interdit d'instruire la fourberie du fédéralisme et de ses méfaits. C'est dans ce contexte de psychologie politique que se sont déroulées quatre tentatives de changer le statut politique du Québec.
La première
Quand René Lévesque nous lance le soir de la défaite référendaire son « À la prochaine! », c'est qu'il renonce à poursuivre le combat par tous les autres moyens légitimes qui sont à sa disposition. Il venait de s'écraser sous la peur et nous conseille d'en faire tout autant.
Pour Guy Laforest, « Toute analyse sérieuse des documents de l'époque révèle l'ampleur du désarroi de René Lévesque et de son gouvernement au lendemain de l'échec du référendum sur la souveraineté-association de mai 1980. Rien ne fut fait pour préparer stratégiquement les lendemains d'une possible défaite ».
La deuxième
Quand en 1981, revenu bredouille et trahi d'Ottawa, une performance marquée par l'impéritie de la délégation du Québec, il soufflera de nouveau sur les braises de l'indignation nationale, ce sera pour s'employer à les éteindre quelques mois plus tard. Il renverra aux douches ceux qui, le prenant encore pour un chef, étaient montés - pour une deuxième fois - aux barricades à son appel.
Il vaut la peine de citer de nouveau Guy Laforest qui donne un compte rendu absolument dévastateur du comportement de la fine équipe Lévesque-Morin :
« Sur le terrain de l'alliance avec les provinces récalcitrantes aux initiatives unilatérales de M. Trudeau [père], et notamment dans la guérilla diplomatique menée à Londres, le gouvernement Lévesque (…) est constamment resté sur la défensive, paraissant souvent incohérent et désorganisé.« Le 16 avril 1981, trois jours après la victoire électorale de René Lévesque et du Parti québécois contre les libéraux dirigés par Claude Ryan, le gouvernement du Québec a accepté, dans un document qui consolidait un front commun de provinces opposées aux projets de M. Trudeau, une formule d'amendement qui substituait le principe d'un retrait avec compensation financière au droit de veto du Québec. Cette décision fut entièrement improvisée. (…) Le Québec aurait pu beaucoup mieux gérer l'enjeu du droit de veto, n'acceptant d'y renoncer qu'au lendemain d'un accord global auquel il aurait pu souscrire.
«...Entre 1978 et 1982, Claude Ryan a incarné au Québec une vision du renouvellement du fédéralisme canadien en harmonie avec les intérêts du Québec comme société nationale et distincte. Pour protéger le Québec, le gouvernement Lévesque aurait pu faire un bien meilleur usage des lumières et de la bonne volonté de M. Ryan. Certes, la politique est affaire de combat; (...) Toutefois, Lévesque a choisi de ne jamais intégrer Ryan dans un dessein stratégique visant à contrer les projets de M. Trudeau. (...) Lors de la fatidique semaine des négociations constitutionnelles de novembre 1981, M. Ryan a essayé d'entrer en communication avec M. Lévesque et son équipe. Ses appels n'ont jamais eu de réponse.«Véritable cafouillis. Sur le front judiciaire, le Québec et ses procureurs sont allés à quatre reprises devant les tribunaux en 1981 et 1982. Leur performance fut peu impressionnante. Pourquoi remplacer l'équipe en place par l'ex-juge de la Cour suprême, Yves Pratte? Pourquoi attendre de très longues semaines avant de décider de soumettre la question du droit de veto du Québec en renvoi à la Cour d'appel du Québec après novembre 1981? Pourquoi ne jamais avoir plaidé, sur la base de l'article 94 de la Loi constitutionnelle de 1867, la nécessité du consentement de l'Assemblée nationale du Québec pour toute réforme touchant la juridiction des provinces sur la propriété et les droits civils, invasion reconnue par le gouvernement fédéral lui-même et par les décisions antérieures des tribunaux? «Si l'oeuvre d'ensemble paraît peu cohérente et souvent improvisée, cela s'est révélé sous son jour le plus cru lors de la conférence constitutionnelle de novembre 1981: climat anarchique et peu professionnel dans l'entourage de proximité de M. Lévesque, équipe ministérielle d'appui de second ordre, cafouillis total de René Lévesque lui-même et de son équipe à la suite de l'offre référendaire de M. Trudeau le matin du 4 novembre, absence de vigilance lors de la dernière nuit de la conférence. »
La troisième
Quand le Canada a renié sa parole – une autre fois – et que l'Accord du lac Meech a
fait long feu, Robert Bourassa, premier ministre à l'époque, se retrouve avec des atouts qui lui permettent de rebondir. Mais il laisse passer le temps pour faire oublier son renoncement à faire suivre par des actes les paroles de son discours prometteur du 22 juin 1990, il s'écrase.
La quatrième
Dans la foulée du refus de procéder de Bourassa, Parizeau profite de l'indignation de l'échec de Meech, qui demeure encore vivace, pour repartir au front. Il se lance non sans témérité dans une ré-édition de l'échec de Lévesque, une aventure référendaire bis, dans laquelle il placera toutes ses billes. Il démissionne le soir du référendum de 1995, un geste prématuré qu'il regrettera plus tard. Trop tard. Il avait renoncé sur le champ à contester des résultats contestables. Il s'écrase à son tour.
Tableau
Quatre tentatives inachevées pour modifier le statut du Québec
| Référendum (1980) | Rapatriement de la constitution | Négociations du lac Meech | Référendum (1995) |
Début | 16 nov. 1974 Adoption de l'étapisme | 15 sept. 1980 Conférence constitutionnelle | 30 avril 1987 Conférence constitutionnelle au lac Meech | 12 sept. 1994 Élection de Jacques Parizeau |
Fin | 20 mai | 17 avril 1982 | 22 juin 1990 | 30 octobre 1995 |
Protagonistes du Québec | René Lévesque-Morin | René Lévesque-Morin | Robert Bourassa (PLQ) | Jacques Parizeau |
Protagonistes fédéral | P-E Trudeau | P-E Trudeau | Brian Mulroney / P-E Trudeau | Jean Chrétien |
Raison de l'échec | Abandon du combat par René Lévesque (1er coma politique) | Négligence et irresponsabilité du camp québécois (2è coma politique) | Abandon du combat par Bourassa
| Abandon du combat par Jacques Parizeau (3è coma politique) |
Possibilité de réaliser des gains statutaires | Non (Demande de négocia-tions) | Oui (Négociations) | Oui (Négociations) | Non
|
Gains pertes réalisés | Perte | Perte + (droit de veto du Québec) | Neutre | Perte |
Possibilités de faire des gains en poursuivant le combat (mon estimation) | 40 p.c. | 60 p.c. | 90 p.c. | 60 p.c. |
Me Néron explique : « Quand René Lévesque ou Lucien Bouchard refusent de contester les décisions de la Cour suprême (sept. 1981) et l'imposition de la nouvelle constitution canadienne, ou d'exiger que ce dossier capital soit soumis en appel devant le Comité judiciaire du Conseil privé (Londres) ou encore que le dossier soit soumis à un tribunal international », là encore, les chefs se sont défilés devant leurs obligations. « Un combat institutionnel de la plus haute importance entre deux nations n'est-il pas un conflit inter-national ? »
Me Néron soutient qu'en matière constitutionnelle il ne faut jamais cesser de lutter pour le respect de ses droits les plus légitimes. Il donne en exemple la constitution de l'Angleterre, qui a presque mille ans, poursuit-il, et qui n'est faite que d'une succession de combats éprouvants pour la préservation de ses droits. Mais ici, chez-nous, il est interdit de se battre et, surtout, d'indisposer notre partenaire canadien ! « Le droit international coutumier ne reconnaît-il pas le droit de réclamer justice, et même de se faire justice lorsqu'il n'y a aucune autorité compétente pour le faire ? »
De la décolonisation des mentalités
En fin de compte, les Canadiens-français-québécois tentent la quadrature du cercle depuis 1867. Et en compagnie du PQ depuis 1968. Si les Québécois et leurs chefs continuent de rejeter a priori tout geste qui occasionnerait la moindre montée de tensions entre le Québec et le Canada, si après avoir renoncé d'avance à oser un rapport de force qui leur serait favorable ils réclament du même souffle un changement de statut, c'est de la foutaise ! Vu la moindre forme de pugnacité, du moment que le Canada bombe le torse, vu la facilité avec laquelle nos chefs de file décrochent avant terme et plient armes et bagages, le Québec se présente désormais au Canada comme un joueur qui a décidé de s'exclure lui-même du jeu.
Tout ce temps, les chefs péquistes ont pu masquer leur manque de leadership et de persévérance par le report de leurs échecs sur le dos d'une population qui n'a pas suivi. Naturellement, ils ne disent pas qu'il n'y avait plus rien ni personne à suivre. N'est-il pas de l'ordre de la sagesse populaire de refuser de suivre un chef qui n'a pas de stratégie, qui ne croît pas en sa cause et qui s'incline au premier vent contraire ?
Mais que la population n'ait pas suivie n'est au fond qu'une demi vérité. A-t-on oublié qu'au sommet des espoirs qu'il a suscité, le Parti québécois comptait 300 000 membres ? Soit près de 5% de la population francophone ! Aujourd'hui il en a dix fois moins. Après l'échec du lac Meech, les appuis à la souveraineté atteignaient un sommet historique et 70 % de la population était prête à défier le statu quo canadian et suivre Robert Bourassa dans tout processus légitime qu'il aurait initié en ce sens. Il serait plus juste de conclure que la volonté populaire a été sacrifiée.
Par exemple ici : le soir du 30 octobre 1995, Jacques Parizeau, dans un message de dépit, renvoyait chez eux ses militants. N'était-ce pas un message d'abdication envoyé à la population ? Qu'il nous fallait assumer une autre défaite ? Comme Lévesque avant lui, il nous a laissé avec un sentiment de grande amertume, comme si nous n'avions pas perdu un combat mais que nous avions perdu la guerre ! Comme sur les plaines d'Abraham : la défaite. À la différence qu'en 1980 et 1995, on consentit à la défaite par une décision unilatérale de mettre fin aux hostilités après une simple période de réchauffement. La démobilisation des Québécois se poursuivait petit à petit.
En face, au Canada, on ne faisait pas dans la dentelle. « Nous étions en guerre », c'est par ces mots qu'on justifia, sans aucun remords, la violation systématique de la loi référendaire du Québec, une nouvelle agression dans un rapport de domination permanent.
Si bien que, depuis cinquante ans, ce qu'il conviendrait d'appeler chez-nous la contradiction principale est un chantier désert. Comme si celle-ci ne se situait pas entre le refus du Canada anglais de faire toute concession, et la volonté des « descendants des vaincus » de briser les cadres d'une prison constitutionnelle dans laquelle on les a enfermés, leurrés par des promesses aussitôt trahies. Faute de mettre cette contradiction au premier plan du combat politique, sauf de cibler correctement l'ennemi, toutes les nuances de la mouvance autonomiste ne peuvent que se retrouver dans une foire d'empoigne perpétuelle. Inversement, mettre la question de l'intransigeance du Canada sur la sellette, démaquiller l'hypocrisie de sa démocratie, dénoncer ses promesses trahies – dont plusieurs ont une valeur solennelle ou constitutionnelle – ne pourrait que renforcer notre unité.
Lévesque-Morin – Un scandale national
On ne peut conclure cette analyse de cinquante ans d'échecs constitutionnels sans revenir sur la désinvolture, l'improvisation et, somme toute, l'irresponsabilité du tandem Lévesque-Morin à l'occasion des délibérations qui conduisirent au rapatriement de la Constitution. Il y avait là pour le Québec une occasion de faire des gains sur le «minimum vital», voire plus. Mais le Québec, en raison de la pauvreté extrême de sa direction politique, est non seulement revenu d'Ottawa les mains vides, mais déshabillé ! Il avait renoncé à son droit de veto pour un plat de lentilles. Une bande d'amateurs aux commandes d'un navire sans gouvernail ! Une équipée dont le second de bord était un agent d'influence du fédéral tenu par la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Un scandale national jamais dénoncé par l'entourage de Lévesque, voué à ne pas ternir sa réputation.
Le projet de décolonisation psychologique qui avait bien commencé dans les années 1960 s'est vite étouffé avec le plus attendrissant de nos colonisés, René Lévesque. Il rejeta non seulement le RIN mais toute notre tradition survivaliste et de résistance. Si beaucoup continuent de l'aimer autant c'est sans doute parce que c'est lui qui réunit le mieux les faiblesses de la typologie québécoise.
On a cru bien trop vite achevée la décolonisation des esprits. Nous l'avons confondue avec une perméabilité toute grande à la culture américaine, laquelle se juxtaposait au rejet de nos traditions culturelles et religieuses sans trop de discernement. La révolution tranquille, portée par un baby boom regorgeant d'énergie, nous a bien abreuvés et nourris aux agapes d'une aliénation accrue. Un rejet radical du passé qu'on a pris pour une oeuvre de libération. Nous en voyons aujourd'hui les résultats. Entre la publication du livre Pourquoi je suis séparatiste ?(1961) de Marcel Chaput et Naître colonisé en Amérique (2017) de Christian Saint-Germain, nous avons traversé un trou noir, pour ne pas dire une grande noirceur.
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6 commentaires
André Gignac Répondre
23 novembre 2017Monsieur Verrier, vous avez tout dit avec cet excellent texte. Selon moi, le RIN n'aurait jamais dû se fusionner avec le PQ qui est un parti fédéraliste depuis sa fondation. Ce n'est pas pour rien que la plupart de ses chefs se sont écrasés dans les moments cruciaux face au gouvernement fédéral. Qui s'assemblent se ressemblent! Pierre Bourgault a été le seul chef véritablement indépendantiste au Québec.
André Gignac 23/11/17
Éric F. Bouchard Répondre
22 novembre 2017Plutôt qu'une question de pilote ou de manoeuvre, n'est-ce pas plutôt le navire amiral (la québécitude) qui nous coule? Tant que l'objectif avoué était l'émancipation politique de la nation canadiense-française (l'objectif du RIN), la résistance était possible. Elle ne l'est plus depuis. Les nationalistes ne devraient-ils pas y réfléchir?
Pierre Bouchard Répondre
21 novembre 2017En principe au PQ, seuls les autonomistes, les héritiers de Lévesque, qui sont majoritaires, refusent de croire ce qu’en dit Lévesque, « le minimum vital pour le Québec est un « maximum ahurissant et tout à fait inacceptable » pour le Canada anglais », ce qui est une évidence pour moi et pour plusieurs, depuis toujours. Ils refusent d’admettre que le Canada est véritablement un ennemi qui est en train de nous anéantir.
Dans l’autre camp, les tenants de l’indépendance, il y en a beaucoup qui s’appuient sur un référendum pour le pays obtenu instantanément. Sans préparation, sans alliance, sans rapport de force, ils demandent au maitre du jeu de respecter les règles, les règles mathématiques démocratiques dénuées des contextes sociaux, économiques et politiques. Ce blocage est fort, ils ne peuvent prétendre à plus de lucidité que l’autre camp. Il leur est inconcevable que le Canada puisse nous faire la guerre réellement, tasser la légalité, ignorer sa propre Constitution, utiliser la force avec les moyens qu’il faut pour annuler toute victoire québécoise qui entrainerait une perte pour lui.
Pour moi les héritiers de Lévesque sont dans le champ et nient la réalité. Je suis plutôt un héritier du RIN. Mais avant de rechercher l’indépendance ou une réforme du Canada, il faut se défendre tout de suite, présentement et à tous les jours.
Le plus important, aujourd’hui, n’est pas de construire le pays du Québec mais d’abord de combattre le Canada qui nous empêche de vivre, nous battre pour nos droits, « mettre sur la défensive le fédéralisme destructeur. Le fond du problème reste le déni de l'éléphant dans la pièce. » Moi je voudrais que le Québec soit un pays un jour, je voudrais qu’il puisse s’épanouir lui-aussi sur cette planète. Mais pour l’instant nous sommes en danger de mort, je veux surtout que notre peuple ne meure pas.
Pour ceux pour qui ce n’est pas clair, voter PQ n’est pas une solution, ça ne nous empêche pas de continuer à disparaitre. Le Canada resserre toujours plus son carcan. Quand on regarde l’histoire depuis 1995 en accéléré, on dirait un ouragan qui arrache des bouts de ce que nous sommes. Depuis 22 ans maintenant, le PQ ignore cela, c’est dramatique, c’est irresponsable et c’est condamnable.
Vous avez raison, il faut exister d’abord face au ROC, il faut se battre lorsque nécessaire, c’est une question d’attitude, c’est le gros bon sens. Que se lève enfin un chef libéré de ce colonialisme. Car vous avez raison à propos des colonisés tranquilles, on le voit avec le PQ lui-même : en s’en remettant à un référendum du Grand Soir, le PQ se cache derrière la population, il attend qu’elle dise oui, il n’ose jamais prendre le leadership et entrainer les Québécois à sa suite.
Comme le montre votre tableau, les intentions de votes favorables à la Cause ont été à leur maximum lors des confrontations avec le fédéral. Comme le PQ a abandonné le combat depuis 1995, il a perdu toute crédibilité. C’est pour ça que quoi qu’il fasse, aux prochaines élections, il arrivera troisième.
Aujourd’hui, c’est comme si le PQ, avec près de 40% de la population favorable à la souveraineté, avait créé un monstre. Au lieu de profiter de ce bassin énorme que tout parti politique envierait, un peu comme le font les libéraux avec les anglais, le PQ chicote sur tous les détails qui se présentent et permettent de ne pas s’occuper de l’essentiel.
Pierre Bourassa Répondre
21 novembre 2017''le nombre des visiteurs sur cette chronique est passé de plus de 150 à 80 vers 19h00 ''
Dans une catégorie moins importante que la vôtre,l'espace blanc qui apparait à la fin de ma dernière phrase se devait être une photo de Fred Pellerin et de Gilles Vigneault,mais il semble que le site ne prenne plus les photos.Pourtant j'y avait placé le lien tel qu'indiqu..Cette photo précédait le lien du film Le Goût d'un Pays,film qui remet les pendules à l'heure,les pieds sur terre et les points sur les '' i '' .
Gilles Verrier Répondre
20 novembre 2017Merci monsieur Bourassa de ce commentaire éclairant. L'accumulation des coincidences ne peut que rendre suspect. Je serais quasiment tenté de vous donner raison, il y avait un pilote mais pas celui qu'on pense.
Je veux aussi signaler qu'en raison de problèmes techniques - mise au point de la nouvelle plate forme informatique - le nombre des visiteurs sur cette chronique est passé de plus de 150 à 80 vers 19h00 le 20 novembre. Ceci serait explicable par l'élimination de ma chronique de la rubrique Tribune libre, le cumul des visiteurs n'ayant pu être réalisé. Bon courage aux artisans de Vigile qui font tout leur possible pour remédier à ces bogues.
Pierre Bourassa Répondre
20 novembre 2017''C'est ahurissant, mais il est temps que les passagers comprennent qu'il n'y a jamais eu de pilote à bord du navire amiral ! ''
Je réfléchissais à ça dernièrement justement, et j'en suis arrivé à la conclusion qu'il y avait bel et bien un pilote à bord du navire amiral, mais pas pour les mêmes raisons.Rappelons-nous que ce sont des fédéralistes qui ont soumis l'idée du référendum à Claude Morin,qui lui, a convaincu Lévesque d'en tenir un en 1980,idée reprise par Parizeau en 1995,sans garantie de reconnaissance par le fédéral en cas de victoire du oui.
En 2012,malgré le désastre clairement illustré du règne de Charest et du PLQ depuis 2003,Marois et le PQ font une campagne de merde,''incapables'' de profiter du contexte plus que profitable et qui ne leur vaudra finalement qu'un gouvernement minoritaire pour une durée d'un an et demi seulement.
2014, Marois ne s'assume pas,renie la Charte de la laïcité (pourtant populaire auprès des Québécois) et le PQ,le poing levé de PKP, puis pour sauver le soldat Balnchette,Pauline déclenchera des élections anticipées qu'elle perdra avec ce retour en force d'un PLQ majoritaire de surcroit.
2017,loi 62,Lisée ne fait pas la promesse qu'un gouvernement du PQ établirait une véritable Charte de la laïcité.
2017 Affaire Guy Ouellet,Lisée ne fait pas la promesse qu'un gouvernement péquiste établira l'élection du directeur de l'UPAC par un vote au 2/3 des membres de l'Assemblée nationale.
2017 La CAQ (parti fédéraliste) le fait : pour la Charte de la laïcité:Nathalie Roy en point de presse le 18-10-2017.François Legault pour l'UPAC le 02-11-2017 en période de questions orales à l'ASSNAT.
Depuis,la CAQ est en tête dans les intentions de vote. Elle n'a fait qu'écouter la population.Les sondages le disaient clairement.
Alors prétendre qu'il n'y a pas de pilote dans le vaisseau amiral est à mon avis erroné.La fréquence des esquives pour éviter de prendre les moyens pour accéder à notre indépendance ne peut plus être considérée comme des ''erreurs'' .Ce sont des gens intelligents.Ils(elles) ont les deux mains sur le volant et juste au bon moment tirent sur le gouvernail pour éviter de sortir du féralisme.C'est un constat amer, mais c'est celui auquel je suis arrivé.Lorsqu'il y a trop de coïncidences,il n'y a plus de coïncidences.
Le Goût d'un Pays
http://ici.radio-canada.ca/tele/1001-VIES/2015/episodes/378729/gout-pays-quebec-gilles-vigneault-fred-pellerin-cabane-sucre-sirop-langue