(Ottawa) La bataille que mènent les conservateurs d'Andrew Scheer pour forcer le gouvernement Trudeau à accepter la demande du Québec d'instaurer une déclaration d'impôts unique pour les contribuables québécois a pris fin mercredi à la Chambre des communes, une majorité des élus rejetant une motion conservatrice plaidant pour une telle mesure par un vote de 191 à 80.
Mais ce vote ne constitue qu'un intermède, les conservateurs ayant la ferme intention de revenir à la charge durant la campagne électorale en promettant de travailler de concert avec le gouvernement caquiste de François Legault pour mener à bien ce projet fiscal.
Après que le premier ministre Justin Trudeau eut fermé la porte à double tour mardi à l'idée d'accorder au Québec le pouvoir de percevoir tous les impôts sur son territoire et de remettre par la suite la part de la tarte fiscale qui revient à Ottawa, la Chambre des communes a donc formellement entériné sa position.
La majorité libérale, appuyée par les députés du NPD et le chef du Parti populaire du Canada Maxime Bernier, a opposé une fin de non recevoir catégorique à la motion du Parti conservateur. Le Bloc québécois a pour sa part donné son appui à l'initiative conservatrice, d'autant plus que l'Assemblée nationale a elle-même entériné une motion en ce sens à l'unanimité en mai 2018. Un député du NPD, Pierre Nantel, a aussi voté en faveur.
En point de presse, mercredi, M. Trudeau a fait peu de cas de la menace du premier ministre François Legault qui a affirmé, mardi, que le Parti libéral du Canada allait «payer un prix politique» au Québec aux prochaines élections fédérales en rejetant sa demande.
M. Trudeau, qui était absent au moment du vote, s'est dit persuadé que les Québécois comprennent que ce n'est pas dans leur intérêt d'instaurer une déclaration d'impôts unique compte tenu qu'une telle mesure pourrait mettre en péril quelque 5000 emplois au Québec, notamment dans des régions telles que Shawinigan et Trois-Rivières, et nuire à la lutte contre l'évasion fiscale.
«Je sais que les Québécois comprennent qu'on est toujours en train d'être attentifs à leurs besoins, comme on le fait pour les Canadiens à travers le pays. [...] Mais en même temps, ma responsabilité c'est de toujours m'assurer qu'on est en train de défendre les bons emplois et qu'on est en train de défendre les principes de notre fédération et des pouvoirs du gouvernement fédéral, et je vais continuer de le faire», a affirmé M. Trudeau avant de participer à la période de questions.
Le ministre des Infrastructures et des Collectivités, François-Philippe Champagne, qui s'est rendu à Shawinigan avec deux de ses collègues lundi pour annoncer la construction d'un nouvel édifice abritant les quelque 1600 employés de l'Agence du revenu national à partir de 2022, a affirmé qu'il était de son devoir de protéger les emplois de sa région.
«J'ai énormément de respect pour nos collègues de Québec. Je le dis à tous les jours. Parfois on peut avoir une position différente. Moi, la mienne, c'est de défendre les emplois en région. Et je ne pense pas qu'il y ait un politicien au Québec qui peut être contre l'idée de défendre des emplois de qualité en région.
«Quand on pense qu'un centre fiscal comme celui-là ça donne des dizaines de millions en masse salariale dans une région comme la nôtre qui en a bien de besoin, en Mauricie, je pense que les gens comprennent qu'on doit continuer de travailler pour préserver ces emplois-là», a-t-il dit.
Pour sa part, le député conservateur Alain Rayes, qui a parrainé la motion conservatrice aux Communes, a affirmé que son parti n'avait guère l'intention d'abandonner la lutte. «C'est une annonce qui a été faite de façon formelle. Sous un gouvernement conservateur, on va enclencher des discussions avec le gouvernement du Québec, qui l'a demandé. Je tiens à souligner, tous les partis politiques à l'Assemblée nationale, de façon unanime, sans exception, ont fait cette demande», a dit M. Rayes.
Il a accusé M. Trudeau de tenir un discours «paternaliste et centralisateur et qui manque de respect» envers le Québec.
Pour sa part, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a mis en doute la volonté des conservateurs de tenir une telle promesse, soutenant que ces derniers sont soumis à de «puissants lobbys ontariens» et qu'il sont déchirés entre les demandes du Québec et celles de l'Ouest canadien.
- Avec la Presse canadienne