Les relations Canada-Québec et le sort du fédéralisme ont refait surface dans la présente campagne fédérale. On les retrouvera parmi les grands blocs de sujets qui seront discutés lors des débats des chefs. Pour ces raisons, il vaut la peine de se pencher sur les idées des leaders des deux principaux partis, Stephen Harper et Stéphane Dion. Je reconnais néanmoins que les néo-démocrates de Jack Layton pourraient faire une percée historique le soir des élections.
Promesses et essoufflement
Stephen Harper et les conservateurs ont marqué des points avec leur doctrine du fédéralisme d'ouverture. M. Harper avait promis un vrai respect du partage des compétences, une clarification des rôles et des responsabilités, le règlement du problème du déséquilibre fiscal, la reconnaissance d'un rôle international accru pour le Québec à l'Unesco. Certes, le ton a monté récemment à propos du déséquilibre fiscal entre MM. Charest et Harper, mais ce dernier a raison de dire qu'il a respecté l'essentiel de ses promesses. En tendant la main aux Québécois, il a changé le climat de la vie politique.
À l'automne 2006, il a aussi piloté l'adoption aux Communes d'une résolution stipulant que les Québécoises et les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni. Mon collègue Alain Noël y a vu une reconnaissance timide, mais réelle du caractère multinational du Canada. M. Harper s'est montré très attentif au rôle symbolique de la langue française tout en insistant de manière cohérente sur la place historique et réelle du Québec dans le Canada.
Pourtant, il fut constater l'essoufflement du fédéralisme d'ouverture. M. Harper a été freiné par l'élite administrative d'Ottawa à propos de l'encadrement du pouvoir de dépenser. À Québec, le gouvernement Charest s'oppose à des projets de réforme du Sénat n'intégrant pas formellement un vrai dialogue avec les provinces. Un nouveau terrain d'affrontement vient d'émerger entre Québec et Ottawa à propos de la culture et des communications. En plus, le gouvernement Harper n'a jamais organisé une véritable Conférence des premiers ministres avec ses homologues provinciaux. Le fédéralisme canadien reste donc sans institution cohérente de coordination. Finalement, le discours prononcé en juillet lors des Fêtes de Québec révèle que c'est la dimension ethnique, canadienne-française, de l'identité québécoise, que M. Harper a reconnue dans sa célèbre résolution aux Communes. À l'automne 2008, il me semble que M. Harper nous doit une mise à niveau de la doctrine du fédéralisme d'ouverture.
Le mystère Dion
Sur ces questions essentielles, le leader libéral Stéphane Dion demeure un mystère. Antiséparatiste conséquent à l'avant-poste du régime Chrétien, il aura certes esquissé une théorie du fédéralisme: respect de la constitution, tolérance, solidarité, flexibilité, cohabitation des cultures, valorisation des identités plurielles, formulation de réticences fortes à l'égard du fédéralisme asymétrique et recherche d'équilibre entre endiguements et contentement des nationalismes dans la gouvernance fédérale.
Mais sur la place et le sens du fédéralisme dans le Canada du XXIe siècle, M. Dion avait été muet lors de la course à la direction du Parti libéral, il n'a fait aucun discours d'importance là-dessus en deux ans, et le fédéralisme comme thème est totalement absent du site internet du parti qu'il dirige. Enfin, M. Dion n'a pas expliqué clairement le sens de son appui à la reconnaissance de la nation québécoise. M. Dion souhaite que le Canada aide l'humanité à se réconcilier avec la planète. On aimerait l'entendre nous dire ce qu'il ferait pour réconcilier le Québec avec le Canada. Homme d'idées, comme M. Harper, M. Dion nous doit lui aussi cet automne un certain nombre de clarifications.
En démocratie, les idées doivent compter davantage que les simplifications et les caricatures négatives. MM. Harper et Dion, ainsi que les autres leaders, doivent nous expliquer plus clairement leur approche des relations Canada-Québec et la place qu'ils entendent donner au fédéralisme pour l'avenir du Canada.
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Laforest, Guy
L'auteur est professeur au département de science politique de l'Université Laval.
Des clarifications s'imposent
Tant Stephen Harper que Stéphane Dion doivent nous expliquer plus clairement leur approche des relations Canada-Québec
Élections fédérales du 14 octobre 2008
Guy Laforest9 articles
Professeur de science politique à l'Université Laval, l'auteur a été président de l'ADQ et candidat lors des élections de 2003
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