De nouvelles cartes des zones inondables pour « changer la culture du risque »

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De la nécessité de créer un Institut de géographie du Québec


Après les inondations de 2017, le gouvernement du Québec a mandaté la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pour refaire toutes les cartes des zones inondables de son secteur. Objectifs : approfondir l'analyse, en précisant notamment le niveau potentiel de l'eau, zone par zone, en cas de crues importantes, et simplifier le langage.




Le projet, qui doit aussi mener à un nouveau règlement métropolitain, a commencé en mai 2018 et devrait se terminer au plus tard le 31 décembre 2020.


Une équipe de 16 personnes composée entre autres d’hydrologues, de géomaticiens et d’un ingénieur en changement climatique est chargée de mettre à jour et d'harmoniser la cartographie des zones inondables du Grand Montréal.


Un travail urgent qui n’a pas été fait depuis plusieurs années.



« On avait jusqu’à maintenant une mosaïque de cartes qui dataient de différentes époques. Pourquoi ne les a-t-on pas mises à jour plus tôt? Je ne sais pas. Après les inondations de 2017, ça nous avait tous frappés que rien n’avait été fait depuis au moins 2000. Cela ne me semble pas responsable comme décision, alors c’est une très bonne chose que la CMM s’y mette », dit Pascale Biron, professeure au Département de géographie, urbanisme et environnement de l’Université Concordia.


Selon la professeure, la CMM est bien placée pour s’occuper de la réalisation de ce travail titanesque.


« Lorsque c’était les villes qui le faisaient, il y avait des conflits d’intérêts, car une grande partie de leurs revenus dépendent des taxes foncières. En plus d’avoir une perspective large, la CMM ne dépend pas des taxes foncières », explique-t-elle.


Cédric Marceau, chef d’équipe du Bureau de projet de gestion des risques d’inondation (BPGRI) et géomaticien, abonde dans ce sens.


« Le périmètre géographique de la CMM est l’échelle la plus appropriée pour gérer ça, car c’est un archipel et tout le réseau hydrographique est sur notre territoire », explique-t-il.


Pour la mairesse de Montréal Valérie Plante, qui est aussi présidente de la CMM, il est en effet « urgent de faire la mise à jour des cartes des zones inondables afin de mieux adapter les collectivités aux conséquences du changement climatique et de donner toute l'information nécessaire aux citoyens situés dans les zones à risque ».


Valérie Plante marche avec un homme, de l'eau jusqu'aux genoux.La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a rencontré des élus et des citoyens de la région de l’île Mercier. Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

M. Marceau croit par ailleurs que les mises à jour ont tardé, car chaque MRC avait pendant longtemps le loisir de mettre ses cartes à jour ou non. « On se retrouvait avec des échéanciers différents dans chaque MRC », précise-t-il.


Méthodologie rodée


Pour déterminer la meilleure manière de procéder, les experts de la CMM sont entre autres allés voir ce qui se fait en Europe.


Leur méthodologie se découpe en trois grands points. D’abord, il s’agit de comprendre le comportement de la rivière; il faut se déplacer sur le terrain pour y calculer la vitesse de l’eau et voir la topographie sous le lit du cours d’eau.


Ensuite, « on va déterminer la récurrence, donc des cotes de crues qui vont nous donner une hauteur, et on va faire une projection de ces cotes-là sur les rives, au centimètre près », détaille M. Marceau.


Finalement, toutes ces données seront transférées sur des photos aériennes de haute précision, et les experts pourront procéder à la cartographie de la zone inondable.


Une carte du secteur que comprend la CMM.Voici le secteur couvert par la CMM et qui, donc, devra être cartographié. Photo : CMM

L’idée est de parler de risque : zone à risque élevé, zone à risque ou zone à risque moyen. C’est la hauteur que pourrait atteindre l’eau qui déterminera la catégorie dans laquelle se trouvera chaque parcelle.



Ce qu’on ne veut plus faire, c’est donner des 0-2 ans, 0-20 ans ou 0-100 ans, ça ne dit rien aux citoyens. On veut changer la culture du risque.


Cédric Marceau, chef d’équipe du Bureau de projet de gestion des risques d’inondation (BPGRI) et géomaticien


En effet, mardi matin, le maire de Rigaud, Hans Gruenwald fils, rapportait que certains citoyens, alors que la ville se préparait déjà au pire il y a plusieurs semaines, lui disaient : « On a eu de grosses inondations en 2017, on est bons pour encore 100 ans! »


Pascale Biron estime que la méthodologie utilisée par les experts de la CMM est « très appropriée, car ils feront une carte des risques, et ça, c’est fondamental. C’est très bien de communiquer la hauteur que peut atteindre l’eau également ».


Des cartes évolutives


Le grand défi sera aussi de prendre en compte les changements climatiques qui, à moyen terme, risquent de rendre ces nouvelles cartes désuètes.


Des maisons entourées d'eau.Plusieurs maisons avaient été inondées à Deux-Montagnes, lors des crues printanières de 2017. Photo : Radio-Canada / Francis Labbé

« On va faire du monitoring, car une cartographie, c’est quelque chose de statique, qui pourra être utilisé par les urbanistes pour appliquer le règlement. Mais on veut aussi permettre aux gens d’avoir des données dynamiques. On fait notamment affaire avec Environnement Canada, qui émet des prévisions sur trois jours, et on va rentrer ça dans nos modèles. Le citoyen y aura accès et pourra savoir ce qu’il va se passer sur son terrain », assure M. Marceau.


Ce sont d’ailleurs les changements climatiques qui ont poussé les experts à déterminer que les cartes devront être revues tous les six ans.


Pour le moment, l’équipe de la CMM a réalisé celles des rivières des Prairies et des Mille Îles. Il lui reste donc encore tout le secteur du fleuve Saint-Laurent et de la rivière des Outaouais.


L'homme regarde l'eau monter jusque dans le stationnement de sa résidence.Aux abords de la rivière des Mille Îles, à Laval, l'eau est montée durant le week-end de Pâques 2019. Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Pascale Biron rappelle que les cartes s'arrêteront aux frontières de la CMM, « donc en plein milieu d'une rivière parfois ».


« Nous, les chercheurs, avons aussi un mandat de cartographie. Il y aura donc quand même des cartes au-delà du secteur de la CMM, mais ce sera un peu moins précis », dit-elle.


Cédric Marceau pense qu’en 2021, les citoyens auront accès à toutes ces données au moyen d'une nouvelle plateforme numérique. Grâce à une carte 3D, les citoyens pourront suivre le risque d’inondation en temps réel et même simuler une inondation sur leur terrain.


« Une autre plateforme sera également réalisée pour les spécialistes, les experts », ajoute le géomaticien.


Une fois ces nouvelles cartes établies, pourront-elles être contestées par les citoyens qui tiennent obstinément à faire construire leur maison très proche de l’eau?


« Il sera toujours possible de faire une contre-expertise, mais il faut savoir que c’est assez complexe de réaliser ce genre de travail. Les gens pourront mandater un arpenteur-géomètre, mais il ne va regarder que le terrain du citoyen », explique M. Marceau, qui ajoute que la rivière doit être considérée dans sa globalité.


Ci-dessous, une entrevue sur la mise à jour des cartes des zones inondables avec Nicolas Milot, spécialiste des inondations et conseiller à la Communauté métropolitaine de Montréal.




 

 




La situation d'insularité de Montréal rend la ville particulièrement vulnérable aux crues des eaux, explique Nicolas Milot, spécialiste des inondations et conseiller de recherche à la Communauté métropolitaine de Montréal.


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