Des États généraux pour remettre l’indépendance au cœur des « vraies affaires »

Chronique de Gilbert Paquette


Texte publié dans Le Devoir du mardi 6 septembre 2011
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L’idée d’États généraux indépendantistes ne date pas d’hier. En fait, l’idée est née de discussions aux IPSO et lancée dès 2007, suite à la débâcle du Parti québécois d’André Boisclair, par un article dans Le Devoir intitulé « Des États généraux pour refonder un parti indépendantiste ». D’autres parlaient à la même époque de créer un « nouvelle grande coalition ». Cette idée été appuyée depuis à plusieurs reprises par plusieurs intervenants, sous différentes formes, notamment au moment du colloque des IPSO de juin 2009 auquel participaient la plupart des représentants des mouvements souverainistes, ce qui devait mener au rassemblement Cap sur l’indépendance.
Elle est reprise aujourd’hui par la chef du Parti québécois. Certains pensent qu’il ne s’agit que d’une opération de relations publiques. Nous préférons y voir une ouverture nouvelle à l’égard des mouvements indépendantistes citoyens et des autres partis.
Le projet indépendantiste fait appel à une solidarité nationale et démocratique de l’ensemble des citoyens et citoyennes du Québec. Avant d’y faire appel, il faut d’abord établir une certaine solidarité au sein de la grande coalition souverainiste et indépendantiste sur l’essentiel. Pour y arriver, nous énonçons des conditions qui nous semblent essentielles pour assurer le succès de l’entreprise.
Rétablir la confiance entre indépendantistes
Il faut d’abord rétablir la confiance entre indépendantistes. Pas question ici de foi aveugle. Il est trop tard pour cela. Il faut rappeler que le projet de pays adopté par le congrès de 2005 du Parti québécois, qui ancrait la souveraineté dans les besoins de la société, ne fut jamais invoqué avant ou pendant l’élection de 2007. Aucun de ses articles fondamentaux ne fut cité, expliqué ou promu pendant la campagne électorale, ni d’ailleurs pendant celle de 2008. Quant à la démarche d’accession à la souveraineté, tout le travail de la « Saison des idées » est resté lettre morte. On s’est limité à évoquer un futur référendum, sans projet de pays, remettant comme d’habitude sa tenue à plus tard.
Suite à l’élection de 2007, on fit alors une grave erreur qui a contribué à éloigner d’autres militants indépendantistes du Parti. Imitant leurs adversaires, les dirigeants du Parti québécois attribuèrent la défaite de 2007 à l’engagement de tenir un référendum plutôt qu’aux véritables responsables : l’absence concrète de promotion de la souveraineté et la pitoyable « gestion » d’André Boisclair. L’élection de 2008 devait ensuite se dérouler sans projet de pays et sans démarche précise vers la souveraineté. Il en fut de même au cours des trois années qui suivirent où des colloques internes au Parti québécois ne remirent pas davantage le projet indépendantiste à l’ordre du jour.
Puis, le congrès de 2011 mettait complètement de côté le projet de pays de 2005 au profit d’une « gouvernance souverainiste » se limitant à des gestes pouvant tous être réalisés dans le cadre de la constitution canadienne, ce que certains ont comparé à une nouvelle « affirmation nationale ».
Aujourd’hui, force est de constater qu’un grand nombre de souverainistes ne voient plus le Parti québécois comme un véhicule de leurs aspirations. On pourrait d’ailleurs dire la même chose de Québec solidaire, plus préoccupé de l’axe social que de souveraineté.
Une première conséquence de cette évolution est qu’il est trop tard pour simplement recoller les morceaux par une vague discussion. On ne peut recréer une solidarité entre les composantes de la grande coalition souverainiste sans un débat profond.
L’indépendance du Québec n’appartient à aucun parti. C’est le projet de tout un peuple qui a droit à sa liberté collective et à la maîtrise de son destin. Ce débat ne peut être monopolisé par des positions déjà établies en congrès. Tout doit être sur la table et pour ce faire, les États généraux doivent être préparés et convoqués par un comité représentatif des indépendantistes à l’intérieur comme à l’extérieur des partis politiques, dans une optique résolument citoyenne.
Remettre l’indépendance dans le débat public
L’objectif principal des États généraux devrait être de remettre l’indépendance au cœur du débat public en association avec nos défis de société. Pour cela, il faut cesser de dissocier « les vraies affaires » du contrôle de nos affaires, contrairement à la terminologie fédéralisante de François Legault. Il faut actualiser et pousser plus loin l’idée d’un projet de pays lié aux moyens que nous donnera la souveraineté. Ce faisant, il faut préparer les études et les instruments préparant une démarche démocratique citoyenne vers la souveraineté.
Comme le souligne le manifeste de Cap sur l’indépendance. : « L’indépendance est pour la nation québécoise comme pour les autres nations, l’objectif qui jettera les bases de notre liberté collective en tant que peuple et société nationale, la dernière en Amérique à laisser contrôler ses affaires par une autre nation »
Il est temps de remettre l’indépendance au cœur des discussions sur des questions concrètes : comment, l’indépendance nous permettrait une véritable politique de développement durable et d’indépendance énergétique; comment la démocratie québécoise pourrait se développer davantage dans un Québec indépendant; comment le Québec français et l’intégration des immigrants pourraient être consolidés; comment nous pourrions mieux travailler à une autre mondialisation axée sur la solidarité sociale.
Pour reprendre les termes d’un article du SPQ libre, le mantra référendaire sans un projet de pays, « c’est comme si, pour inciter les Montréalais à se rendre dans la Vieille Capitale, une agence de voyages se limitait à vanter les charmes du trajet sur l’autoroute 20! »
Solidarité et diversité
Quant à la démarche d’accession à l’indépendance, plusieurs ont été proposées, mais aucune n’est sur la place publique actuellement ce qui n’aide pas à la crédibilité de notre option. Certains craignent que les États généraux accentuent les divisions sur cette question.
Ce n’est certes pas facile, mais d’abord, il est certainement possible de dégager un consensus sur les principes qui pourraient guider cette démarche, notamment celui d’un mandat électoral qui enclenche une démarche participative citoyenne soutenue par de études préparatoires à la souveraineté qui seraient réalisées dans le cadre des États généraux.
Cependant il serait illusoire d’imaginer un consensus sur tous les aspects d’une telle démarche et cela n’est même pas souhaitable. Les États généraux pourraient se conclure sur les principes communs et proposer des alternatives, ce qui aurait aussi le mérite de ne pas discuter de stratégie politique sur la place publique.
Sur cette question comme sur d’autre, il ne faut pas rechercher les consensus à tout prix et voir plutôt les États généraux comme une préparation à un exercice plus large qui se fera dans un deuxième temps avec la population. Remettons-nous en marche vers l’indépendance nationale !
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Gilbert Paquette et Pierre Dubuc
Les auteurs sont respectivement coordonnateur de Cap sur l’indépendance et secrétaire du SPQ libre

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Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)

Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’Assemblée nationale du Québec le 15 novembre 1976, réélu en 1981, Gilbert Paquette a occupé les fonctions de ministre de la Science et de la Technologie du Québec dans le gouvernement de René Lévesque. Il démissionne de son poste en compagnie de six autres ministres, le 26 novembre 1984, pour protester contre la stratégie du « beau risque » proposée par le premier ministre. Il quitte le caucus péquiste et complète son mandat comme député indépendant. Le 18 août 2005, Gilbert Paquette se porte candidat à la direction du Parti québécois. Il abandonne la course le 10 novembre, quelques jours à peine avant le vote et demande à ses partisans d’appuyer Pauline Marois. Il est actuellement président du Conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO).





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