À l'instar de la plupart des pays industrialisés, le Canada a fait le saut dans l'ère nucléaire civile il y a une cinquantaine d'années. Depuis ce jour, on a entreposé des tonnes de combustible irradié sur le site même des centrales de production d'électricité en se disant qu'un jour, on trouverait une solution permanente. Ce jour approche peut-être, mais le dossier reste explosif.
Dès les années 1970, le Québec décidait de restreindre le recours à l'énergie nucléaire à la seule centrale de Gentilly II, un choix qu'il n'a jamais renié depuis. L'Ontario, au contraire, a recouru largement au nucléaire, de sorte que la presque totalité des déchets radioactifs qu'il faudra éliminer au cours des prochaines décennies proviendra de cette province.
Devant cette évidence, à peu près personne au Québec ne veut que la province devienne le «dépotoir» nucléaire du Canada. L'Assemblée nationale a même adopté une résolution qui interdit l'importation de déchets radioactifs, rejetant du même coup tout projet de construction d'un site d'enfouissement pancanadien sur son territoire.
Depuis quelques jours, un organisme fédéral, la Société de gestion des déchets nucléaires, où siègent les sociétés productrices d'énergie nucléaire, dont Hydro-Québec, a entrepris l'étape québécoise de ses consultations pour trouver un emplacement capable de recevoir les tonnes de cylindres de combustible irradié du passé et des prochaines décennies. On ne parle pas d'un vulgaire trou où jeter des déchets avant de les enterrer pour l'éternité, mais d'une immense installation protégée construite à 500 mètres sous terre dans une formation géologique stable depuis des centaines de milliers d'années avec salles de service, tunnels et salles d'entreposage pour les milliers de conteneurs scellés dans l'argile.
Pour mener le projet à terme, il faudra une trentaine d'années et au moins 20 milliards$ (dollars de 2002)! Pendant une autre trentaine d'années, on y transportera progressivement le combustible pour un entreposage semi-permanent, en attendant que la technologie lui redonne une seconde vie.
Pour le Québec, bien des questions restent sans réponse malgré le rejet spontané d'un tel projet sur notre territoire.
Sur le plan économique d'abord, si l'Ontario est retenue -- ce qui semble se dessiner puisque son gouvernement est d'accord et que la province génère la plus grande partie des déchets du pays --, il faudra accepter le fait c'est elle qui empochera des dizaines de milliards de retombées économiques pendant plusieurs décennies.
Puis, comme le Québec ne peut pas envisager de construire des installations aussi complexes et coûteuses pour ses seuls déchets (4 % seulement de la production canadienne), il faudra payer pour les entreposer ailleurs.
Enfin, sur le plan environnemental, il faut se demander si un dépôt de combustible irradié situé chez notre voisin immédiat, à l'ouest de notre frontière, dans la direction des vents dominants, présente plus ou moins de risques en cas d'accident de transport, de fuite de radioactivité ou d'attaque terroriste que s'il était situé sur notre propre territoire, à la frontière du Labrador par exemple.
Dans un dossier aussi complexe et aussi chaud, la réaction spontanée est de crier «NON!», haut et fort. Mais une fois ce cri du coeur exprimé, la question du meilleur choix, ou du moins pire des choix, reste entière.
j-rsansfacon@ledevoir.ca
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