Indépendance politique du Québec numéro 435

Détour d’indépendance

Les indépendantistes arriveront-ils à «destiNATION»?

Chronique de Bruno Deshaies

PRÉAMBULE

Les débats d’opinion ne sont pas inutiles mais les indépendantistes doivent aller plus loin dans leur approche souverainiste. C’est pourquoi, j’ai fait plusieurs références à des commentaires pour illustrer mon propos. De tels commentaires, tout le monde en lit depuis des décennies et des décennies. Il n’en reste pas moins nécessaire d’entrevoir le futur sur le mode d’action. C’est ce que souhaitent faire en ce moment les dirigeants Catalans. Les mêmes préoccupations seront les nôtres dans les prochaines années sur les assises de l’indépendance politique du Québec.

Prétextant l’article de Réjean Parent, j’ai entrepris de mettre en évidence ces débats d’opinion très à la mode de nos jours dans les medias. Si bien qu’un texte de Bernard Cretin sur «L’opinion comme arrêt de la pensée» m’a conforté dans l’approche des conditions de l’action dans l’optique de la fin-en-vue pour les indépendantistes (cf. infra). Donc, comme il le dit, il faut «prendre conscience des problèmes». C’est ce que je me propose de suggérer dans la perspective de l’action. Le mouvement indépendantiste a besoin d’un Quartier général et de «groupes réels» pour préparer et soutenir l’action orientée vers le même objectif (1) . Surtout, il faut des idées mères qui guideront l’action du plus grand nombre d’individus et d’agents dans la société.

Commençons cette analyse à partir de l’article de Réjean Parent.

Réjean Parent, «Détour d'indépendance» . Journal de Montréal Lundi, 20 juillet 2015 09:53

«À force de faire des détours, les indépendantistes n’arriveront jamais à destiNATION. En soupant avec une amie vendredi soir, j’ai appris que le OUI Québec (Organisations unies pour l’indépendance) ne se positionnerait pas dans la prochaine campagne électorale fédérale. Il semble que certains membres de leur conseil d’administration ont comme priorité de débarquer Harper et selon eux cela passe par autre chose qu’un appui au Bloc québécois.»


RÉACTIONS

Voici trois commentaires choisis parmi une trentaine de réactions.

-* Victor Rieux Jul 21, 2015

Le Bloc ne fait pas fureur dans les sondages et le NPD trône au Québec. Le PC surprend et le PLC déçoit.

Que ce soit le NPD ou le PC au pouvoir, le nouveau gouvernement dirigera le Canada comme d'habitude depuis 1867 dans la langue de Shakespeare. C'est la force du nombre.

Désirons-nous un pays où les décisions se prennent en français? Désirons-nous un employeur qui décide en français?

Désirons-nous toujours des loisirs en langue française? Désirons-nous toujours écrire, lire, chanter, écouter, filmer et regarder en français?

Ce n'est pas vraiment ce que je constate depuis la défaite référendaire du 30 octobre 1995.

Les USA et l'Union européenne parlent anglais.

Je félicite toutefois Mme Merkel de ne parler qu'allemand partout où elle va dans le monde. Pas un seul mot en anglais. Quel pied de nez aux Gringos!

-* ID Ologie Jul 21, 2015

Le but du processus de votation en démocratie, c'est d'avoir le portrait de ce que la population désire. Or, si les gens ne votent plus pour ce qu'ils désirent, mais votent plutôt "stratégiquement" pour un parti parce qu'il a une meilleure chance de battre ceux qu'on ne veut pas, alors c'est probablement l'un des plus bel exemple que notre système de scrutin n'est plus adapté à la réalité, puisque le résultat du vote ne représente plus ce que les gens veulent vraiment.

Le mode de scrutin actuel fonctionne très bien lorsque l'essentiel de la lutte se déroule entre deux partis. Par contre, aussitôt qu'une lutte à trois (ou plus) se présente, ce système fini par se détourner de sa mission première de consultation publique.

Il serait plus que temps que nous nous dotions d'un mode de scrutin du 21e siècle. Mais malheureusement, ceux qui arrivent au pouvoir n'effectuerons jamais ce changement puisque c'est le système actuel qui les a porté au pouvoir et donc, cela fait leur affaire et ne changeront rien.

Mais en rapport avec la souveraineté... celle-ci n'est plus d'intérêt pour la plupart des jeunes générations car la souveraineté est passée, au fil des ans et des décennies, de projet de société à projet en apparence strictement politique. Et la politique, les gens s'en foutent de plus en plus en regardant aller ces bonzes en veston-cravate dire une chose une journée, et son contraire le lendemain, et ce, tous partis confondus. Donc, si la souveraineté se discute presque exclusivement dans des cercles et clubs politiques, ne pensez-vous pas qu'il est normal que les gens ne la voient plus comme un projet de société ? C'est juste devenu une autre "bébelle" de politicien qui permet de se lancer des tomates sur la place publique. Ce n'est pas ce que je pense, mais c'est ce que je constate en regardant le reste de la société.

Les gens se foutent de la souveraineté parce que personne ne réussit à les convaincre que ça va changer quoi que ce soit dans leur vie. Et ceux qui essaient, le font en parlant de trucs qui n'auront, concrètement, aucun impact dans la vie des gens (des affaires de politicien, qu'on dirait). Et c'est là tout le problème. Il faut cesser de vendre la souveraineté comme un projet politique, puisque la politique, depuis des années, fait preuve d'incompétence crasse. Il faut SORTIR le projet d'indépendance de l'arène politique pour le remettre entre les mains du peuple. Ça nous prend des artistes, des historiens, des gens qui ont la fleur de lys tatouée sur le cœur et dans l'âme. Ça prend quelqu'un pour dire que la souveraineté, ce ne sont pas les politiciens qui la feront. Ça sera nous, le peuple. On ne quitte pas le nid parental en tant que jeune adulte parce que "ça fait du sens économiquement", parce que ça ne fait justement pas de sens. On le fait parce qu'on veut un chez nous à nous, parce qu'on veut être libre de prendre nos décisions, et parce que... juste parce que. Parce que c'est comme ça. Parce que tu sais que tu es un adulte comme les autres, parce que tu SAIS que tu dois avoir ta voix au chapitre. Parce que tu veux être fier de dire que t'as un chez toi, et qu'il est unique parce que c'est À TOI. Et à toi seul. Et que tu en es le SEUL responsable aussi. Tu le fais parce que tu veux montrer que t'es assez responsable pour être parmi les grands.

La souveraineté, c'est comme ça qu'il faut la voir. Il faut arrêter de la vendre avec des chiffres et avec des discours de politiciens girouettes partisans qui désirent plus se faire élire qu'autre chose.

Arrêtons de se fier aux politiciens pour penser convaincre le peuple. Ça ne marche pas. C'est de mettre la charrue devant les bœufs. C'est le peuple, qui convaincra le peuple. Le politicien, lui, n'est qu'un INSTRUMENT qui aidera la peuple à s'affirmer. Ce qu'il faut faire, c'est inciter le peuple à s'affirmer, et à désirer le faire officiellement. Et ce n'est pas les politiciens qui le feront.

-* JCPomerleau Jul 21, 2015

L'argument étant que la souveraineté se décidera au Québec, qu'il ne faut pas diviser nos forces.

Ce souverainisme de province est complètement déconnecté de ce que suppose le changement de statut d'Un État : la partie va se jouer à l'échelle de la planète pour la reconnaissance de la souveraineté du Québec. Pas de reconnaissance des autres États, pas de souveraineté.

La souveraineté n'est pas un souhait, mais une somme : il faut investir tous les espaces politiques et se donner les moyens. C'est exactement ce à quoi participe le Bloc.

Si on veut avancer, il va falloir sortir de l'idéalisme et faire de la realpolitik.

Fin des citations.

Voici ce que je retiens de ces trois commentaires :

Que ce soit le NPD ou le PC au pouvoir, le nouveau gouvernement dirigera le Canada comme d'habitude depuis 1867 dans la langue de Shakespeare. C'est la force du nombre. (Victor Rieux)

Le but du processus de votation en démocratie, c'est d'avoir le portrait de ce que la population désire.

* * *

Qui peut s’imaginer ce que le peuple ou la masse désire ou pense.


« …le moment qui précède, celui où chaque citoyen confronte ses opinions
à celles des autres dans un débat, lui permettant de remettre en questions ce qu’il croit savoir, est en réalité bien plus décisif… ») Bernard Cretin (août 2011


Une analyse sur «L’opinion comme arrêt de la pensée» du philosophe Bernard Cretin offre une belle occasion aux leaders indépendantistes et aux indépendantistes eux-mêmes de constater l’ampleur du travail à réaliser pour influencer la transformation du comportement politique profédéraliste de la société québécoise.

Une chose est certaine, reconnaît Pierre Karl Péladeau à Rimouski, http://vigile.net/Independance-les-actifs-federaux le Parti québécois a peu défini les contours de son projet dans les dernières années. « J’avoue que depuis 1995, fait-il remarquer, nous n’avons pas énormément parlé d’indépendance du Québec. » Pour arriver à cette transformation idéologique de la mentalité québécoise, il nous faudra acquérir une prise de conscience collective de l’optique indépendantiste. L’État souverain ne naîtra pas sans l’adhésion majoritaire du public et sans tenir compte du contexte actuel des règles démocratiques en usage au Québec et au Canada. Ce ne sont pas les projets de pays à répétition qui vont changer la donne de notre annexion comme société dans le Domion of Canada.

La population habileté à voter sera prise un jour ou l’autre dans la tourmente d’une élection ou autres formes de l’exercice démocratique. Dans cette perspective, Bernard Cretin voit «Le dialogue socratique comme condition du débat citoyen » (août 2011). Par conséquent, il lui semble plus utile de « problématiser plutôt que solutionner». Explication :

Comment peut-on envisager le débat public ? (selon Bernard Cretin)

Éclairer une situation ou une question, consiste donc, plutôt qu’à en faire une analyse la plus exhaustive possible, exhaustivité d’ailleurs souvent illusoire, à éliminer nos opinions ou nos croyances au sujet de cette situation ou question. Et c’est bien, fidèle en cela à la démarche socratique, en mettant en œuvre la réfutation par argumentation rationnelle, que l’on peut éliminer nos opinions sur le sujet, et prendre conscience des problèmes.

Un tel effort intellectuel est préalable à l’étape de la décision. Il est ce moment où chaque individu est confronté à lui-même. Il ne peut échapper à faire son autocritique. Il est donc obligé de sous-peser le pour et le contre, les avantages et les désavantages et même plus, ses croyances et son opinion, puis finalement «ce qu’il croit savoir ». D’où cette question du philosophe :

Aussi ne faut-il donc pas envisager le débat public, autrement que comme une procédure de prise de décision ? N’est-il pas plutôt un moment seulement, mais un moment crucial certes, dans un processus de délibération plus long et plus complexe. Dans nos démocraties, on a tendance à considérer que le moment de la décision et donc du vote est le plus important alors que LE MOMENT QUI PRÉCÈDE, CELUI OÙ CHAQUE CITOYEN CONFRONTE SES OPINIONS À CELLES DES AUTRES DANS UN DÉBAT, LUI PERMETTANT DE REMETTRE EN QUESTIONS CE QU’IL CROIT SAVOIR, EST EN RÉALITÉ BIEN PLUS DÉCISIF, car c’est à ce moment-là que la décision se prend par la cristallisation des positions; le vote n’étant alors plus que la mesure de cette décision.

Dans la foulée des commentaires au texte de Réjean Parent, la position de Claude Bariteau est toujours la même.

-* Claude Bariteau Jul 20, 2015

«Quoi qu'il arrive aux élections fédérales, la seule certitude est que les élections au Québec auront cours dans trois ans et seront déterminantes quant à son avenir. »

« Dans ce contexte [des élections fédérales 2015], mieux vaut préparer la sortie du Canada du Québec et agir en conséquence. Et agir en conséquence, c'est tasser le PLQ et mettre le cap sur l'indépendance. »

«… le travail que feront les députés du BQ s'avèrera important, de même que leur disponibilité en période électorale québécoise. »

Fin des extraits.

Le problème du Bloc québécois consiste à s’imaginer (implicitement ou tacitement) que le Parlement du Canada serait un Centre fédérant semblable à celui de de l’ONU. A contrario, la joute politique au Canada n’est pas la même. Dans les faits, le Québec est présent à Ottawa comme nation annexée et intégrée à l’État fédérant canadian. Il ne possède pas son autonomie politique complète. Par contre, si le Québec était présent par lui-même au monde et à l’ONU, il y serait en tant qu’État souverain.

De son expérience dans le domaine des « négociations internationales », l’ex-ambassadeur des États-Unis, George F. Kennan, a constaté que les relations entre les sociétés nationales ne sont pas aussi simples qu’on pourrait l’imaginer. Explication :

La surestimation de l’économie, du commerce, comme facteurs des événements humains et, parallèlement, la sous-estimation des réactions politiques et psychologiques − telles la peur, l’ambition, l’insécurité, la jalousie, et probablement l’incompréhension − sont les éléments moteurs d’événements inhabituels. ( Dans American Diplomacy, 1900-1950 , New York, The New American Library, 1952, p. 12 (« A Mentor Book ». Une édition augmentée en 2012).

Le conflit politique entre le Québec et le Canada s’apparente en plus avec ce que vient de dire George F. Kennan. Fédérées ou non, les nations qui s’affrontent sont aux prises avec des questions de négociations «inter-nationales ». Pour les Québécois, la fin-en-vue de l’indépendance politique du Québec traversera donc cette phase de négociations incontournables. Le conseil de George F. Kennan devient très pertinent, surtout dans le cas d’une nation annexée. Les Catalans en ont pris sérieusement conscience en entrevoyant déjà la pénible négociation qui suivra l’approbation de la volonté démocratique du peuple souverain catalan.

Le public aura à voir avec la suite des événements, car il en sera le principal acteur. Dans How Nations Negotiate (1964, p. 41), Fred Ckarles Iklé résume les «Cinq objectifs de la négociation» entre les nations.
Image no 1

CINQ OBJECTIFS DE NÉGOCIATION ENTRE LES NATIONS
Image no2

Fred Charles Iklé, How Nations Negotiate, New York, Harper & Row, Publisher, 1964, xii + 272 p. Voir p. 41.
(Accessible en ligne chez Millwood, N.Y. : Kraus Reprint, 1981, xiii + 274 p. ©1964 : http://www.worldcat.org/title/how-nations-negotiate/oclc/123167407?referer=br&ht=edition

Une lecture de ce tableau illustre les finalités des cinq objectifs de négociation avec une brève description de la nature ainsi que des à-côtés (side-effects) pour certains des objectifs. Cette phase du processus pour aboutir au résultat de l’indépendance politique du Québec constitue l’événement crucial du succès ou de l’échec des négociations. Comme il est possible de le constater avec ce tableau du phénomène action-réaction, la souque à la corde entre les parties n’est jamais simple. Les Québécois n’échapperont pas à cette difficile négociation malgré tous les projets de constituante, de constitution ou de projet de pays.

Le moulin à parole a continué sur le rôle du Bloc à Ottawa.

C’est ajouté, le lendemain du commentaire de Claude Bariteau, celui de :

-* Sylvie Moses sur son Blog. Jul 21, 2015

Je vous invite à lire l'article que j'ai mis sur mes réseaux en réponse à Réjean Parent.

-* Puis, cet autre de Gilbert Paquette :

«Pour ungouvernement minoritaire à Ottawa. Authentique = stratégique.» Lundi 3 août 2015. Radio-Canada a appris que Gilbert Paquette, ancien ministre péquiste sous René Lévesque, se présentera pour le Bloc québécois dans la circonscription de LaSalle-Émard-Verdun. Sa candidature sera officialisée jeudi.

Défendre les intérêts du Québec, c’est une bien belle formule, mais elle a ses limites.

Pendant 20 ans, le Bloc a tenté de faire ce travail mais il n’y est pas parvenu. La relance du OUI qui se dit non-partisan demande aux citoyens d’appuyer le Bloc Québécois. Cette démarche en faveur du Bloc serait une occasion de faire «augmenter le mouvement social indépendantiste» pour un pays, soit « pour les intérêts d’un territoire et de sa population ». Ainsi, le OUI Québec espère « créer un mouvement social indépendantiste solide et bien informé pour contrer la désinformation abusive de certains ».

En fait, ce travail pourrait bien se faire sans le Bloc en espérant que le matraquage du message de DestiNATION s’attaque aux partis politiques fédéralistes fédéraux qui prétendent prendre le pouvoir à Ottawa et celui qui vient de le prendre dans la «province» du Québec. Or, le BLOC ne peut prendre le pouvoir à Ottawa. Il est prisonnier au sein du Parlement du Canada (comme le sont les Écossais avec des modalités différentes et aussi les Catalans). Il est évident que la négociation à venir se fera entre le gouvernement du Québec et celui du Canada. Indubitablement, l’État du Québec aura besoin de toute la légitimité démocratique du public, autrement dit de la masse.

De ce fait, le peuple québécois a besoin d’être préparé à cette négociation difficile de l’indépendance politique avec le Canada-Anglais pour défendre et obtenir son statut d’État souverain.

Par conséquent, pour les porte-parole de l’indépendance du Québec, ils auront besoin d’un appui massif de public local pour faire valoir leur point de vue afin d’obtenir l’assentiment majoritaire du peuple (cf. F. Charles Iklé, How Nations Negotiate, p. 201). Cette donne ne peut échapper aux négociateurs québécois dont leur objectif est l’indépendance complète face au Canada-Anglais.

Car il ne faudrait pas présumer que le processus de négociation va commencer comme bon nous semblera. Ce serait une vue de l’esprit, de la pensée magique. Dans nos têtes, cette démarche doit déjà être présente en nous. Le changement de mentalité politique vers l’indépendance exigera du courage et une détermination indéfectible. Il ne faut pas sous-estimer la réaction des défenseurs de l’unité canadienne : ils feront tout pour faire déraper un quelconque accord réciproque. Cette phase de la négociation sera cruciale. Elle devra faire l’objet de recherches afin de décanter tous les aspects du contentieux qui opposent deux nationalismes. Au point de départ, il faut noter que le nationalisme du Canada-Anglais intègre l’interdépendance du politique et de l’économique qui se soutiennent mutuellement. Les deux domaines viennent soutenir la culture. Le gouvernement canadien fera valoir énergiquement son point de vue et son autorité.

Voici un tableau qui illustre les effets positifs d’interaction pour la définition d’une nation au sens intégral.
Image no 3

Les forces isolées prises dans leurs interactions comme facteurs affectent un ensemble complexe de domaines de la vie collective d’une nation. L’indépendance politique offre le cadre global du soutien à l’agir (par soi) collectif. Car « la force politique, pour une société ou pour une collectivité, c’est la tête capable de penser, de vouloir, de commander, de déclencher l’action.» (Cf. Maurice Séguin, Les Normes, Chapitre deuxième : «Dynamique intégrale (interne) de la société».)

Le gouvernement indépendantiste du Québec devra se fonder sur ces prémisses et reconnaître que les trois facteurs, politique, économique et culturel sont un «bien en soi ». Or, maîtriser par soi tous ces aspects de la vie d’une nation, c’est véritablement comprendre le concept d’indépendante. Malheureusement, notre pensée politique est viscéralement bloquée par le discours fédéraliste de la réforme qui rejoint encore et sourdement une majorité du public québécois.

La préparation des négociations avec le Canada-Anglais ne peut être improvisée. Elle est incontournable. En fait, deux démocraties se font face, deux unités politiques et deux souverainetés populaires distinctes sont en présence l’une contre l’autre. Les deux sont soumises aux multiples aléas des affaires intérieures dont l’un est du niveau local fédéré et l’autre qui domine au central de la fédération canadienne. Donc, le gouvernement fédéral superpose et subordonne les gouvernements locaux. Ces conditions réelles et contraignantes de situation englobent la joute sur les objectifs des parties (c’est-à-dire des nations) en cours de négociation. Quelles avenues peuvent suivre les parties au sujet des objectifs de la négociation. On doit anticiper un inévitable bras-de-fer entre le Canada-Anglais et le Québec-Français.

Dans ce rapport de force, le gouvernement de l’État du Québec doit prendre en considération que la négociation pour un Québec indépendant sera reçue par le Canada-Anglais comme un ultimatum. En supposant un appui éventuellement majoritaire par le public québécois à la position du gouvernement du Québec, des négociations avec Ottawa sont inéluctables. Dans ce cas, les forces indépendantistes devront se maintenir avec ferveur pour la cause indépendantiste. La durée des négociations est imprévisible mais n’en sera pas moins rude. Les désaccords découlant de la spécificité des ententes sont le symptôme d’un non-agrément au sujet de la substance, et non de la forme (cf. How Nations Negogiate, p. 12). La concrétisation du statut d’indépendance politique et économique comprend inévitablement l’autonomie interne et l’autonomie externe.

Il ne faudrait pas se voiler la face et s’imaginer que la politique publique nationale d’indépendance du Québec puisse se faire sans une forme certaine de nationalisme. Positivement, une telle politique nationale entraîne une capacité collective à vouloir affirmer son propre nationalisme. À cet effet, Maurice Séguin a pu écrire explicitement ce qui suit :

Un nationalisme politique complet, à la fois intérieur et extérieur, est nécessaire pour développer une économie moderne diversifiée et complète. D'autre part, une vie économique équilibrée, entière et dynamique est également nécessaire pour soutenir le politique tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. (Dans Histoire de deux nationalismes au Canada, p. 8.)

Ce constat est aussi vrai pour le Canada-Anglais qui défend son nationalisme pancanadien pour maintenir l’unité canadienne afin de consolider son statut de nation indépendante dans le monde tout en se portant en défenseur des fédéralismes dans le monde. Le futur du Canada vise indéfectiblement à maintenir les principes fondateurs de la constitution canadienne de 1867/1982 avec une présence accrue des fonctions de l’État fédéral dans l’ensemble fédéré. « Ainsi, écrit Maurice Séguin, le Canada-Anglais majoritaire est doté de tous les pouvoirs, que ce soit à l’échelon "national" ou à l’échelon local. » (Ibid., p. 397). »

On nous fait miroiter souvent la date 2018, comme si c’était fatidique. Ce n’est pas évident et ce n’est pas très loin dans le temps (39 mois : octobre 2015 à décembre 2018). Cependant, dans une quinzaine de mois, le branle-bas de combat va recommencer pour les prochaines élections provinciales. Entre-temps, quand la mouvance péquiste pourrait-elle avoir un moment de répit afin d’avoir la tête à l’indépendance du Québec ? C’est maintenant que le public québécois veut savoir si le Parti québécois désire montrer des signes tangibles d’action ou vivre à nouveau un «détour d’indépendance».

La démocratie québécoise n’est pas différente de celle des autres sociétés. Le public s’attend de leurs élus des explications et une détermination afin d’accomplir leur intention d’une manière sincère et sereine. Le Parti québécois doit donc agir dans le respect et la confiance du public auquel il s’adresse. Il a l’obligation de le convaincre au-delà de la prise du pouvoir à Québec.

Les indépendantistes sont responsables de leur message. Ils ne doivent plus tirer à hue et à dia. Souverainisme, républicanisme, fédéralisme décomplexé ou confédéralisme (soit par rapport à une ou plusieurs Nations-(États) rivales ou encore fédération d’États ou un État fédéral (peu centralisé) ou une quasi-union fédérale où il reste quand même des États locaux, constituent un véritable casse-tête pour le public. À cet égard, les indépendantistes doivent montrer plus de rigueur quant à la substance de l’option indépendantiste. Résoudre cet imbroglio est prioritaire sur toutes les autres questions.

ANNEXE

Notre passé récent

Comprendre l’indépendance du Québec ne se fera pas le nez collé contre la vitre. Il faudra aller au-delà de la lutte politique restreinte au domaine-des-rivalités-partisanes. La politicaillerie mesquine ne nous mènera nulle part. Le style doit changer ainsi que le contenu et les moyens. Il faut sortir de l’ornière du souverainisme. Il faut aussi se rendre à l’évidence que les indépendantistes sont très loin d’être sur la même longueur d’onde. Pour l’heure, nous n’avons pas encore le corpus d’idées commun qui sous-tendrait l’action. Ne serait-ce que de signaler que nous ne nous entendons même pas encore sur l’évolution historique qui nous a conduits à l’état d’une nation annexée. Ce n’est même pas surprenant si l’idéologie fédéraliste domine au sein de la société québécoise sur l’optique indépendantiste.

Au-delà de l’image que voudra bien projeter le PQ, il y aura toujours la substance de l’indépendance qu’il faudra vraiment comprendre et accepter collectivement et majoritairement. Car l’histoire a la dent dure. La matrice fédéraliste nous empoigne de toutes parts. Les débats à l’Assemblée nationale du Québec ne suffiront pas à contrer le passif du fédéralisme.

Deux exemples de notre passé récent

INDÉPENDANCE DU QUÉBEC - 246
Les « groupes réels » sont nécessaires à l’indépendance du Québec
Comment peut-on sortir de l’impasse fédéraliste ?
Bruno DESHAIES
Chronique de Bruno Deshaies
jeudi 30 mars 2006 493 visites 2015-09-26 12:07

L’INDÉPENDANCE DU QUÉBEC EST INÉLUCTABLE
Qui détient notre souveraineté ?
Caroline MORENO
Tribune libre de Vigile
jeudi 28 janvier 2010 4118 visites 24 messages 2015-10-01

La Tribune libre de Caroline Moreno commence par ce premier commentaire :

-* • Mona Simard, 28 janvier 2010 10h26

C’est bien clair que l’affirmation nationale des Québécois passe par l’indépendance.

Dans le contexte canadian, ils ne sont qu’une minorité qui reçoit le traitement d’une minorité. C’est-à-dire qu’ils peuvent être Québécois, mais dans des paramètres qui sont fixés par Ottawa et ses lois.

Ces lois sont les mêmes pour tous les Canadians. Mais, justement, elles ne sont que canadian. Si un bout de Québécois dépasse du cadre, l’appareil politique canadian et sa Cour suprême ont tôt fait de faire passer leur guillotine.

Un petit peu de Loi des mesures de guerre par ci, un petit peu de rapatriement de la constitution par-là, une petite coupure de la loi 101 ici et là, un petit coup fourré de loi sur la clarté par en-dessous, des commandites fédérales par-dessus, une campagne de boycottage hydroquébécois en prime (etc. etc.) et vous avez au total un bon petit canadien-français qui applaudit les sables bitumineux et les Rocheuses.

Un commentaire sur le moment présent du Bloc québécois

Simon Jodouin, «Le Bloc, la vague et les coquillages», Voir (Montréal),16 septembre 2015.
Sur la victoire du NPD au Québec en 2011, la réaction péquiste aurait été : «Ils sont comme des coquillages. Ils sont arrivés avec la vague, ils vont repartir avec la vague.» Que s’est-il passé ? «Bref, Ruth Ellen Brosseau était, avec d’autres, le symbole par excellence de la vague orange. Elle était devenue l’archétype de l’insouciance des électeurs qui se laissent porter par un effet de mode.» En conclusion, Jodoin s’imagine : «Le pire qui pourrait arriver au Bloc québécois, lors des prochaines élections, ce serait d’élire une poignée de députés, voire sans chef.»

Quelques références d’ordre universitaire :

MARC CHEVRIER
Session d’hiver 2009
POL 1600-20
La politique au Québec et au Canada
Professeur : Marc Chevrier
Bureau A-3710, tél. : 514-987 3000, poste 1396
Courriel : chevrier.marc@uqam.ca
Disponibilité : Mardi ou mercredi 14H00 à 16H00
http://politique.uqam.ca/upload/files/hiver2009/Pol-1600-20.pdf
Note. Une longue bibliographie spécialisée accompagne le plan de cours. L’Introduction signale deux références particulières sur les constitutions.

Jacques-Yvan Morin et José Woehrling, éds, Les constitutions du Canada et du Québec du régime français à nos jours, tome 1, Montréal, Éditions Thémis, 1994, voir p. 1-42.

Pierre Tousignant, «L'acte de naissance de la démocratie représentative au Canada.» Dans la revue Forces d’Hydro-Québec.
http://web.archive.org/web/20030306100608/http://www.mri.gouv.qc.ca/la_bibliotheque/democratie/acte_de_naissance.html

Marc Chevrier, «La démocratie du Québec par les textes» (1998 ?), 136 p. Études & documents. Ministère des relations internationales du Québec. Bibliothèque en ligne de l’Assemblée nationale. Source : http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs43056
Il s’agit d’un recueil de textes historiques et contemporains sur le Québec et le régime politique canadien, avec commentaires de l’auteur. De bonnes références bibliographiques (cf. L’Encyclopédie de l’Agora).
http://agora.qc.ca/documents/quebec--la_democratie_quebecoise_par_les_textes_par_marc_chevrier
Sur ce site vous trouverez une chronologie et, sous forme de tableau, une liste des premiers ministres du Québec de 1867 à 1998, les résultats des élections depuis 1867 et les résultats des référendums...

Claude COUTURE, Pierre-Elliott Trudeau et le libéralisme canadien : la loyauté d’un laïc.
Paris/Montréal, L’Harmattan, 1996. 160 p. Cf. http://www.erudit.org/revue/ps/1998/v17/n1-2/040118ar.pdf

COUTURE, Claude et MULATRIS, Paulin Kilol, Nation et son double essai sur les discours postcoloniaux au Canada. Québec, P.U.Laval, 2012, 228 p. Coll. «Perspectives de l’Ouest». ISBN : 9782763792873
Extrait :
Contrairement à la plupart des écoles de pensée sur le nationalisme, les auteurs adoptent comme thèse l'idée que la compétition des discours constitue l'axe essentiel des nations. Cette thèse repose sur le refus d'instaurer une césure entre des peuples ou des sociétés jugées traditionnelles ou modernes sans que des enjeux souvent peu visibles, et pourtant structurants, soient globalement considérés. Dans le contexte canadien, intégrer ces aspects dans la compréhension de la relation Canada britannique-Canada francophone amène à s'arrêter sur un discours, celui de la britannicité et de ses conséquences (orientalisme, colonialisme), et sur le modèle postcolonial lui-même et sa tendance à évacuer la question francophone.

C'est aussi, du point de vue de la francophonie, éviter toute prédiction déterministe par rapport à la francophonie hors Québec dans sa volonté de résister à une assimilation statistiquement annoncée, mais sans cesse ajournée. Enfin, c'est d'une part mieux saisir la complexité du Québec des années 1930 et, d'autre part, repenser le phénomène de l'immigration par rapport à une société canadienne-britannique qui, aujourd'hui encore, essaie de réduire le poids de la francophonie dans la sélection des immigrants.

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BRUNO DESHAIES est né à Montréal. Il est marié et père de trois enfants. Il a demeuré à Québec de nombreuses années, puis il est revenu à Montréal en 2002. Il continue à publier sa chronique sur le site Internet Vigile.net. Il est un spécialiste de la pensée de Maurice Séguin. Vous trouverez son cours sur Les Normes (1961-1962) à l’adresse Internet qui suit : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-1-20 (N. B. Exceptionnellement, la numéro 5 est à l’adresse suivante : http://www.vigile.net/Les-Normes-en-histoire, la16 à l’adresse qui suit : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-15-20,18580 ) et les quatre chroniques supplémentaires : 21 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique 22 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19364 23 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19509 24 et fin http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19636 ainsi que son Histoire des deux Canadas (1961-62) : Le PREMIER CANADA http://www.vigile.net/Le-premier-Canada-1-5 et le DEUXIÈME CANADA : http://www.vigile.net/Le-deuxieme-Canada-1-29 et un supplément http://www.vigile.net/Le-Canada-actuel-30

REM. : Pour toutes les chroniques numérotées mentionnées supra ainsi : 1-20, 1-5 et 1-29, il suffit de modifier le chiffre 1 par un autre chiffre, par ex. 2, 3, 4, pour qu’elles deviennent 2-20 ou 3-5 ou 4-29, etc. selon le nombre de chroniques jusqu’à la limite de chaque série. Il est obligatoire d’effectuer le changement directement sur l’adresse qui se trouve dans la fenêtre où l’hyperlien apparaît dans l’Internet. Par exemple : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-1-20 Vous devez vous rendre d’abord à la première adresse dans l’Internet (1-20). Ensuite, dans la fenêtre d’adresse Internet, vous modifier directement le chiffre pour accéder à une autre chronique, ainsi http://www.vigile.net/Le-deuxieme-Canada-10-29 La chronique devient (10-29).

Vous pouvez aussi consulter une série de chroniques consacrée à l’enseignement de l’histoire au Québec. Il suffit de se rendre à l’INDEX 1999 à 2004 : http://www.archives.vigile.net/ds-deshaies/index2.html Voir dans liste les chroniques numérotées 90, 128, 130, 155, 158, 160, 176 à 188, 191, 192 et « Le passé devient notre présent » sur la page d’appel de l’INDEX des chroniques de Bruno Deshaies (col. de gauche).

Finalement, il y a une série intitulée « POSITION ». Voir les chroniques numérotées 101, 104, 108 À 111, 119, 132 à 135, 152, 154, 159, 161, 163, 166 et 167.





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2 commentaires

  • Bruno Deshaies Répondre

    18 octobre 2015

    2015-10-18 16:16
    UN AUTRE «DÉTOUR D’INDÉPENDANCE»

    Octobre 1995. Tous Les Espoirs, Tous Les Chagrins.
    J.-F. Lisée
    À paraîtra prochainement : Québec-Amérique (7 octobre 2015)
    Dans quelle mesure ce dernier brûlot de monsieur Lisée pourrait-il servir les indépendantistes ?
    Pensons au public qui entend parler des débats entre souverainistes sur des questions qui les déchirent.
    L’ouvrage se traduit par un clip du type «L’énorme demi-bêtise de Jacques Parizeau». Le sous-titre de l’ouvrage est nostalgique et épuisant : «Tous Les Espoirs, Tous Les Chagrins.» Rien pour séduire le public du Québec.
    Qu’on en finisse avec ce ton plaintif !
    Le public attend de la substance de la part des indépendantistes.
    Il faut parler d’indépendance POLITIQUE du Québec. De ce qu’il faut se décomplexer, c’est de l’usage du concept d’indépendance. Prendre conscience des effets collectivement positifs des « forces / facteurs /domaines» de l’Image no 3 http://www.rond-point.qc.ca/detour-dindependance/ qui nous fait reconnaître le bien en soi de l’interaction entre les domaines «politique économique culturel» qui sont un «bien en soi» et «nécessaire» pour s’assumer avec «plénitude et vigueur». Autrement dit, de réaliser son accomplissement total. N’est-ce pas une noble fin-en-vue pour une collectivité nationale qui a pris conscience d’elle-même. Foin des chagrins ! de la fameuse «fatigue culturelle» ! etc.
    Que lisons-nous depuis 2012 ?
    Allez voir ce que l’on dit du parcours de Jean-François Lisée.
    Régis Caron, «L’énorme demi-bêtise de Jacques Parizeau».
    http://www.journaldemontreal.com/2015/10/13/lenorme-demi-betise-de-jacques-parizeau
    Isabelle Hachey, «Jean-François Lisée: le mandarin médiatique.» http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201202/05/01-4492782-jean-francois-lisee-le-mandarin-mediatique.php
    Patrich Lagacé, «JFL avec le vrai monde.» http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/patrick-lagace/201208/16/01-4565456-jfl-avec-le-vrai-monde.php
    Les indépendantistes se feront-ils entendre un bon jour par le Parti québécois ?

    Comme institution politique, le PQ aura-t-il le courage d’entretenir le dialogue si désiré entre lui et le public québécois ? [Le concept de «public» en démocratie mérite toute notre attention au plan sémantique (cf. http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv4/showps.exe?p=combi.htm;java=no; ou http://www.toupie.org/Dictionnaire/Public.htm).]
    Par exemple, la politique publique nationale qui concerne l’indépendance politique du Québec ne peut se satisfaire de la segmentation ou de l’addition des politiques publiques sociales. C’est une aberration qui nous maintient dans le statu quo ante. Dans les faits, le politique fait face non seulement à un public mais aussi à des publics.
    «Comment devrait-on envisager le débat public ?»
    Le discours indépendantiste doit s’assurer d’atteindre les «cordes sensibles» de tous les publics. C’est une exigence de toute vie démocratique collective ou nationale. Il est temps que le PQ se mette à l’œuvre, car le problème dépasse le seul fait de gagner une élection et de prendre le pouvoir. Ce qui est plus grave encore, c’est-à-dire de cogiter uniquement entre eux ou strictement au sein du parti.
    En ce sens, on n’a rien à foutre avec «Tous Les Espoirs, Tous Les Chagrins». Le public québécois s’attend à un autre discours que celui du ton plaintif d’une élite qui ne cesse de s’ausculter névrotiquement depuis plusieurs générations.
    Pour être pratique, les indépendantistes devraient se poser la question suivante : «Comment devrait-on envisager le débat public ?» (Cf. supra Bernard Cretin.) Le vrai débat public n’a pas encore eu lieu sur la substance fondamentale de l’indépendance politique du Québec. Le Chef de l’Opposition officielle à l’Assemblée nationale du Québec semble mettre du temps pour agir. Pourtant, le débat doit s’amorcer clairement entre les indépendantistes pour en finir avec les atermoiements autour du concept d’indépendance.
    Les politiques indépendantistes doivent comprendre que le vote des décideurs démocratiques, soit les électeurs, doit être préparé, car «le moment qui précède, celui où chaque citoyen confronte ses opinions à celles des autres dans un débat, lui permettant de remettre en questions ce qu’il croit savoir, est en réalité bien plus décisif» que le vote à l’occasion d’une élection générale qui n’est «alors plus que la mesure de cette décision» (Bernard Cretin). À fortiori en ce qui concerne la décision de choisir l’indépendance politique du Québec en tant que finalité nationale, c’est-à-dire de la nation au sens intégral (cf. Image no 3).
    Les épreuves subies par le PQ dans le passé devraient faire réfléchir autrement aujourd’hui l’élite politique indépendantiste. Par conséquent, le premier défi auquel les responsables sélectionnés pour diriger l’Institut de recherche de l’indépendance du Québec consistera à clarifier d’abord le sens du concept de nation indépendante. Le public québécois s’attend à plus de clarté, de cohérence, de détermination et de confiance de la part de l’élite politique. L’indépendance politique du Québec n’adviendra pas autrement.
    Pour entraîner une majorité dans la voie de l’indépendance, les indépendantistes auront à courtiser le public par des explications solides sur les fondements de l’indépendance. C’est bien l’élaboration de cette vision qui devrait être martelée systématiquement afin que le débat public fasse éclore majoritairement un mouvement du public envers l’indépendance politique du Québec. Quant aux modalités du processus, c’est une autre question qui est consécutive au choix fondamental du fait d’être indépendant.
    Il n’y a plus de «détour» à prendre mais un chemin critique à suivre avec conviction et réalisme. La fin-en-vue librement, clairement et fermement exprimée dans le temps et la durée aussi brève que possible.
    NOTE
    La situation actuelle est trop déplorable pour ne pas réfléchir sur le problème de l’indépendance. Pour s’en convaincre, voici infra deux lectures qui pourraient servir à une meilleure connaissance historique des 180 dernières années de l’histoire du Québec.
    Les défis et les enjeux prennent une nouvelle tournure face à la situation actuelle. Cependant, cette nouvelle élite québécoise-française bute toujours sur le concept de nation au sens Étatique, juridique. Elle n’est pas parvenue à se libérer des pièges du fédéralisme. Est-ce à dire que l’indépendance est impossible ? Selon Charles-Philippe Courtois, Maurice Séguin aurait "[réaffirmé] l'incapacité du Québec à réaliser l'indépendance" (p. 195) Ce n'est pas exact. Séguin ne dit pas que le Québec n'est pas capable. Il signale que les interprétations indépendantistes-optimistes canadiennes-françaises traditionnelles subsument "l'indépendance comme possible [et] assez facilement, si l'on veut cette indépendance; [et aussi] comme quelque chose qui va de soi" ou que nous aurions perdu par accident et tout en «percevant l’inévitable inégalité politique d’une nation minoritaire» (dans Les Normes, Introduction, division 3). Parmi les options du «possibles», Séguin signale la possibilité de «monter vers l’indépendance…» (dans Les Normes, Chapitre troisième : «L’émancipation de la nation annexée et le "principe des nationalités"»). Il précise aussitôt que cette «option» suppose que l’on sache «ce que c’est que l’indépendance». La logique de l’indépendance vient en contradiction avec toute forme d’union fédérale. C’est là où le bât blesse dans la pensée politique du souverainisme québécois majoritaire.
    À la suite de la défaite électorale du PQ en avril 2014, la réflexion a reprise sur la fameuse question nationale. Quelques chercheurs se sont penchés sur «les conditions du renouveau» et sur les difficultés qui jonchent la situation présente. Les descriptions ne sont pas inutiles mais elles n’incitent pas à franchir le cap qui pourrait positionner un discours indépendantiste. Le public québécois ne sait que faire de toutes ces analyses. Il aimerait plutôt voir des personnes engagées. À cet égard, le compte rendu ci-dessous de Tania Longpré mérite notre attention.
    L’Indépendance. Les conditions du renouveau. VLB, 2014.
    Chapitre 3
    Guillaume Rousseau, «Le mouvement souverainiste face au "parti naturel du pouvoir" : alternatives politiques et juridiques.» (p. 95-147)
    I. La défaite d'avril 2014 à la lumière de l'histoire. p. 96
    Chapitre 4
    Charles-Philippe Courtois, «L'histoire hésitante de l'indépendantisme québécois.» (p. 149-197)
    "J'entends donc me concentrer ici sur la période qui précède 1960, qui est encore méconnue." p. 150. Soit de l’époque des Patriotes à 1960.
    Compte rendu de Tania Longpré, «Indépendance : les conditions du renouveau.» Dans le Journal de de Montréal, samedi, 25 octobre 2014 11:23. http://www.journaldemontreal.com/2014/10/25/independance-les-conditions-du-renouveau Elle considère que c’est un «ouvrage qu’il faudra assurément lire afin de remédier à la situation». Malgré tout, devant les publications de l’année 2014 sur la question nationale, «il [lui] semblerait que la créativité soit la méthadone des indépendantistes en sevrage».

  • Bruno Deshaies Répondre

    7 octobre 2015

    Bruno Deshaies, 08-10-215 08:57
    Pour les lecteurs de cette chronique, vous pouvez consulter les trois images à l'adresse Internet qui suit :
    http://www.rond-point.qc.ca/detour-dindependance/
    De cette manière, vous pourrez avoir une meilleure idée des «Cinq objectifs de négociation entre les nations».
    Même si le PQ était élu aux prochaines élections avec un forte majorité, cette réalité sera incontournable et nettement plus pressante pour obtenir l'appui du public québécois durant plusieurs mois. Il serait bon d'y voir clair maintenant et, surtout, de préparer le public québécois à cette éventualité. Une équipe devrait déjà être mise au travail sur ce dossier. Cette préparation est urgente