De notre Dominion divisé

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En cas de référendum albertain, le Québec doit être prêt à défendre ses demandes constitutionnelles



Depuis l’élection fédérale, des commentateurs ont entrepris de dédramatiser les « divisions » de notre Dominion.




Un fossé grandissant sépare villes et campagnes ; l’Ouest plus que jamais bleu conservateur ; l’Est, qui, depuis 2011, n’a pas eu autant de bleu pâle bloquiste.




Mais ils insistent, il n’y aurait selon eux rien de nouveau, ce pays a toujours été divisé.




L’Alberta




Certes, la division est normale dans un pays. Nos démocraties réussissent habituellement à bien l’organiser.




Mais parfois, il y a risque de crise, voire d’éclatement. La division devient problématique. Sur cet aspect, au Canada, en 2019, il y a du nouveau.




Il vient non pas du Bloc, mais de l’Alberta. Avec Jason Kenney, jamais elle n’a eu un chef de gouvernement aussi déterminé.




Pour s’en convaincre, il faut lire l’intéressante analyse du constitutionnaliste André Binette dans la revue L’Action nationale (vol. CIX no 7) intitulée « La stratégie constitutionnelle albertaine ».




Le texte, écrit cet été, fait prendre conscience que le « plan A » de Kenney découlait d’une victoire de Scheer. Cela ne s’est pas produit, on le sait.




La stratégie albertaine comporte un « plan B » en deux volets : d’abord juridique. Ensuite, référendaire.




Juridique




Le juridique est en marche : l’Alberta s’est jointe à la contestation de la taxe carbone du gouvernement Trudeau.




De plus, pour punir la Colombie-Britannique qui s’est opposée à la construction d’un oléoduc, le gouvernement Kenney a mis en vigueur une loi lui permettant « de fermer le robinet du pétrole » à sa voisine !




Ces gestes juridiques seraient fragiles sur le plan constitutionnel et n’auraient pas grand avenir devant les tribunaux.




Kenney espère l’emporter grâce à la « compétence provinciale sur la production énergétique » qui découle de la Constitution en 1982. Une concession de dernière minute du père Trudeau pour convaincre l’Ouest de se joindre au rapatriement...




Or, l’Alberta risque « de bientôt se rendre compte, à un moment critique, qu’elle s’est fait avoir [...] comme le Québec », tranche Binette.




Référendaire




L’autre volet est l’équivalent de l’« arme nucléaire » en politique canadienne : un référendum.




En effet, si l’on ne reconnaît pas son droit à obtenir un oléoduc afin de sortir le pétrole bitumineux de son territoire, Kenney promet de tenir une consultation populaire en octobre 2021 sur l’abolition de la péréquation, garantie depuis 1982 par l’article 36 de la Constitution.




Kenney certifie qu’il l’emporterait avec 80 % des voix. Une telle victoire serait suivie – opine Binette en citant une source albertaine – « de résolutions d’appui dans les assemblées législatives conservatrices », ce qui déclencherait une « obligation de négocier » une modification à la Constitution. Si cela se produisait, quelle serait la position de François Legault ? La CAQ a plusieurs revendications constitutionnelles dans son « Nouveau projet pour les nationalistes du Québec », présenté en 2015. Ne devrait-il pas les présenter ?




Selon Binette en tout cas, il pourrait « difficilement se présenter à table [de négociation] sans un mandat de l’Assemblée nationale ». Quelle serait la position du (ou de la) chef libéral(e) ?




La « division » suscite d’intéressantes questions.






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