Décès de l'écrivain André Langevin

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Par sa défense résolue de la littérature, selon lui «la seule mémoire authentique de l'humanité», André Langevin a légué une oeuvre puissante qui a contribué à inscrire le roman québécois dans sa modernité, en prenant à bras-le-corps les interrogations les plus lourdes de son époque. Les valeurs de l'énigmatique et imposant personnage étaient celles de son ami Hubert Aquin: «la liberté d'abord, la langue et la culture ensuite».
Le romancier André Langevin, auteur notamment de Poussière sur la ville (1953) et de L'Élan d'Amérique (1972), est décédé le 21 février à Cowansville, dans les Cantons de l'Est. Personnage énigmatique, défenseur résolu de la liberté dans la littérature, Langevin avait amorcé, dans l'immédiat après-guerre, une oeuvre brillante qui annonçait une nouvelle façon de voir le roman.
Évadé de la nuit (1951), son premier livre, tranche immédiatement avec les perspectives limitées de la littérature traditionnelle du terroir et reçoit le Prix du Cercle du livre de France. En 1998, André Langevin a obtenu le prix Athanase-David, plus haute distinction littéraire au Québec.
Poussière sur la ville, son plus célèbre livre, a été adapté pour le cinéma en 1968 par Arthur Lamothe. Son personnage d'Alain Dubois, un médecin installé dans la ville minière de Macklin, une représentation de Thetford Mines, se montre incapable d'établir une relation de confiance avec la population locale au moment même où sa jeune épouse s'éloigne de lui. Au coeur de l'intrigue, un monde noyé dans l'absurdité des relations contemporaines. Plusieurs des livres de Langevin ont été publiés en traduction. Son oeuvre, dira le critique Gilles Marcotte, «est remarquablement écrite, dans une langue ferme et variée qui a peu d'égales dans nos lettres».
Dans L'Élan d'Amérique (1972), lauréat du Prix de la ville de Montréal, un couple tente de concilier présent et passé dans une symbolique complexe qui reprend des thèmes abordés précédemment dans son oeuvre. Langevin a aussi publié du théâtre. Il a reçu le premier prix du Concours d'oeuvres théâtrales du Théâtre du Nouveau Monde en 1957. Pour la radio, André Langevin a aussi écrit nombre de dramatiques jusqu'à sa retraite en 1985.
«Comme journaliste-chroniqueur, il s'est passionné pour des questions liées à la langue, à l'éducation et à la littérature», explique son ancien collègue de Radio-Canada Jean-Guy Pilon. «C'était un solitaire, un homme très fermé qui s'est peu à peu éloigné de tout cela, me semble-t-il.»
L'écrivain Gilles Archambault le considère pour sa part comme une sorte de modèle pour un littéraire. «Une des choses qui me fascinaient chez lui était qu'il faisait à la fois carrière à la radio tout en étant écrivain. Langevin représentait pour moi tout ce que je voulais être. J'ai toujours trouvé injuste qu'il ait été oublié après qu'on l'eut porté si haut.»
Né en 1927 à Montréal, André Langevin perd ses parents en bas âge. Commence alors une ronde pénible des orphelinats qui dure sept ans. Son regard sur la société est nourri de cette expérience tragique héritée de l'enfance qu'il situe entre la «prison et l'asile».
Après des études au Collège de Montréal, Langevin a d'abord travaillé pour différents quotidiens de la ville, dont Le Devoir, où il est chroniqueur littéraire avant de se faire connaître lui-même comme écrivain. On trouve aussi la marque de sa plume dans divers imprimés culturels, dont la revue Liberté, où il se lie d'amitié avec Hubert Aquin dans une sorte d'idéal commun contre l'obscurantisme culturel.
En 1975, André Langevin écrivait que l'avenir de la littérature et de notre société est lié de très près au sort que nous réservons à notre jeunesse. Il regrettait par exemple de voir que nous nous empressons de faire des enfants de «petits hommes adultes, réalistes, libérés des mystères de la vie», nous privant de la sorte de goûter les espoirs de changements que l'enfance a toujours incarnés.


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